Accueil Actualité IRIB Dossiers Auteurs Communiqués Agenda Invitation à lire Liens Ressources
Dernières mises à jour Journaux de Cathy et Marc Plateforme tourquennoise Les vidéos Centre d'infos francophone Ziad Medoukh Centre de la Paix Gaza Université al-Aqsa Gaza Qui? Pourquoi?

Google
sur le web sur Palestine Solidarité

 

Centre Palestinien
d'Information :




Invitation à lire :





BDS :



Solidarité :



Produits palestiniens :



En direct d'Iran :



Palestine Solidarité
sur Facebook :






Egypte

Egypte : des élections, et quelques questions
Tariq Ramadan


Tariq Ramadan

Lundi 28 mai 2012

Si le Moyen Orient est une région complexe, l’Egypte est un pays particulièrement compliqué. Depuis plus d’une année, le monde en général et les Égyptiens en particulier ont pu constater des changements profonds dans la société. Les masses qui se sont soulevées et ont permis de se débarrasser de Moubarak ont provoqué une prise de conscience profonde dans les populations (dans l’ensemble du monde arabe). Il était possible, ont-ils montré, de faire tomber le despote, d’influer sur les événements et de participer à l’écriture d’une autre Histoire.

Nul ne peut nier ce renouveau, ce réveil, cette conscience nouvelle. Quelles que soient les forces qui ont participé en amont à l’entraînement des blogueurs et des cyberdissendents, qu’elles que soient les influences et les pressions, étrangères et internes, cette conscience collective est le plus grand acquis des mouvements qui ont transformé le Moyen-Orient. Il reste qu’il ne faut point, au nom de l’optimisme qui naît avec les peuples qui se soulèvent, se laisser aller à des conclusions hâtives, sans analyse profonde des enjeux économiques, géostratégiques et politiques nationaux et régionaux. Je l’ai répété depuis le début des événements, dès novembre 2010, les forces qui ont poussé et accompagné les soulèvements ne furent ni spontanées ni désintéressées et l’évolution de la situation dans tous les pays ( de la Tunisie à la Syrie en passant par l’Egypte) me donne raison : il faut rester très prudemment optimistes.

Les élections présidentielles en Égypte sont particulièrement révélatrices. Les précédentes élections parlementaires avaient été surprenantes avec l’arrivée en tête des Frères Musulmans et, bien plus étonnant encore, l’apparition inattendue d’un parti salafi, an-Nour, arrivant en seconde position (après seulement quelques mois de mobilisation). La nouvelle Constitution n’a toujours pas été écrite et le comité chargé de son élaboration a été quasiment dissous. Les candidats aux élections ont été acceptés, puis parfois rejetés, selon des procédures et avec des explications pas toujours claires ni vraiment transparentes. L’ ensemble des partis et des acteurs politiques ont évité de polémiquer pour ne pas envenimer l’atmosphère même si de nombreuses voix étaient très critiques et accusaient les anciens du régime, de même que l’Armée, de procédés douteux en coulisses.

Il s’agissait donc des "premières élections libres" en Égypte. Une douzaine de candidats étaient finalement en compétition et quatre candidats semblaient être favoris. Deux anciens du régime, plus ou moins associés à l’ancien ordre autocratique, Amr Moussa et Ahmad Shafiq, et deux islamistes, plus ou moins associés aux Frères Musulmans, Muhammad Morsi et Abd al-Mun’im Abul Futuh. Les sondages et les pronostics présentaient souvent ces deux derniers comme premier ou second candidat dans la course, ou inversement. Personne, apparemment, ne pouvait prédire qui allait l’emporter. On assistait à des alliances étranges : le parti salafi choisissant Abul Futuh plutôt que Morsi alors que le premier est reconnu comme " bien plus libéral". Un indice de plus que la nature de la participation des salafis au processus électoral est peu claire (depuis bien avant les élections parlementaires au demeurant). On nous parlait beaucoup de Amr Moussa comme s’il représentait la seule alternative sécularisée. Ahmad Shafiq, qui avait temporairement été placé à la tête du pays, avait été "oublié". La lecture et l’interprétation des faits est bien difficile.

Pourtant le scénario qui se dessine pourrait bien être particulièrement intéressant pour l’ancien régime et l’armée dont les intérêts économiques et politiques demeurent immenses. La défaite de Abul Futuh - candidats soutenus par les jeunes générations d’islamistes et les blogueurs qui avaient auparavant soutenus Muhammad al-Baradei - et la disparition de Amr Moussa - laïque mais pas toujours contrôlable - offre une avenue intéressante même si elle est paradoxale à première vue. L’arrivée en tête du candidat des Frères Musulmans, suivi par Ahmad Shafiq, pourraient offrir deux options très favorables à court ou à long terme.

Soit il va s’agir d’agiter l’épouvantail de l’islamisme et des Frères Musulmans et de mobiliser l’Egypte face aux dangers des Frères contrôlant le Parlement et la Présidence. Tout porte à croire que les Frères Musulmans pourraient subir un contre-coup réel et effectivement perdre les élections au profit d’un ancien du régime protecteur des intérêts des caciques. Soit il s’agit, sur le plus long terme, d’exposer les Frères Musulmans et de laminer leur crédibilité dans l’exercice même du pouvoir. Il y a fort à parier qu’un scénario du type turc - avec les succès de l’AKP et son intégration à l’économie capitaliste - ne se produira pas en Égypte car l’état économique du pays (et son potentiel) n’est pas comparable ni d’ailleurs les enjeux régionaux, avec notamment le conflit israélo-palestinien et les relations avec les autres États arabes ( des pétromonarchies à la Syrie et au Yémen sans oublier le front de rupture sunnite-chiite).

La transparence politique est loin d’être un acquis des soulèvements arabes. Les manœuvres politiciennes, les mensonges et les rapports de force restent la règle et les espérances des peuples ne sont de loin pas toujours prises en compte ni respectées. La route est longue et les apparents vainqueurs aujourd’hui ne sont pas forcément ceux que l’on croit. La conscience qui s’est réveillée dans le monde arabe ne doit pas se laisser endormir et s’il exista un processus révolutionnaire (inachevé à l’évidence), c’est aujourd’hui qu’il doit manifester sa force de résistance et de changement. Rien n’est gagné encore et les ingérences et manipulations ne vont pas cesser. À ceux qui ont pensé que les élections présidentielles égyptiennes règleraient toutes les questions en suspend, il faut dire qu’il est l’heure de se réveiller de ces illusions dangereuses. C’est parce que l’Egypte est un grand pays associé à des enjeux cruciaux qu’il a besoin de politiques et d’intellectuels déterminés, réellement démocrates avec une crédibilité éthique éprouvée. La situation est critique.

Sans cette conscience et ce courage de refuser les mises en scène, il se pourrait que les élections présidentielles soient moins une page nouvelle de l’avenir démocratique de l’Egypte, que la répétition d’un ancien chapitre de mise sous tutelle. Le pire, après la dictature, serait une mise en scène démocratique, avec de véritables acteurs politiques sur le devant de la scène, jouant - et jouets - d’un scénario écrit par quelques intelligences économiques, militaires, étrangères ou intérieures, qui ont appris, par l’Histoire, que l’on peut tromper les peuples avec le choix des mots, en nourrissant les illusions ou en instrumentalisation les peurs. Rien n’est gagné en Égypte, c’est bien le moins que l’on puisse dire.

© Tariq Ramadan 2010
Publié le 28 mai 2012

 

 

   

Le sommaire de Tariq Ramadan
Le dossier Egypte
Le dossier religion musulmane
Les dernières mises à jour



Source : Tariq Ramadan
http://www.tariqramadan.com/...

Les avis reproduits dans les textes contenus sur le site n'engagent que leurs auteurs. 
Si un passage hors la loi à échappé à la vigilance du webmaster merci de le lui signaler.
webmaster@palestine-solidarite.org

Ziad Medoukh :



Analyses et poèmes...


Silvia Cattori :


Analyses...


René Naba :


Analyses...


Manuel de Diéguez :


Analyses...


Fadwa Nassar :


Analyses et traductions...


Alexandre Latsa :


Un autre regard sur
la Russie ...


Ahmed Halfaoui :


Analyses ...


Chérif Abdedaïm :


Chroniques et entretiens ...