Accueil Actualité IRIB Dossiers Auteurs Communiqués Agenda Invitation à lire Liens Ressources
Dernières mises à jour Journaux de Cathy et Marc Plateforme tourquennoise Les vidéos Centre d'infos francophone Ziad Medoukh Centre de la Paix Gaza Université al-Aqsa Gaza Qui? Pourquoi?

Google
sur le web sur Palestine Solidarité

 

Centre Palestinien
d'Information :




Invitation à lire :





BDS :



Solidarité :



Produits palestiniens :



En direct d'Iran :



Palestine Solidarité
sur Facebook :






Opinion

Être Musulmans à l'ère de la mondialisation
Tariq Ramadan


Tariq Ramadan

Lundi 6 août 2012

Que l’on vive dans une société majoritairement musulmane ou en tant que minorité religieuse, en Orient ou en Occident, être musulmans est devenu synonyme de questionnements, de problèmes, de tensions, de méfiance, voire de conflits et de guerres. Le phénomène est désormais global et sa normalisation a des conséquences sur les perceptions, les relations, les discours et les politiques qui se déterminent au niveau local, régional, national et international. Il n’est pas une semaine qui passe sans que, à un endroit du monde, la « question de l’islam » soit abordée au travers d’une controverse locale, d’un conflit régional, d’un débat national soit encore à travers les courants extrémistes violents, ou les littéralistes, ou encore les islamistes qui accèdent au pouvoir en Tunisie, au Maroc, en Égypte (et ce des années après avoir gagné les élections en Palestine). L’islam, au-delà même des interprétations extrêmes ou littéralistes ou politiques, fait problème et la globalisation de l’information renforce une psychologie collective mondiale qui est en train de rendre naturel, d’une part, le doute, la méfiance, voire la stigmatisation et, d’autre part (du côté des musulmans), des réactions défensives, qui vont d’une mentalité de victime à une agressivité parfois incontrôlée. Une époque bien difficile pour les musulmans qui doivent, localement et mondialement, faire face à de nombreux défis.

La confusion est générale et tout semble lié, mêlé, au cœur d’un flot continu de couvertures médiatiques et d’informations qui est difficile à gérer, à analyser, à décrypter. Les foulards finalement acceptés par la FIFA aux Jeux Olympiques (mais toujours refusés en France) ; des rassemblements de protestations contre la shari’a dans les rues de Londres ; une vaste mobilisation contre l’application de cette même shari’a aux États-Unis ; quatre animateurs renvoyés (puis réintégrés) de leur travail en France car ils pratiquent le jeûne du Ramadan ; puis encore des propos outrageants contre les musulmans aux Pays-Bas… tout cela est amplifié par la couverture médiatique immédiate et par internet et fait écho à la montée de l’islam politique après les soulèvements arabes, à la guerre civile en Syrie, à la question israélo-palestinienne, aux tensions shiites-sunnites, à la lapidation appliquée au Nord du Mali par des salafistes littéralistes et à la résurgence des appels à une application plus stricte de l’islam au Pakistan, en Malaisie et dans certaines pétromonarchies. Sans oublier la répression qui continue de s’abattre sur les musulmans en Chine, en Birmanie aujourd’hui, et les tensions inter religieuses dans de nombreux pays africains et asiatiques. Observer l’état du monde et des sociétés impose de considérer la question de l’islam : elle habite la coexistence des religions, le rapport entre les civilisations, la question de la sécularisation, les choix idéologiques et les modèles étatiques, les rapports aux cultures régionales et à la mondialisation, la question des sociétés civiles, le statut des femmes et des citoyens. Impossible de faire l’impasse : chaque être humain responsable est confronté à la question de l’islam et doit se faire une idée, porter un jugement et prendre une position en conséquence.

Il existe des lobbies et des centres d’influence idéologique qui ont un intérêt certain à maintenir la pression médiatique dans le but de faire de l’islam une menace, et des musulmans des êtres douteux et dangereux. On se souvient de ce qu’affirmait David Yerushalmi (l’homme qui est l’instigateur de la campagne anti-shari’a aux États-Unis) : même si l’application d’un projet de loi contre la shari’a échoue, l’essentiel consiste à faire du bruit, à créer la controverse et à ancrer dans l’esprit du citoyen ordinaire l’idée que l’islam est une menace. En ce sens même un échec retentissant (dans une campagne contre l’islam) est un succès par le seul fait qu’il soit retentissant. On retrouve cette logique parmi les populistes de nombreux pays et les campagnes médiatiques ciblées fonctionnent selon le même mode dans le traitement à géométrie variable des réalités des sociétés majoritairement musulmanes. Le silence très majoritaire des médias occidentaux sur les dictatures de Ben Ali ou de Moubarak (quand ils étaient des alliés en poste) a brusquement fait place au soutien aux démocraties avec des questionnements ciblés sur le traitement des femmes, des homosexuels et des minorités religieuses sous les nouveaux régimes. Autant de questions que l’on ne posait pas aux dictateurs et que l’on aborde bien timidement quand il est question des alliés des pétromonarchies. On connaît ces couvertures médiatiques tout à fait idéologiques et les traitements douteux de l’information.

Il reste qu’il ne s’agit pas « d’une conspiration globale » contre l’islam et les musulmans comme certains le fantasment de façon parfois délirante. Il existe des centres d’intérêts idéologiques mais il est évident que la machine médiatique et la réaction politique qui s’ensuit sont entrées dans une logique qui fonctionne en cercle très vicieux. Les controverses alimentent l’intérêt du public, font le jeu des populistes et des alarmistes, qui alimentent davantage le propos à des fins électoralistes : les médias suivent car à terme le succès d’audience est assuré. A l’heure de la technologie de pointe, du traitement instantané de l’information et de la compétition globale, l’islam est rentable. Clairement, l’islam produit de l’argent et de substantiels gains. Entre les manipulations idéologiques et les logiques capitalistes, le sujet de l’islam, et donc le destin des musulmans, sont enfermés dans une dynamique négative, pour ne pas dire oppressante.

Comment en sortir ? Comment, a fortiori, sortir d’une mentalité de victime qui souvent s’impose à nous tant le tsunami mondial, médiatique et politique, qui fait de l’islam une menace global de l’ère moderne, semble tout emporter sur son passage. Paradoxalement, il faut noter que ce phénomène lui-même – avec tout ce qu’il a de négatif – draine avec lui les éléments de son possible dépassement. Quand tout le monde se questionne sur l’islam et les musulmans – sans toujours savoir de quoi il retourne -, il appartient à ces derniers de s’engager à expliquer, à enseigner, à dialoguer. Si leur visibilité mondiale fait problème à cause de leurs tenues vestimentaires, de leurs noms, de leurs couleurs (ou des conflits régionaux), il ne s’agit pas de devenir moins visibles mais mieux visibles : l’époque moderne appelle les musulmans à un jihad global de la connaissance, de l’enseignement, du dialogue, de la communication et de la résistance. Un jihad du témoignage serein, pacifié et pacifique. Cela commence par une connaissance de soi, une autocritique évitant les tromperies apologétiques autant que l’auto flagellation instrumentalisée. Une conscience musulmane doit naître qui sache dire ce qui est de l’islam et ce qui n’en est pas (dans le respect de la diversité et le pluralisme) et dénoncer les hypocrisies quant à soi autant que les mensonges des idéologies intéressées et/ou populistes. Une conscience ouverte qui sache recevoir les questions légitimes d’une majorité qui cherche à comprendre autant qu’une conscience courageuse qui ose faire face aux racismes d’une minorité qui trompe, ment et manipule. Il s’agit d’un engagement individuel, local, national, mondial. La dynamique qui fait aujourd’hui de l’islam un problème contribue à en faire une question : les musulmanes et les musulmans sont responsables, au premier chef, d’être les témoins confiants de ses réponses.

© Tariq Ramadan 2010
Publié le 6 août 2012

 

 

   

Le sommaire de Tariq Ramadan
Le dossier religion musulmane
Les dernières mises à jour



Source : Tariq Ramadan
http://www.tariqramadan.com/...

Les avis reproduits dans les textes contenus sur le site n'engagent que leurs auteurs. 
Si un passage hors la loi à échappé à la vigilance du webmaster merci de le lui signaler.
webmaster@palestine-solidarite.org

Ziad Medoukh :



Analyses et poèmes...


Silvia Cattori :


Analyses...


René Naba :


Analyses...


Manuel de Diéguez :


Analyses...


Fadwa Nassar :


Analyses et traductions...


Alexandre Latsa :


Un autre regard sur
la Russie ...


Ahmed Halfaoui :


Analyses ...


Chérif Abdedaïm :


Chroniques et entretiens ...