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Opinion
Silence, le colonel
tue !
Soraya Hélou
Funérailles à Benghazi
Vendredi 25 février 2011
La dernière feuille de vigne qui couvrait encore l’Occident
vient de tomber. Alors que toutes les grandes chancelleries du
monde multipliaient les déclarations pour inviter le président
déchu Hosni Moubarak à une transition en douceur, il y a
quelques semaines encore, aucun responsable occidental n’a
encore eu le courage d’appeler le colonel Kadhafi à quitter le
pouvoir. Combien faut-il encore de morts avant que l’Occident si
soucieux de démocratie, de droits de l’homme et de libertés, se
décide à réagir? La question mérite d’être posée, d’autant qu’à
la fin des années 80, c’est quand même les Etats-Unis qui
avaient tenté de tuer le colonel Kadhafi par le biais de
bombardements aériens. A l’époque, le bouillant colonel était
l’ennemi juré de l’Occident qui l’accusait de vouloir répandre
l’islam et la révolution en Europe en finançant des mouvements
dits révolutionnaires dans le monde.
Mais après les bombardements et quelques sanctions, cet ancien
monstre aux yeux de l’Occident est soudain redevenu
fréquentable. Les présidents européens l’ont reçu à tour de rôle
en grande pompe, acceptant même ses lubies de dresser sa tente
dans leurs jardins bien agencés. C’est qu’entre-temps, le
colonel Kadhafi a renoncé à exporter sa révolution, il a cessé
d’appuyer les Palestiniens et surtout il a dilapidé les
richesses nombreuses de son pays en accordant des contrats
juteux aux compagnies américaines et européennes, ne gardant
pour lui et sa famille qu’une partie infime des richesses, qui
le mettent toutefois à l’abri du besoin pour les siècles à
venir. Oubliés les droits de l’homme et la volonté de répandre
la démocratie. Ses intérêts garantis, l’Occident ne se soucie
pas des désirs des populations. L’un des pires tyrans du monde
moderne est livré à ses démons et s’il lance son aviation
sophistiquée (achetée à l’Occident) contre son peuple, tuant
femmes, enfants, jeunes et vieux par dizaines, cela n’empêche
pas les dirigeants du reste du monde de dormir. C’est à peine si
des communiqués condamnant « le recours à la violence » (sans
même préciser qui effectue un tel recours) et appelant à « la
retenue » sont publiés. Ah si, il faut mentionner une réunion du
Conseil de sécurité qui n’a bien sûr voté aucune résolution et
une déclaration
« très musclée » de l’Union européenne. Au huitième jour du
soulèvement populaire et de la répression sanglante qui a fait
plus de mille morts en Libye, ce sont les seules réactions
occidentales. Pourquoi? Tout simplement parce qu’il y a trop
d’intérêts en jeu et que l’Occident préfère le régime honni d’un
tyran qui assure ses intérêts à une démocratie qui respecte la
volonté de la population et son désir légitime de profiter des
richesses de son pays.
Que dire encore sur ce sujet? Qu’une chaîne française a tenté
d’analyser les raisons pour lesquelles les Français n’ont rien
vu venir et ont été pris de court par ces soulèvements dans le
monde arabe en disant ceci: « d’abord, nous sommes un peu
racistes et nous avons un regard hautain envers ces populations.
Ensuite, nous nous rendons dans ces pays pour des vacances et
nous sommes très heureux d’avoir des Moustafas souriants pour
nous servir et nous ne nous posons pas d’autres questions. De
plus, comme nous vendons des armes à leurs dirigeants, nous
savons que ceux-ci sont très puissants et par conséquent que les
populations ne peuvent pas les déloger. Enfin, nous nous sommes
habitués à l’inertie de ces populations et nous pensions
qu’elles ne voulaient rien ». C’est sans doute un constat
honnête, qui devrait être longuement médité par ceux qui ont
encore des illusions sur l’attitude de l’Occident. Depuis près
de deux mois, ce n’est pas seulement le monde arabe qui est en
train de changer, mais aussi le monde qui a montré sa lâcheté et
son hypocrisie. Les morts de Tripoli, de Benghazi, de Tobrouk et
des autres villes libyennes ne peuvent plus rien dire, mais leur
silence est assourdissant.
Article publié sur Résistance islamique au Liban
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