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Opinion

Démocraties en crise
Tariq Ramadan


Tariq Ramadan

Mercredi 16 novembre 2011

D’intenses débats, très théoriques, sur les vertus de la démocratie ont eu lieu durant ces derniers mois, au moment où nous essayons d’analyser les événements du monde arabe. La démocratie devrait être l’objectif à atteindre, conclut la plupart des analystes : c’est le meilleur système politique, un système au sein duquel les citoyens voient leurs choix politiques respectés, leurs libertés et leurs droits protégés. Un tel résultat serait donc la plus grande réussite du MENA* : enfin, les peuples arabes feraient l’expérience du pluralisme, de l’ouverture et - pourquoi pas - de la modernité.

Au même moment, en Occident, les systèmes démocratiques sont en train de traverser une des plus profondes crises de leur histoire. Loin des descriptions idéalisées et théoriques du « système démocratique », les citoyens des pays occidentaux ont de plus en plus l’impression d’avoir été oubliés ; que leur opinion ne compte pour rien. Alors que Ben Ali, Moubarak et Kadhafi sous les poussées de peuples aspirant à la liberté, huit dirigeants européens (la liste est loin d’être exhaustive) qui auraient dû démissionner à cause de leur responsabilité dans la récession économique imposent leur loi sur le dispositif politique. Ce dernier, dit « démocratique », a prouvé qu’il n’est ni transparent ni libre, puisque les Etats autant que les citoyens sont profondément endettés. Qui prend les décisions aujourd’hui ? Qui détient le pouvoir ?

Lorsqu’en appelant au référendum, le premier ministre grec George Papandreou s’est essayé à un jeu de pression politique, il a été critiqué et il a été finalement forcé de quitter ses fonctions : il lui fut affirmé que ce n’était pas le moment de consulter son peuple puisque la liberté de ce dernier pouvait entraîner une chute collective... Les pouvoirs et les institutions économiques, tout autant que les agences de notation, s’imposent et imposent leur impitoyable logique : il n’est point l’heure de consulter les peuples. Les médias se contentent de les suivre : il serait désormais naturel et juste que des présidents et ministres élus soient forcés de quitter le pouvoir sans que les populations n’aient leur mot à dire. Comme si, en temps de crise, les règles de procédure démocratique devaient être suspendues : les citoyens ne sont que des spectateurs.

On demande aux pays à majorité musulmane de réexaminer la relation entre le pouvoir de l’Etat et le pouvoir religieux. L’islam ne devrait pas imposer ses vérités et ses dogmes aux Etats démocratiquement élus. Ces derniers doivent être libres, et doivent exprimer la volonté de la majorité. Les régimes théocratiques sont dangereux, car ils ne protègent ni l’égalité des citoyens devant la loi ni leur droit à décider de leur futur. Voilà en effet des points fondamentaux ! Les pays à majorité musulmane devraient, dans le même sens, se débarrasser par eux-mêmes de leurs dictatures autant séculières que religieuses. Appeler à la démocratisation est légitime et semble être la seule voie d’avenir : voilà l’essence du réveil arabe, son espoir tout autant que son objectif.

Pourtant, nous devrions formuler des questions plus spécifiques concernant le modèle et les buts. Les pays arabes devraient-ils suivre les traces de l’Occident ? Le modèle occidental est-il aussi transparent qu’il doive impérativement être copié ? Où sont cette liberté et cette transparence dont nous parlent les démocrates ? Où que l’on se tourne, on entend des plaintes croissantes : les peuples ont le sentiment de perdre leurs droits, de jouir de moins de liberté, d’être progressivement marginalisés. Aux Etats-Unis, la récente crise économique a mis à jour, de façon de plus en plus accrue, l’impuissance des citoyens. Des millions d’individus sont au chômage et sont profondément endettés ; ils n’ont pas d’assurance maladie leur permettant de couvrir leurs besoins, ni de service social effectif leur permettant de protéger leurs familles. On leur demande de voter pour des candidats qui dépensent des milliards de dollars durant les campagnes électorales, et ils finissent par être oubliés pourtant entre deux élections. Certains citoyens ont essayé de faire entendre leurs voix à Wall Street : le pouvoir véritable ne réside pas à la Maison Blanche mais le long de ces rues où nul n’exige que les acteurs, les agents et les institutions économiques surpuissants respectent les règles démocratiques. Le pouvoir économique et la haute finance, la puissance de l’argent et des médias leur appartient : ici, la démocratie n’a pas sa place. Des manifestants, quelques milliers de citoyens indignés, se sont élevés et ont exprimé une crainte commune : quel est l’avenir des démocraties occidentales ?

En Europe, la même impression s’installe. Il se peut qu’ aucune religion n’exerce de pouvoir sur l’Etat, mais il se trouve que les multinationales, les institutions économiques, les banques, les médias et les lobbies, très bien structurés, sapent l’essence même du système démocratique (qui devrait être basé sur la transparence et le pouvoir de la majorité). On parle de séparer le pouvoir religieux du pouvoir de l’Etat - mais qui protégera l’Etat des pouvoirs économique et financier (ainsi que de celui des médias) qui imposent leurs décisions et leurs politiques de façon totalement anti-démocratiques. Il est bien séduisant de glorifier un modèle démocratique idéalisé, mais la vérité n’en demeure pas moins que les démocraties occidentales sont en train de s’éroder : les peuples sont en train de perdre leurs droits et leurs prérogatives. Il est temps pour les citoyens de se réveiller et d’exiger de la transparence, du respect et de la cohérence. Le monde arabe a besoin de créativité politique ; mais l’Occident, profondément en crise, n’est pas, en soi, un modèle. Il est temps de trouver d’autres voies, de nouveaux horizons. Le monde globalisé sape les dynamiques démocratiques nationales. La Tunisie, l’Egypte et la Libye ou même les Etats-Unis, la Grèce, l’Italie, la France ou l’Allemagne sont dans l’incapacité de réaliser la “démocratie” de façon isolée et indépendante.

Le nationalisme est un nouveau piège, puisque les forces non démocratiques se tiennent en embuscade entre les frontières, dans l’interdépendance des nations, où les citoyens n’ont aucun réel statut et où ils ont perdu leurs droits. Les démocrates et les citoyens libres doivent apprendre à regarder au delà de leurs frontières : une tâche difficile et exigeante qui requiert des mouvements civiques transnationaux. Il n’y a pas d’autre choix. La liberté est assortie de certaines contraintes : un apparent paradoxe, certes, mais une vérité historique somme toute.

* MENA : Moyen Orient et Afrique du Nord (acronyme de Middle East and North Africa)

Chaleureux remerciements toujours à S.H. pour la traduction

© Tariq Ramadan 2008
Publié le 17 novembre 2011

 

 

   

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Source : Tariq Ramadan
http://www.tariqramadan.com/...

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