Opinion
Le cœur arabe
Soraya
Hélou
Samedi 18 mai 2013 Le 15 mai a beau être une date
douloureuse pour les Arabes en
général et pour les Palestiniens
en particulier, elle revêt cette
année une coloration différente
qui porte en elle comme une
lueur d'espoir. En effet, au
cours des deux dernières
semaines, deux événements ont eu
lieu, sans attirer l'intérêt des
médias, obnubilés par le bruit
des canons et la poudre aux yeux
des contacts diplomatiques. Mais
ils aboutissent tous les deux au
même endroit et montrent qu'en
dépit des années, des conflits,
de la misère, des efforts
gigantesques déployés pour
l'effacer des esprits, la cause
palestinienne reste vivace dans
les esprits des Arabes. Le premier événement est le raid
israélien sur des positions en
Syrie. Certes, ce raid a été
largement commenté sur le plan
stratégique et sur celui du
rapport des forces. Mais ce qui
n'a pas été dit, c'est que
malgré le peu de sympathie arabe
pour le régime syrien,
l'intervention israélienne
directe dans le conflit en Syrie
a été mal perçue chez les
populations de la région.
L'Egypte des Frères musulmans
s'est vu contrainte à réagir en
envoyant le ministre de la
Défense en Turquie pour discuter
de cette question, alors que
même l'Arabie saoudite, pourtant
ennemie féroce du régime syrien,
a été contrainte à condamner
l'agression israélienne et la
presse saoudienne, notamment le
quotidien Al Chark el Awsat a
sciemment mis en évidence la
condamnation saoudienne. Même
chose en Jordanie, en Irak et
dans d'autres pays arabes. Même
l'opposition syrienne s'est vue
contrainte de désavouer un de
ses portes paroles Hassan
Rastouni parce qu'il avait
exprimé sa joie face à
l'intervention israélienne sur
une chaîne de télévision
relevant de l'entité sioniste.
Même au Liban, où certaines
parties ont lié leur sort à la
chute du régime syrien, comme le
Courant du Futur et son chef
Saad Hariri, ont été obligées de
condamner dans des communiqués
le raid israélien sur la
banlieue de Damas. Certains s'empresseront de dire
que toutes ces condamnations ne
sont que des gesticulations
verbales qui n'ont aucune portée
réelle et effective sur le
terrain et en politique. C'est
peut-être une remarque
judicieuse, mais le fait que
tous ces dirigeants arabes -et
même turcs- aient été contraints
de publier des communiqués de
condamnation montre que sur le
plan populaire, «Israël»
continue à être perçu comme un
ennemi et il était donc
important pour les dirigeants de
condamner son action, même à
contrecœur, pour ne pas choquer
leurs bases. C'est d'autant plus
important que tout est
actuellement entrepris pour
reléguer la cause palestinienne
à l'arrière arrière-plan de la
conscience arabe. Le second événement qui a eu
lieu presque simultanément est
la spectaculaire proposition
initiée par la diplomatie du
Qatar et adoubée par la Ligue
arabe d'échanges de terrains
avec «Israël» pour régler le
conflit israélo-palestinien. Il
est d'ailleurs important de
relever que cette initiative a
été lancée à un moment précis où
les dirigeants du Golfe
croyaient que les populations
arabes étaient désormais
suffisamment occupées par leurs
problèmes internes pour accepter
une telle idée, alors que la
résistance palestinienne
semblait calmée, le chef du
Hamas s'étant installé à Doha.
Indépendamment du fait que cette
initiative, pourtant de la plus
haute importance, puisqu'elle
prévoit quasiment l'abandon du
droit au retour des Palestiniens
et la renonciation tacite à
faire d'al Qods (Jérusalem) la
capitale de l'Etat palestinien,
n'a pas été acceptée par les
Israéliens, elle a provoqué un
remous au sein du monde arabe.
Le Hamas, qui essayait de cacher
ses divisions, a clairement
refusé le projet, même si son
chef, désormais contesté, Khaled
Mechaal installé à Doha n'exclut
pas la possibilité d'entamer des
négociations avec «Israël». Le
conflit israélo-arabe aura
bientôt 70 ans mais en dépit des
pressions, des appâts, de la
misère et des soucis du
quotidien et de la oumma, la
Palestine reste dans le cœur des
populations arabes. Il est d'ailleurs intéressant de
relever que chaque fois qu'ils
sont coincés, les dirigeants du
Golfe font des propositions à
«Israël» sans parvenir à les
faire accepter par les
populations arabes. En 2001, par
exemple, l'Arabie saoudite avait
été mise en cause dans les
attentats du 11 septembre aux
Etats-Unis. Le roi Abdallah, qui
était alors prince héritier,
était en train de chercher un
moyen d'améliorer l'image de son
pays auprès des Américains et
des Occidentaux en général.
C'est ainsi qu'était née la
fameuse initiative arabe,
pratiquement rédigée par
l'éditorialiste américain Thomas
Friedman. Cette idée en version
plus élaborée, est devenue la
fameuse initiative de paix
arabe, adoptée au cours du
sommet de Beyrouth en 2002,
après l'insistance du président
de l'époque Emile Lahoud pour y
avoir ajouté la mention du droit
au retour des Palestiniens. Elle
continue à être évoquée dans la
plupart des sommets arabes qui
se sont tenus depuis 2002. Mais
elle n'a pas non plus eu la
chance d'être acceptée par les
Israéliens. Aujourd'hui, menée par le Qatar,
la diplomatie du Golfe a fait
une nouvelle tentative pour
effacer l'image des extrémistes
du Front al Nosra et ceux de la
mouvance d'Al Qaëda en général
qui se battent en Syrie, au Mali
et ailleurs en lançant une
nouvelle initiative de paix,
audacieuse dans son contenu et
sa formulation, croyant que
c'était un bon timing pour les
arabes et pour l'Occident,
puisque le président américain
Barack Obama semble déterminé à
relancer les négociations
israélo-palestiniennes dans les
plus brefs délais. Mais une fois
de plus, cette diplomatie s'est
trompée et visiblement, ce n'est
jamais le bon timing pour une
solution qui prévoit encore plus
de concessions arabes...
Source : moqawama.org
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