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Opinion
L'art de dilapider
un héritage
Soraya Hélou
Saad Hariri
Mardi 15 février 2011
L’ancien Premier ministre Saad Hariri mériterait de figurer dans
le Guiness Book des records. Il a en effet réussi en un laps de
temps assez court à dilapider l’héritage politique et national
de son père, le Premier ministre assassiné Rafic Hariri.
Qu’y avait-il de Rafic Hariri dans le rassemblement du Biel?
L’ancien Président Amine Gemayel faisait-il partie des proches
de cheikh Rafic? Samir Geagea était-il un des alliés? Antoine
Zahra l’a-t-il jamais rencontré? Il y avait bien sûr quelques
figures de « l’ancienne époque » mais qui ne tenaient jamais de
tels propos du temps de cheikh Rafic. L’homme était connu pour
être un spécialiste de « l’arrondissement des angles » et du
compromis, qui refusait la confrontation aux dépens du pays et
qui se retirait lorsque les circonstances l’exigeaient pour
revenir en force sans jamais utiliser des propos pleins de
rancoeur et de haine.
Et pourtant, l’héritier officiel et proclamé de Rafic Hariri,
entouré de ses amis et alliés, a exprimé, ainsi d’ailleurs que
les autres orateurs, toute l’amertume qui mine son cœur d’avoir
perdu la présidence du Conseil et le pouvoir. Il a promis à ses
partisans la vengeance, sans faire la moindre autocritique,
uniquement soucieux d’adresser des menaces à peine voilées au
Premier ministre Négib Mikati pour le pousser à renoncer à
assumer cette fonction.
Saad Hariri a affirmé qu’il s’était libéré des contraintes et
qu’il était heureux « de revenir aux sources ». Mais de quelles
sources s’agit-il et en quoi le 14 février 2011 ressemble-t-il
au 14 mars 2005. Où est la foule émue et enthousiaste, diverse
et convaincue? Où sont les chrétiens partisans du général Aoun
et des autres piliers de la nouvelle majorité, qui représentent,
n’en déplaise à cheikh Amine Gemayel, la majorité des membres de
cette communauté? Où sont les druzes de Walid Joumblatt? La
réunion du Biel avait plutôt l’air d’un rassemblement de
notables frustrés plutôt que d’un meeting populaire annonçant
une révolution populaire contre l’injustice…
Sur le plan de la forme, le rendez-vous n’avait donc rien à voir
avec celui de 2005. Mais c’est sur le plan du contenu qu’il y a
le plus à dire. Les orateurs voulaient effacer les six dernières
années et les changements importants qui avaient eu lieu. Mais
comment peuvent-ils encore déclarer leur attachement au TSL
après tous les scandales qui ont frappé cette instance
internationale, avec les démissions successives, les errances de
l’enquête, le dossier des faux témoins, les enregistrements de
« La vérité leaks », la rencontre de New York entre Mrs Hillary
Clinton et cheikh Saad ainsi qu’avec le roi Abdallah d’Arabie
qui a ouvertement mis un terme aux efforts syro-saoudiens et
surtout avec les éléments dévoilés par le Hezbollah sur
l’existence d’une piste israélienne et de lacunes graves dans la
procédure, sans parler des fuites incessantes dans la presse
arabe, locale et internationale et de l’enthousiasme déclaré des
responsables israéliens à l’égard de l’acte d’accusation…
Tout cela n’a pas retenu un instant l’attention des orateurs du
Biel, spécialistes de l’art de camoufler les réalités, de vivre
dans les illusions et de se contredire sans la moindre gêne ou
honte. Ainsi, le président égyptien déchu est soudain devenu un
dictateur, alors que cheikh Amine Gemayel a été l’un des
dernières personnalités arabes à l’avoir rencontré dans son
palais avant la révolution et que tous piliers du 14 mars de
cheikh Saad à Samir Geagea l’ont rencontré à plusieurs reprises,
vantant son appui au TSL… De même, les orateurs ont voulu
remettre à l’ordre du jour la question des armes du Hezbollah,
alors
qu’elle a été tranchée depuis des années et que la conférence du
dialogue convoquée par le président de la République étudie
l’adoption d’une stratégie de défense nationale du pays. Ils
parlent d’usage interne des armes, de menaces de la part du
Hezbollah, alors que ce sont leurs partisans qui sont descendus
dans la rue pour le fameux « jour de colère » et qui ont
accompli des actes de vandalisme, la nouvelle majorité ayant
elle procédé à un retournement démocratique et constitutionnel
au sien du Parlement.
Fidèle à son histoire récente, le camp du 14 mars continue à
vivre dans les illusions, fort d’un appui international dont on
a vu la solidité avec les récents événements en Tunisie et en
Egypte. Peu soucieux des conditions de vie de leurs partisans,
les piliers de ce camp mettent leurs propres intérêts en avant
et rejettent tout ce qui peut rassembler et réunifier les
Libanais. Ils refusent de coopérer avec Mikati et au lieu de
faire une opposition constructive, ils préfèrent paralyser le
pays et augmenter les tensions notamment confessionnelles dans
l’espoir que l’acte d’accusation soit publié dans un contexte de
division et de paralysie institutionnelle, alors que cheikh Saad
est encore Premier ministre démissionnaire chargé de gérer les
affaires courantes…
Comme si un tel contexte augmenterait l’efficacité de l’acte
d’accusation dans la destruction du pays et l’affaiblissement du
Hezbollah qui reste l’objectif ultime…Six ans après l’assassinat
de Rafic Hariri, ceux qui se déclarent ses héritiers n’ont
encore rien compris, ni au Liban, ni au contexte régional et
international, ni à Rafic Hariri lui-même…
Article publié sur Résistance islamique au Liban
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