Accueil Actualité Dossiers Auteurs Communiqués Agenda Invitation à lire Liens Ressources
Dernières mises à jour Journaux de Cathy et Marc Plateforme tourquennoise Les vidéos Centre d'infos francophone Ziad Medoukh Centre de la Paix Gaza Université al-Aqsa Gaza Qui? Pourquoi?

Google
sur le web sur Palestine Solidarité

 

Centre Palestinien
d'Information :




Invitation à lire :



BDS :



Solidarité :



Produits palestiniens :



En direct d'Iran :



Palestine Solidarité
sur Facebook :






Opinion

Alliance des civilisations ?
Tariq Ramadan


Tariq Ramadan

Lundi 19 décembre 2011

Il n’est pas un jour sans que nous n’entendions dire que le monde a besoin de davantage de communication, de davantage de dialogue, de davantage de compréhension. Le 11 septembre 2001 a été à ce titre, durant les dix années écoulées, une tragédie révélatrice. Depuis lors, on a de plus en plus parlé de “civilisations”, de “clash”, de “dialogue”, d’ “alliance”, etc. Quelques hommes politiques et intellectuels ont soutenu l’idée d’un “clash des civilisations” (réduisant le point de vue d’Huntington à cette seule déclaration), d’autres ont nié un tel conflit et, avec la plus grande énergie, défendu le “dialogue” et espéré une “alliance”. En soulignant ces positions idéologiques contradictoires, on retrouve une même perception du monde. Il y a un “nous” et (ou contre) un “eux”, il y a “notre” identité qui serait différente de “la leur”.... “Notre” civilisation et “la leur” : il s’agit d’une appartenance culturelle et / ou religieuse qui prédétermine une quelconque compréhension du monde, de la justice, de la liberté et de la dignité humaine. Il s’agit de fait davantage de culture que de politique, davantage de compréhension que de pouvoir : voilà ce que l’on veut nous invite à croire.

Nul ne peut nier que le monde globalisé questionne nos compréhensions d’antan, interroge nos identités et appartenances, et bouleverse nos zones de confort collectives. Nous traversons des temps difficiles et le sentiment d’insécurité, nourri par des peurs et des doutes, est présent partout de part le monde, en Occident aussi bien qu’en Afrique, en Asie et en Amérique. Nous avons incontestablement besoin de davantage d’éducation et de compréhension quant à notre propre histoire, culture, religion et de nos propres valeurs. Nous avons besoin que l’on nous enseigne (et également d’enseigner) d’autres cultures, religions et visions du monde. Accepter le pluralisme signifie, bien entendu, être ouvert au monde, écouter, communiquer et apprendre - au delà de la simple tolérance - à respecter les convictions et les sensibilités des peuples. Ainsi, il est essentiel de réformer nos programmes scolaires et d’enseigner davantage l’histoire, la philosophie, les religions et même les arts : voilà les domaines et les disciplines qui armeraient les générations futures afin de se confronter à la diversité, de faire face aux défis de ce monde de plus en plus complexe et en fin de compte d’essayer de faire progresser la communication et le respect entre les sociétés, les cultures et les religions.

Ce ne sera pas facile. A l’ère des “réseaux sociaux”, on tend à confondre “connecter” et communiquer. La “connexion”, au sein du monde virtuel et du monde réel, est davantage une affaire d’échange de mots, de partage d’informations, mené au même rythme rapide sur Internet que dans la vie quotidienne. Les jeunes sont ouverts, dynamiques et réactifs : cela ne signifie pas qu’ils soient armés pour comprendre, réfléchir et faire l’expérience de l’empathie intellectuelle. Ce n’est pas parce que les mots et les moyens sont les mêmes, dans notre monde global, que les sentiments et perceptions sont similaires. Pour ce qui est de la communication et du dialogue, il est essentiel de prendre en considération les facteurs psychologiques : se sentir bien où que l’on soit, et d’où que l’on parle, est une condition indispensable. On peut parler de citoyenneté, de cultures ou de religions, mais si le sentiment d’appartenance fait défaut, alors la citoyenneté, les cultures et les religions peuvent être utilisées comme moyens d’exorciser nos peurs et notre manque de confiance. Les immigrés, les étrangers ou les religions différentes deviennent les ennemis : en observant combien les partis populistes se portent bien de part le monde, il parait évident que les jeunes générations ne sont pas à l’abri d’un tel danger.

Ce qu’il y a de plus inquiétant, néanmoins, c’est que l’on use et abuse de ce facteur psychologique dans l’arène politique. Soit on joue avec le manque de confiance et les peurs de peuples (et on parle d’un “clash des civilisations”), soit on fait appel aux nécessaires dialogues et alliances comme étant l’ultime remède à nos difficultés. On parle de “civilisations” et de “religions” afin d’éviter d’aborder la politique, l’économie, les intérêts et les pouvoirs : en soi, se tourner ainsi vers les “civilisations” pourrait bien être le moyen utilisé par les puissantes forces politiques afin d’éviter de parler de leur pouvoir et de leur politique. Parler de culture afin d’éviter de parler de politique, parler de valeurs démocratiques formelles afin d’éviter de parler d’inégalité économique, parler de respect afin d’éviter de parler d’injustice. A ce titre, les discours redondants concernant les “civilisations” et les “religions” peuvent être des moyens très puissants permettant d’éviter de parler de pouvoir et d’aborder les véritables questions du moment.

Nous devons nous réconcilier avec la politique et les idéologies politiques, la justice économique et l’éthique, l’aliénation psychologique et la manipulation intellectuelle au cœur de nos sociétés modernes, qu’elles soient démocratiques ou non. Il ne suffit pas de résister, il ne suffit pas de dialoguer, il ne suffit pas d’être ouvert aux autres civilisations et cultures : notre monde a besoin d’esprits qui font preuve de compréhension, de conscience (sans naïveté), de détermination et de courage. Voilà ce dont il s’agit : nous avons besoin de femmes et d’hommes faisant preuve de compréhension et de courage. Prêts à toutes les “alliances des civilisations” basées sur le respect, mais n’étant jamais effrayés de faire face au pouvoir des puissants lorsque ceux-ci essayent de nous pousser à parler d’identité alors que nous avons besoin de parler de dignité ou lorsque ceux-ci nous invitent à parler de dialogue humaniste alors que le véritable sujet est bien leur domination inhumaine et malsaine.

Un grand merci encore à S.H. pour cette traduction

© Tariq Ramadan 2008
Publié le 20 décembre 2011

 

 

   

Le sommaire de Tariq Ramadan
Le dossier religion musulmane
Les dernières mises à jour



Source : Tariq Ramadan
http://www.tariqramadan.com/...

Les avis reproduits dans les textes contenus sur le site n'engagent que leurs auteurs. 
Si un passage hors la loi à échappé à la vigilance du webmaster merci de le lui signaler.
webmaster@palestine-solidarite.org

Ziad Medoukh :



Analyses et poèmes...


Silvia Cattori :


Analyses...


René Naba :


Analyses...


Manuel de Diéguez :


Analyses...


Fadwa Nassar :


Analyses et traductions...


Alexandre Latsa :


Un autre regard sur
la Russie ...


Ahmed Halfaoui :


Analyses ...