Opinion
La proposition de
la Ligue et la volonté de gagner du
temps
Soraya Hélou
Photo:
Sana
Jeudi 3 novembre
2011
Menaces
et contre menaces, une réponse qui se
fait attendre et un dépit à peine
déguisé de la part du chef de la
commission de la Ligue arabe, l’avenir
de la proposition arabe pour la Syrie
est connu d’avance. Il permettra
essentiellement aux deux parties de
gagner du temps en attendant de voir
l’évolution de la situation sur le
terrain. Il ne fait désormais plus de
doute que la Ligue arabe a été poussée
par ceux qui la contrôlent et qui sont à
chercher du côté des Américains à
prendre une initiative en direction de
la Syrie. L’insistance du Premier
ministre et ministre des AE du Qatar à
présider la commission qui devait se
rendre en Syrie est d’ailleurs
remarquable et elle montre qu’en dépit
du conflit actuel entre l’émir du Qatar
et le président syrien, le petit émirat
qui se présente désormais comme le
champion des révoltes arabes souhaite
reprendre langue en Syrie… Au cas où le
régime tiendrait le coup.
En
apparence donc, la Ligue arabe a voulu
offrir au régime syrien une porte de
sortie honorable et une feuille de route
en quatre points en principe acceptables
puisqu’il n’y est nulle part question du
départ du président Bachar Assad ou
d’une transition du pouvoir. Malgré
tout, les dirigeants syriens ont flairé
le piège enrobé de belles paroles.
D’abord le retrait des apparences
militaires qui constitue le premier
point du plan de la Ligue arabe pointe
indirectement du doigt les forces
militaires et ne mentionne pas la
violence exercée par les différentes
factions de l’opposition. De plus, un
Etat qui se respecte se doit de protéger
ses citoyens des exactions pratiquées
par des milices incontrôlées et il ne
peut pas accepter des interventions
étrangères dans ce qui constitue un des
éléments essentiels de sa souveraineté.
D’autre part, la tenue d’un dialogue
entre le régime et l’opposition au Caire
qui constitue aussi un des points du
plan de la Ligue est à son tour
inacceptable pour les autorités
syriennes qui ont déjà déclaré à maintes
reprises qu’un tel dialogue est déjà
engagé et qu’il ne peut avoir lieu que
sur le territoire syrien. Là aussi,
c’est pour le régime et ses partisans,
une question de souveraineté car un
dialogue entre les composantes d’un même
pays sur un sol et avec un parrainage
étrangers ne peut qu’entraîner des
interventions étrangères dans les
affaires internes de ce pays.
Le
Liban avec les nombreux développements
de sa crise interne, depuis les
conférences de Genève et de Lausanne
dans les années 80, puis avec les
discussions de l’accord de Taëf en 1989
et enfin avec les réunions de Doha en
2008 en a fait à maintes reprises
l’amère expérience. Le régime syrien ne
veut en aucun cas se transformer par le
biais d’un dialogue avec son opposition
au Caire ou ailleurs en un autre Liban
ouvert à toutes les interférences
étrangères.
Pour
ces raisons et sans doute pour d’autres
encore, la proposition de la Ligue arabe
est inacceptable pour le régime syrien.
Les deux parties le savent parfaitement
mais elles ont joué le jeu d’une part
pour sauver les apparences et d’autre
part pour maintenir un contact même ténu
en vue d’une solution le jour où la
situation globale se sera clarifiée. La
partie syrienne a donc présenté une
contre-proposition qui permet aussi bien
à la Ligue arabe et au régime syrien de
gagner du temps, tout en donnant des
signaux de bonne volonté et en ne
fermant aucune porte. Ce qui donnera
l’occasion aux membres de la Ligue arabe
de discuter de nouveau au cours de la
réunion urgente décidée demain, alors
que le régime syrien aura indirectement
montré qu’il ne cède pas aux ultimatums
fussent-ils fraternels. Mais au fond, la
Ligue arabe et le régime syrien, ainsi
que tous les autres protagonistes savent
parfaitement que le problème est
ailleurs : il est dans le plan
américano-israélien d’effriter la région
et plus particulièrement l’axe de la
résistance qui passe de l’Iran vers
Gaza, pour servir les intérêts
israéliens et américains. Lorsque ceux
qui veulent appliquer ce plan verront
que les manoeuvres ont échoué et que la
situation commence à leur échapper, ils
réduiront la pression sur le régime
syrien et le plan de la Ligue arabe
n’aura plus de raison d’être, même si
les protagonistes trouveront toujours un
moyen pour sauver la face…
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