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Opinion

Méditer l'Irak, dix ans plus tard
Tariq Ramadan


© Tariq Ramadan

Mardi 19 mars 2013

Il y a plus de 10 ans, tout a commencé par le mensonge et le cynisme. Le président George W. Bush avait envoyé son Secrétaire d’Etat Colin Powell mentir aux Nations Unies et au monde : Saddam Hussein, l’ancien allié, possédait des armes de destruction massive et entretenait des relations avec le réseau d’al-Qaïda désormais installé en Irak. Il fallait intervenir. Contre l’avis des enquêteurs des Nations Unies sur les armes de destruction massive, dont Hans Blix, contre l’avis des institutions internationales, les États-Unis ont lancé une guerre avec leur allié britannique qui a provoqué la mort de centaines de milliers de morts. On avait promis la liberté aux Irakiens, ils ont vécu l’horreur, la désolation et la mort. Saddam Hussein était bien un dictateur sanguinaire et un monstre mais - allié comme ennemi - il aura surtout servi à réaliser les cyniques desseins d’une administration américaine sans état d’âme.

Dix ans plus tard, le nombre de morts s’alourdit tous les jours au gré d’une effrayante normalisation de l’horreur. En termes politiques, l’opération s’apparente à un échec, à un désastre. Les divisions se sont approfondies entre les différentes traditions et sectes religieuses. Sunnites et chiites se méfient les uns des autres et s’entretuent quotidiennement ; le système politique, basé sur les appartenances religieuses et les équilibres ethniques, est artificiel et très fragile. Une élite politique et une caste d’entrepreneurs et de financiers se protègent, au sens propre comme au sens figuré, des péripéties politiques dans une aire sécurisée de Bagdad : ils protègent leur vie et continuent d’en retirer des bénéfices énormes grâce aux transactions commerciales relatives, notamment, aux ressources pétrolières irakiennes. Le bilan politique et humain est un désastre et pourtant les bénéfices géostratégiques et économiques sont immenses. L’allié israélien fut l’un des soutiens les plus déterminés à l’élimination de Saddam Hussein, à l’affaiblissement de "son pouvoir de nuisance régional" ainsi qu’au maintien du pays sous contrôle. L’opération en ce sens est une réussite. C’est encore davantage le cas en termes de bénéfices économiques : les ressources pétrolières sont sécurisées et les contrats ont assurés un accès direct à la production irakienne de pétrole et aux chantiers de reconstruction. Les armées américaines et britanniques ont quitté l’Irak de la guerre et de la violence meurtrière ; leurs entreprises et leurs entrepreneurs sont restés pour tirer profit de l’Irak du pétrole et des affaires. Un contrôle économique renforcé derrière la fragilisation politique et des semblants de progrès démocratiques.

En 2003, le Président Bush avait promis de libérer l’Irak avant de démocratiser le Moyen-Orient. Le monde l’a entendu, le monde a souri : il s’agissait de George W. Bush dont l’intelligence paraissait inversement proportionnelle à sa capacité de mentir. Il semble néanmoins qu’il décrivait bien une vision, une stratégie de l’administration américaine, qui a bien commencé avec l’Irak et dont le scénario se réalise et se confirme dans plusieurs pays de la région. Dans les faits, il s’agit de sécuriser, de se réapproprier et de s’assurer des gains géostratégiques et économiques en soutenant directement ou indirectement les processus de démocratisation politique au Moyen-Orient.

En analysant la situation en Lybie, on ne peut qu’être frappé par certaines similitudes. L’intervention française, américaine, britannique et qatari, avec les forces l’OTAN, a éliminé le tyran Kadhafi (qui avait pourtant été réinvité, comme un partenaire désormais respectable, au sein de la communauté internationale deux ans auparavant). La résolution des Nations Unies sur la fermeture de l’espace aérien a été instrumentalisée et l’intervention armée a permis de faire d’une pierre deux coups : contrôler le pays et empêcher une mainmise chinoise et russe sur les ressources pétrolières. La situation politique est loin d’être stable, la violence est quotidienne, les clans et les tribus s’entretuent, la démocratie réelle semble une vue de l’esprit. Il reste néanmoins que les ressources pétrolières libyennes sont bien sous contrôle, que les multinationales travaillent librement et que les contrats se sont multipliés : du commerce des ressources minières à la reconstruction du pays.... Le pays est politiquement et humainement dévasté alors qu’économiquement il reste une source de profit inestimable. Son oublier l’accès possible aux ressources minières potentielles en Mauritanie voisine, au Nord du Mali et au Niger.

Chaque pays a son histoire et sa dynamique et il faut rester prudent quant aux comparaisons trop hâtives. On ne saurait pourtant rester aveugle aux forces de la nouvelle mise sous tutelle du Moyen Orient. La lutte que se livre les États-Unis et les nouveaux acteurs - comme les pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), sans oublier la Turquie, voire même l’Afrique du Sud - n’a que faire des régimes et de leur démocratisation. Le réveil arabe n’a pas été, dans les faits, un réveil de la conscience des grandes puissances quant à la liberté et à la dignité des peuples et des nations du Sud. Le combat est économique et géostratégique. La Tunisie et l’Egypte ont vécu deux années de transition difficile : les peuples se sont soulevés et ont fait tomber les dictateurs. Deux ans plus tard, les deux pays voient le processus démocratique ébranlé : les divisions, les tensions et la violence menacent de mettre à mal les acquis. Des forces intérieures et étrangères jouent à déstabiliser les deux pays (sans négliger le jeu trouble de l’armée en Égypte). La situation est alarmante. Sur le plan économique, les dirigeants islamistes n’ont pas d’autre choix, pour devenir politiquement reconnus et respectables (autant que pour mener à bien les réformes urgentes), que d’accepter les politiques économiques imposées par le FMI et la Banque Mondiale. Les deux économies sont sinistrées et aucune force politique ne peut, seule et en l’état, proposer une alternative politique ou un repositionnement stratégique. Au cœur des troubles et des tensions politiques perpétuelles, les islamistes au pouvoir en Tunisie, en Égypte comme au Maroc se voient obligés de devenir les partenaires dociles de grandes puissances qui hier soutenaient les dictateurs qui les réprimaient. Étrange retournement de l’Histoire. Le Moyen Orient ne doit pas se lire et se comprendre à la lumière des appartenances idéologiques, au demeurant très malléables, mais bien plutôt au pragmatisme des acteurs qui peut être parfois être l’autre nom de la compromission.

Le Moyen Orient est fragilisé et instable. Tout est possible et il est devenu encore davantage l’objet d’appétits insatiables. C’est à la lumière de ces luttes d’influence et de ce cynisme qu’il faut, à notre sens, comprendre la passivité des grandes puissances face aux horreurs quotidiennes en Syrie. L’instabilité régionale, la division entretenue et nourrie entre le sunnites et les chiites, l’isolement de l’Iran, les tensions au Liban et l’engagement partisan des pays pétroliers, comme le Qatar et l’Arabie Saoudite, est apparemment un désastre et un objet de dépit. Apparemment. L’Histoire nous a appris que le cynisme politique n’a point de limite. Le "conflit de basse intensité" syrien peut bien être humainement une horreur, il apparaît géostratégiquement comme "profitable". Le Moyen-Orient politique se perd au gré de ses divisions et perd encore davantage son potentiel d’autonomie économique démantelé par ses prédateurs. Pour un temps, les grandes puissances, autant qu’Israël, n’ont point à craindre la volonté et l’espérance des peuples : la conscience de ces derniers s’est certes réveillée mais leur marche vers la libération a été muselée. L’Histoire n’est point finie, pourtant on ferait bien de méditer les péripéties irakiennes si l’on veut espérer voir un jour un Moyen Orient libre et libéré.

Dix ans est une séquence très courte de l’histoire des Hommes même celle-ci s’accélère et est pleine d’enseignements. La libération future des peuples se mesurera aussi à leur capacité à penser et dépasser les aliénations et les emprisonnements du passé. Il n’existe point de liberté sans mémoire, il ne peut y avoir de libération sans penser son Histoire. Le Moyen Orient ne fera pas exception.

© Tariq Ramadan 2010
Publié le 19 mars 2013

 

 

   

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Source : Tariq Ramadan
http://www.tariqramadan.com/...

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