Opinion
La grande
mascarade
Soraya Hélou
Mercredi 7 septembre
2011
Chaque jour, les masques tombent un peu
sur un Occident qui n'en finit plus
d'exploiter les peuples du Tiers monde
et leurs richesses pour combler sa
voracité sans limites et ses crises
économiques. Le quotidien français
Libération a publié il y a quelques
jours un document rédigé par le Conseil
national libyen (les rebelles) et dans
lequel ce dernier promet à la France 35%
des recettes pétrolières du pays
moyennant un appui inconditionnel de la
France et de son président. On est là un
peu loin des principes démocratiques
prétextés par le président français
Nicolas Sarkozy pour justifier sa guerre
contre le régime libyen. Les autorités
françaises ont aussitôt affirmé qu'elles
n'étaient pas au courant de l'existence
de ce document. Mais interrogé sur une
chaîne française, le ministre des
Affaires étrangères Alain Juppé a
affirmé sans la moindre honte : « Je ne
suis pas au courant de l'existence d'un
tel document mais il me paraît normal
que ceux qui ont aidé les rebelles
reçoivent des compensations...». La
guerre en Libye est d'ailleurs le genre
de conflit que l'Occident dore le mieux
: financée par le Qatar, zéro mort du
côté des forces occidentales et au
final, de l'argent à gogo. C'est bien
calculé. Et si entre-temps, un pays
riche est presque entièrement détruit et
un peuple se déchire, entre anciens
membres du régime repentis et derniers
partisans du même régime, avec des
victimes par centaines, l'Occident ne
s'en soucie pas. Il clame haut et fort «
sa victoire » et celle des principes
démocratiques qui se traduisent par un
chaos et une confusion totale.
Mais la malédiction libyenne poursuivra
l'Occident et ses principaux acteurs. En
fouillant dans les registres et les
documents du régime Kadhafi, des
documents révélateurs ont été découverts
dont une lettre de la CIA à l'ancien
chef des SR de Kadhafi passé à
l'Occident qui commence par « Cher
Monsieur Koussa ». C'est très révélateur
de la relation qui existe entre
l'institution américaine qui prétend
défendre les droits de l'homme et
répandre la démocratie dans les pays du
Tiers monde et le chef des services de
renseignements d'un des régimes les plus
répressifs du monde. On découvre ainsi
que le bouillant colonel Kadhafi a
décidé de se rallier à l'Occident après
les raids américains contre son quartier
général à Bab el Aziziya en 1986. Il a
cédé à toutes les pressions et il a
décidé de se mettre au service des
Etats-Unis et de l'Europe. Il a ainsi
contribué au financement de la campagne
de l'ancien premier ministre britannique
Tony Blair moyennant un procès
d'opérette pour les deux Libyens accusés
de l'explosion d'un avion au-dessus de
Lockerbie en Ecosse et le retour des
accusés en Libye. Il a accepté
d'interroger de façon musclée certains
islamistes arrêtés par la CIA et que
celle-ci ne voulait pas torturer pour ne
pas essuyer des critiques des
organisations des droits de l'homme. Et
ainsi de suite. Kadhafi s'était donc
transformé en agent de l'Occident,
moyennant son maintien au pouvoir et il
avait répandu ses bienfaits sur de
nombreux dirigeants occidentaux. Mais
voilà, après sa chute dramatique dans
les sondages, Sarkozy avait besoin d'une
guerre pour effacer le mauvais souvenir
de son appui inconditionnel au régime de
Ben Ali et à celui de Hosni Moubarak.
Alors, tant pis pour Kadhafi, il faut le
sacrifier et le vouloir mort pour éviter
les révélations scandaleuses qu'il
pourrait faire.
On appuie un régime dictatorial et
répressif puis on le sacrifie sur
l'autel de la démocratie pour des
besoins économiques ou autres, en
prenant soin de rafler le pactole. C'est
cela la leçon de démocratie que nous
donne aujourd'hui l'Occident à travers
les révélations de la guerre de Libye.
Et c'est la même leçon qu'il cherche à
donner au régime syrien de Bachar Assad.
Sauf que Assad n'a jamais été un agent
de l'Occident et n'a jamais cédé à ses
pressions. Et puis la Syrie n'est pas un
pays riche dans les ressources duquel
l'Occident pourra puiser. Qu'il laisse
donc la Syrie résoudre seule ses
problèmes et qu'il cherche plutôt à
effacer le scandale des révélations
libyennes qui entament un peu plus sa
crédibilité.
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