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Opinion
L'empereur Rifi et
la défense de l'Etat
Soraya Hélou
Achraf Rifi
Samedi 28 mai 2011
Pour un camp qui affirme haut et clair qu’il veut édifier un
Etat en opposition au Hezbollah qui préfère « l’Etat dans l’Etat
», Le 14 mars a une drôle de façon de concrétiser son slogan.
Depuis quelques jours et sans la moindre honte, le général
Achraf Rifi directeur général des FSI et empereur incontesté du
ministère de l’Intérieur a ouvertement outrepassé les directives
que lui avaient donné son supérieur hiérarchique le ministre
Ziyad Baroud.
L’homme qui est censé représenter l’Etat dans toute sa majesté
s’est comporté comme un chef de milice de la pire espèce, allant
jusqu’à mettre en doute le nationalisme d’un ministre au-dessus
de tout soupçon , à savoir Charbel Nahas, et à se vanter de
hauts faits imaginaires qui, du reste, font partie de son
travail élémentaire. Croyant effrayer son interlocuteur, il lui
a ainsi rappelé comment il a affronté Fateh al Islam et Chaker
el Absi et par conséquent, il ne le craint pas et il lui tiendra
tête.
Mais tous les Libanais s’en souviennent, c’est bien l’armée qui
a affronté Fateh al Islam, mettant dans la bataille plus de cent
martyrs, alors que les FSI sous le commandement du général
héroïque Achraf Rifi ont laissé passer les principaux chefs du
groupe, dont Chaker el Absi. Et puis, est-ce ainsi qu’un
responsable respectueux de l’Etat et de la hiérarchie qu’il
impose, s’adresse à un ministre ? Affirmant que le ministre
Charvbel Nahas, qui, selon la Constitution de Taëf est le chef
absolu dans son ministère, refuse de lui remettre les
informations nécessaires pour retrouver ceux qui auraient enlevé
les Estoniens, il a décidé de s’en emparer lui-même, selon son
propre communiqué. Est-ce bien là les actes d’un homme qui veut
édifier un Etat ? Et pour couronner le tout, le Courant du futur
et son chef le Premier ministre chargé entre deux voyages de
gérer les affaires courantes du pays, ont décidé de l’appuyer,
même s’il a accompli un flagrant délit de viol des règlements et
des lois. Il est donc réellement bien beau l’Etat voulu par le
14 mars qui ressemble bien plus à une ferme ou à une jungle où
celui qui crie le plus fort a raison et où l’émir est tout
puissant et édicte les lois de son choix, selon son bon vouloir.
D’ailleurs, le ministre de l’Intérieur Ziyad Baroud, en dépit de
son inconfortable position de centriste, a reconnu que le
général Achraf Rifi n’avait pas obéi aux ordres, en refusant de
retirer les éléments du département des informations aux FSI du
bâtiment des communications internationales à Tahwita, comme
l’avait exigé le ministre en charge du bâtiment Charbel Nahas et
comme le lui avait ensuite demandé son propre supérieur
hiérarchique le ministre de l’Intérieur.
Les Libanais ont ainsi pu voir des images incroyables, d’un
ministre empêché par des éléments armés, théoriquement les
membres du département des informations aux FSI, d’entrer dans
un bâtiment de son ministère, alors que les armes étaient
brandies contre lui. Si ce n’est pas une insurrection doublée
d’une insubordination, qu’est-ce que c’est ? A en croire Achraf
Rifi, le ministre aurait accompli un crime et dans l’émirat du
général des FSI, il aurait mérité d’être pendu.
Mais pourquoi tant d’insistance à défendre un bâtiment et un
étage (le second) qui théoriquement contient des équipements
offerts par les chinois en 2006 et que le ministre Nahas voulait
leur remettre afin qu’ils les modernisent et les adaptent aux
nouveaux systèmes en vigueur ? Cette question n’aura jamais de
réponse exacte, puisque dans le monde obscur et milicien de Rifi,
rien n’est jamais clair et toutes les transactions se déroulent
dans l’ombre. Rifi et son complice Abdel Meneem Youssef,
l’inattaquable directeur général de l’entretien et d’Ogero au
ministère des Télécommunications étaient-ils en train d’utiliser
les équipements chinois pour des objectifs secrets, comme offrir
des lignes téléphoniques aux manifestants syriens le long du
littoral de Lattaquié ?
En l’absence de toute transparence, les hypothèses les plus
terribles sont plausibles et si le général Rifi a finalement
accepté de retirer ses hommes du bâtiment de Tahwaita. Mais il a
eu le temps auparavant de défaire les installations qui
pourraient donner des indications sur le travail accompli dans
cet étage mystérieux. L’affaire aura-t-elle les suites
judiciaires normales pour une insurrection de ce type, comme le
réclament le ministre Nahas ? Dans un pays comme le Liban, où
les révélations de Wikileaks n’ont fait frémir aucun
responsable, où l’Etat devient une matière de commerce politique
et où le sentiment national devient un crime, il y a peu
d’espoir pour que les coupables soient jugés. Vous avez dit un
Etat ?
Article publié sur Résistance islamique au Liban
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