Opinion
Un peu de
réalisme...
Soraya
Hélou
Mercredi 28
novembre 2012
Veni vedi vici (Je
suis venu, j’ai vu et j’ai vaincu).
C’est par cette expression de l’empereur
de Rome Jules César que le Premier
ministre Négib Mikati peut résumer sa
visite en France. Des sources
diplomatiques françaises ont en effet
confirmé que la France avait subi de
nombreuses pressions pour que cette
visite n’ait pas lieu. Mais le président
François Hollande a tenu à la maintenir,
surtout qu’il n’a pas eu l’occasion de
rencontrer Mikati lors de sa visite
éclair à Beyrouth. Hollande a voulu par
ce biais montrer l’appui de la France
aux institutions libanaises et à la
politique de dissociation adoptée par le
gouvernement libanais à l’égard du
dossier syrien. En même temps, il a
voulu montrer l’appréciation de la
France des prestations du Premier
ministre qui avait été jugé hâtivement à
la formation de son gouvernement comme
étant l’homme du Hezbollah. La France et
avec elle l’Occident en général a testé
pendant plus d’un an Négib Mikati et ce
dernier est apparu comme un homme qui
sait ce qu’il veut, qui tient les
engagements internationaux du Liban et
en même temps est soucieux de maintenir
le calme, un homme qui sait ne pas
réagir à chaud, essuyer les coups et les
rendre d’une façon subtile et discrète.
Avoir réussi à se maintenir à la tête du
gouvernement malgré les circonstances
controversées de son arrivée, dans une
période aussi sensible, avec
l’éclatement de la crise syrienne, la
montée des islamismes et les problèmes
économiques, tout en parvenant à assurer
le financement du TSL et en maintenant
un minimum de stabilité méritait aux
yeux des Français «une récompense» qui
s’est traduite par la visite de trois
jours de Mikati en France.
En pleine campagne
pour faire chuter le gouvernement, le 14
mars a certes mal pris cette visite,
essayant d’abord de l’annuler ou de la
reporter. Des représentants du 14 mars
se sont rendus dans ce but en France et
dans d’autres capitales occidentales
pour expliquer la nécessité d’en finir
avec le gouvernement Mikati. Mais
n’ayant rien à proposer si ce n’est le
vide institutionnel, ils n’ont pas
réussi à convaincre et aujourd’hui, la
réponse est venue d’une façon éclatante
à partir du palais de l’Elysée. Pas de
départ du gouvernement sans une entente
sur son successeur, et une telle entente
ne peut être réalisée que par le
dialogue. Tel est le message de la
France et avec elle celui de l’Occident
aux Libanais. Ce message avait
d’ailleurs été
directement
transmis par les conseillers du
président français François Hollande à
cheikh Saad Hariri lui-même qui avait
tout fait pour avoir un entretien avec
lui au cours de sa visite en Arabie
saoudite. Finalement, cheikh Saad a
réussi à se faire inviter au déjeuner
royal en l’honneur du président
français, mais il n’a eu droit qu’à un
salut ordinaire, compensé par 7 minutes
d’entretien avec les conseillers de
Hollande… Il n’a pas voulu comprendre.
C’est alors que la visite de Mikati en
France est venue confirmer de façon
éclatante la position des autorités
françaises, favorables au maintien du
gouvernement actuel jusqu’à la
réalisation d’une entente interne. Toute
l’importance de la visite est là. Les
petits détails comme le boycott d’une
partie de la communauté libanaise en
France de la réception donnée par
l’ambassade du Liban en l’honneur du
Premier ministre ainsi que les quelques
pointes dans la presse française n’ont
qu’une portée limitée et ne changent
rien à la réalité. Mais le problème du
14 mars - ou du moins de certains de ses
piliers- est justement son manque de
réalisme. Mû par le goût du pouvoir et
la vengeance personnelle, il ne veut
même plus tenir compte de l’agenda
occidental qu’il a pourtant longtemps
suivi à la lettre.
La visite de
Mikati en France n’est certes pas le
dernier coup qu’il essuie, la victoire
de la Résistance palestinienne à Gaza en
est un autre. Et tant qu’il ne fera pas
preuve de réalisme, d’autres l’attendent
encore.
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