Occupation militaire et oppression israélienne
Le
droit de résister
Silvia Cattori
Attaque de tanks israéliens
à Rafah, le 17 mai 2003 (rafahtoday)
6
novembre 2007
Les Palestiniens ont le droit légitime
de résister par les armes contre les agressions des soldats et
des colons juifs israéliens, armés et très offensifs. Nous,
hommes et femmes qui défendons la justice, avons le devoir de les
soutenir dans leur lutte inégale.
Ce petit texte, écrit
l’été 2003, nous paraît demeurer d’actualité. Pendant que
les Etats-Unis préparent la conférence d’Annapolis, qui se présente
comme un enième piège pour les Palestiniens, Israël poursuit
ses exécutions sommaires "ciblées" à Gaza dans
l’indifférence du monde.
Les Palestiniens ont bon dos.
Vraiment ! En 55 ans d’occupation (depuis 1948) et au moins
67 plans de paix, ils ont fait de multiples concessions. Mais ils
n’ont jamais rien obtenu en retour.
Israël ne respecte rien. À
commencer par les Conventions de Genève qui font référence aux
traitements des civils sous occupation et à l’autorisation
d’observateurs à témoigner.
La Suisse, dépositaire des
Conventions de Genève, a maintes fois rappelé Israël à la
raison et n’a pas manqué de lui signifier que son pays viole
toutes ces Conventions, par l’implantation de colonies juives
illégales en territoire occupé, par l’exécution de
Palestiniens appelés « terroristes »-alors
qu’il s’agit d’honorables patriotes- par les punitions
collectives, les bouclages, etc.
Israël, qui n’entend aucune
critique, campe sur ses positions et n’a de cesse de réaffirmer
de manière spécieuse que la Cisjordanie et la Bande de Gaza
« ne sont pas des territoires occupés »
mais des « territoires disputés »
et que par conséquent les Conventions de Genève ne s’y
appliquent pas.
On parle en leur nom. On négocie
en leur nom. On nomme des ministres en leur nom. On fait des conférences
en leur nom. Les Palestiniens aimeraient y croire ; mais le
coeur n’y est plus.
Les autorités israéliennes
n’ont aucune intention de lâcher du lest. Chaque fois qu’Israël
fait mine de retirer quelques colons de quelques colonies,
d’autres colons et d’autres colonies font leur rapide
apparition.
Rien de neuf sous le soleil de
Sharon. Pendant que les Palestiniens, le couteau sous la gorge, se
plient une énième fois aux exigences de ce piège redoutable que
leur tend la « Feuille de route »
-une mascarade de plus- et en respectent strictement le
calendrier, Israël, lui, continue à se montrer intraitable et à
multiplier rafles, assassinats, destructions de maisons, de
cultures, et de tout ce qui fait qu’une vie est une vie.
Les Palestiniens, usés par des décennies
de lutte et de privations, veulent la paix de toutes leurs forces.
C’est leur intérêt. Les Israéliens, eux, ont pour intérêt
de gagner du temps et de grignoter toujours plus de terres.
Israël veut leurs terres et leur
peau. Il exige de M. Mahmoud Abbas ce qu’il a exigé de M. Yasser
Arafat hier : l’impossible. C’est-à-dire le désarmement
de son peuple, qui, il faut le préciser, tente de se défendre
contre des tanks, des bulldozers, des canons, des avions, des
missiles, avec des armes dérisoires. Quelques armes légères
contre un impressionnant arsenal d’armes lourdes.
Israël veut diviser et pousser
les Palestiniens à se battre entre eux. Or, aussi longtemps qu’Israël
les prive de toute possibilité matérielle d’exister, les
Palestiniens n’ont aucune raison de déposer les armes, sauf à
vouloir se suicider. Résister contre ses agresseurs est un devoir
pour tout peuple militairement occupé.
Tout peuple opprimé a le droit de
défendre son territoire et de se battre pour sa survie. Pourquoi
donc les Palestiniens, victimes d’une guerre d’occupation et
de dépossession, seraient-ils privés de ce droit ? Ces
hommes du mouvement Hamas et du Jihad, qu’Israël qualifie de
« terroristes » et assassine
« préventivement », sont dans
leur grande majorité des patriotes, de bons pères qui défendent
leurs familles et leur dignité comme ils peuvent.
La « communauté
internationale » se doit d’apporter son clair et franc
soutien à toute la population et à toutes les forces politiques
en lutte contre l’occupant israélien. Elle se doit également
d’obtenir d’Israël la décision de retirer ses troupes et ses
colons des Territoires Occupés, comme préalable à toute négociation.
Aussi longtemps que ce retrait n’est pas effectif et qu’Israël
n’a pas reconnu aux Palestiniens leur droit à exister dignement
et en toute sécurité sur leur terre, aucune paix juste n’est
possible.
Les Palestiniens sont des êtres
extraordinairement patients. Ils ont attendu durant 55 ans que
justice leur soit rendue. Dans ce combat inégal de David contre
Goliath, ils sont jusqu’ici les grands perdants. Ballottés,
depuis des lustres, entre Accords d’Oslo,
que les gouvernements israéliens successifs ont torpillés, et
« processus de paix », que ses
alliés américains leur ont glissés comme peaux de bananes sous
les pieds, les Palestiniens, dans leur désespoir lucide, ont
toutes les raisons d’être très pessimistes quant à leur
devenir. Ils ont même de quoi se sentir floués de tous côtés ;
à commencer par la légèreté avec laquelle les médias présentent
une « feuille de route » que les
autorités israéliennes se sont empressées de paver de réserves.
Floués aussi par le crédit que
le monde accorde à ces ballets diplomatiques trompeurs dont on
connaît d’avance la supercherie et les jeux truqués. Ballets
destinés à occulter, aux yeux de l’opinion, la gravité de
l’occupation israélienne en Palestine et ses effets dévastateurs
sur sa population. Les Palestiniens ont de quoi se sentir
d’autant plus inquiets que l’ONU est prise en otage par les États-Unis
et que les Etats européens, incapables d’avoir une politique
extérieure commune, sont absents du débat.
Les Palestiniens ne sont pas
dupes. Ils considèrent que les États-Unis, qui arment Israël et
lui donnent le feu vert pour violer le droit international, ne
sont pas des partenaires crédibles. En quoi ils ont raison. Les
intentions de l’administration américaine sont des plus
cyniques : elles n’ont rien à voir avec les intérêts des
peuples, leur liberté et la justice. Bush entre dans cette comédie
macabre de la fausse paix que mène Israël depuis des décennies,
uniquement pour défendre les intérêts de ce pion essentiel sur
l’échiquier d’un Moyen-Orient dont il convoite le pétrole.
Bush a donc comme unique motivation de liquider tout ce qui fait
obstacle au projet d’expansion de l’État d’Israël et à sa
domination impériale. Et cela passe forcément par la liquidation
de la résistance palestinienne.
Les Palestiniens sont
aujourd’hui apparemment sans espoir. Victimes oubliées d’une
immense injustice historique, ils ont de quoi se sentir humiliés
par la complaisance incompréhensible du monde occidental à l’égard
d’hommes, fussent-ils chefs d’État, qui se conduisent, au vu
et au su de tout le monde, non comme des démocrates mais comme
des chefs de bandes ; des hommes sans foi ni loi, qui
commettent des crimes odieux, écrasent des peuples, sur une échelle
jamais imaginée. Et nous, citoyens atterrés par tous ces crimes
et les souffrances qu’elles entraînent, de nous demander ce
qu’attendent nos élus de gauche comme de droite pour
sanctionner les acteurs de cet innommable carnage ?
Chaque fois que ces véritables
chefs de gang - incarnés aujourd’hui notamment par George Bush,
Richard Perle, Ariel Sharon, Paul Wolfowitz, Shimon Perez, Shaul
Mofaz, pour ne citer que les plus en vue - se sentent en passe
d’être par trop démasqués, voire simplement contrés par
l’opinion, ils se drapent aussitôt dans l’étendard de la
paix. Oh ! Pas pour longtemps.
Voilà à quoi sert la diplomatie
qui occupe la une des journaux : à servir les intérêts du
plus fort, à diviser les faibles et à se les asservir pour mieux
les dominer. Et quand ces chefs d’État et ces diplomates si peu
reluisants tombent sur un adversaire qui leur résiste, qui ne se
plie pas à leurs diktats, ils n’hésitent pas à frapper des
peuples entiers au prix de millions de victimes. Vous avez vu l’Irak,
la Serbie, l’Afghanistan. Toutes guerres illégales. Ce n’est
pas peu. On a fait subir à leurs peuples ce que les dirigeants
israéliens –de gauche et de droite- font subir depuis des
lustres aux Palestiniens.
Le peuple irakien n’avait rien
demandé. Les Américains y sont allés. Or, les choses ne se sont
pas passées comme les Etats Majors l’avaient escompté. Elles
ont même pris une bien mauvaise tournure. Tarek Aziz - dont nul
ne se soucie de savoir où les Anglo-américains l’ont jeté -
les avait avertis. « Venez, vous verrez ce
que vous verrez. L’Irak n’est pas l’Afghanistan ».
Ils n’en ont pas tenu compte. Les voilà empêtrés. L’échec
est des plus cuisants pour l’administration Bush et pour les
conseillers pro-israéliens qui l’y ont fortement poussé.
Alors que le rapport de force issu
de l’offensive militaire menée contre l’Irak paraissait des
plus défavorables aux voisins d’Israël, Palestiniens en tête,
les choses se sont sensiblement renversées. L’occupation
militaire en Irak tourne au désastre. Exposé à la critique,
fragilisé aux yeux du monde qui l’observe, Bush veut rebondir.
Il devrait, pour convaincre l’opinion de ses bonnes intentions,
prendre quelque distance avec les Israéliens.
Quand ils ont vu Abou Mazen en
compagnie de Bush à la Maison Blanche - le Premier ministre
d’un État qui n’existe pas, que l’administration américaine
a choisi, imposé, sans leur demander leur avis, mais c’est sa
conception de la démocratie qui le veut - les Palestiniens ne
savaient plus s’ils devaient rire ou pleurer. Puis, quand ils
ont entendu Bush dire quelques vérités jamais dites à
l’encontre de leurs colonisateurs israéliens, ils ont sursauté.
Les temps sont durs pour Bush. La cause palestinienne pourrait
servir momentanément ses intérêts, l’aider à se refaire une
virginité.
Tout reste à faire. Cette fausse
paix, sur fond de vraie guerre et de fossé infranchissable, a
toujours fait l’affaire d’Israël. Sharon, qui a passé sa vie
à combattre les Arabes et à rêver d’un grand Israël
ethniquement pur, appuyé par des gouvernements formés d’extrémistes
et par tous ceux qui, chez lui, crient « mort
aux Arabes », peut-il vouloir une paix juste et durable ?
Sauf à s’aveugler, nul ne peut
croire en la sincérité d’un madré soudard. Mais la pantomime
continue. Israël accable systématiquement les Palestiniens de
reproches. À l’entendre, tout est de leur faute. « C’est
la faute des Palestiniens si Oslo et Camp David ont capoté...
c’est la faute d’Arafat s’il n’y a plus de camp de la paix
en Israël... »
Nous avons longtemps cru ce que
disait Israël. Or, tout ce qu’Israël nous avait rabâché
durant des années s’est avéré totalement faux. Il convient
donc de rétablir quelques vérités, quitte à se répéter. Tous
les plans de paix ont échoué parce que les négociateurs israéliens
n’ont jamais voulu qu’ils aboutissent. Les hommes qu’Israël
dépêchait à la table des négociations avaient pour tâche de
mener les Palestiniens dans un bourbier, de les tromper et de
tirer les choses en longueur. Les négociateurs palestiniens,
Yasser Arafat en tête, se sont fait systématiquement et
lamentablement piéger. La tentation de la corruption a fait le
reste. Une fois compromis, ces derniers n’avaient plus aucune
marge de manœuvre, De rencontres en négociations avec les Israéliens,
ils s’enfonçaient chaque fois un peu plus.
C’est Israël qui mène le bal.
Les accords d’Oslo ont échoué parce que le gouvernement israélien
les a torpillés : ses troupes ont mis cinq ans pour se
retirer de 5% du territoire et le nombre de colons a doublé. Après
quoi Ariel Sharon a fini le « travail », si on peut
dire : il s’est servi de ces accords pour balayer l’Autorité
palestinienne et, ensuite, liquider les cadres de la résistance.
Les pourparlers de Camp David ont
échoué parce que le travailliste Ehud Barak –un homme très
brutal- n’a pas fait « l’offre généreuse »
brandie par la propagande israélienne, et que les médias ont
servilement relayée. Bien au contraire. Il s’est montré
intraitable sur la question des réfugiés et de Jérusalem.
Le peuple palestinien a payé très
cher ce marché de dupes. Affaiblis par leur leader, Yasser
Arafat, qui les a désarmés et ensuite laissés à la merci
d’une armée qui les a massacrés, les Palestiniens - surtout
ceux qui croupissaient dans les camps de réfugiés - n’avaient
plus rien à perdre. La deuxième Intifada était la seule chose
qui pouvait faire obstacle - et qui a fait obstacle - à leur écrasement.
Atteints dans leur fierté, les Palestiniens n’attendent plus
rien de leurs chefs. Aujourd’hui, bouclé comme dans une cage
dans son quartier général de la Moukata, Yasser Arafat est
totalement inopérant. Mahmoud Abbas, un homme de paille, qu’Israël
tient entre ses mains, n’a pas la confiance des Palestiniens.
Trahis par les leurs, les plus déshérités
doivent se débrouiller comme ils peuvent. Fort mal.
Nous ne le dirons jamais assez.
Les Palestiniens sont victimes d’une injustice colossale :
ils n’ont pas d’État, ils n’ont pas d’armée, ils n’ont
pas le droit de vivre libres sur leurs terres. Après tant d’années
où ils ont cru à la paix, à la justice et à la légalité
internationale, où ils ont cru à la coexistence, où ils ont espéré
sortir de leurs ghettos, ils ont perdu toute confiance. Il ne faut
donc plus leur parler de « feuille de route »
ou d’autres fariboles du même acabit. Ils désapprouvent,
aujourd’hui comme hier, toute idée de négocier quoi que ce
soit avant qu’Israël ne retire son armée de leurs territoires.
Les politiciens immoraux, dont la
vocation est de mentir, cherchent à faire croire ceci et cela.
Les Palestiniens ont beau être optimistes par nature, mais là,
ils ont de quoi être très inquiets. La feuille
de route - qui était, au départ, une initiative européenne
- est aujourd’hui entre les mains de ceux qui ne connaissent que
le langage de la force et de l’injustice, et risque de mener
vers de nouvelles catastrophes.
Les Palestiniens sont sensibles et
humains, comme nous. Ils n’aiment pas la mort. Ils voudraient
pouvoir combler leurs enfants de sécurité et de mille bonheurs.
Quand Israël les provoque, il ne faut pas croire qu’ils se
battent de gaieté de coeur. Je n’ai jamais rencontré un
Palestinien sensé qui se réjouisse de savoir qu’il y a, parmi
son peuple, des enfants désespérés au point de se résoudre à
mourir d’une mort atroce. Ce n’est ni la religion, ni l’extrémisme,
ni leur nature, ni leur culture, qui ont poussé certains des
leurs à se suicider. Les parents inconsolables de ces enfants
vous disent, avec tristesse, avec nostalgie, avec conviction, que
si Israël n’avait jamais envahi leurs quartiers et leurs écoles,
n’avait jamais saccagé leur vie, n’avait pas détruit leur
famille, nul enfant n’en serait jamais venu à cette extrémité.
Affirmer, après coup, que ces
enfants, détruits par la violence d’Israël, ont commis
« un crime contre l’humanité »
- comme l’ont fait Amnesty International et Médecins
du monde - est facile à dire, quand on n’a pas grandi sous
la violence de l’occupation israélienne.
Les attentats palestiniens contre
des civils sont, certes, à tous points de vue, un mauvais moyen.
Mais il faut le dire haut et fort : ces enfants que la
brutalité des soldats d’Israël a poussés vers la mort méritent
notre compassion. Nous qui vivons dans des pays libres, sommes mal
placés pour les blâmer. Ils ont déjà payé de leur jeune vie
le mal que les cruautés d’Israël ont fait à leur entourage.
Leur sacrifice a quelque chose qui nous dit leur refus de la
tyrannie.
Tous les malheurs qui frappent les
Palestiniens, et les occupants israéliens dans une bien moindre
mesure, découlent précisément de l’occupation militaire israélienne
et de l’implantation des colonies au coeur de la Palestine.
Israël commet des crimes d’État
contre des populations civiles. Ne rien dire, c’est y consentir.
Le seul rempart que peuvent ériger les Palestiniens face à
l’oppresseur, est leur résistance. Nos gouvernements doivent
rappeler Israël à la légalité : exiger la fin de
l’occupation israélienne, reconnaître le droit des
Palestiniens à posséder des armes et à résister aussi
longtemps que les forces d’occupation les martyrisent.
Se taire quand Israël assassine
les cadres de la résistance -ceux qu’on nous présente comme
des « activistes » ou des « terroristes »,
mais qui sont d’abord des êtres humains et des résistants-
hurler avec le loup quand Israël criminalise les mouvements du
Hamas et du Jihad, qui sont des composantes majoritaires dans la
lutte pour l’indépendance, c’est mépriser les droits des
peuples à exister et à décider par eux-mêmes de leur destin.
Les
Parlementaires européens (y compris les parlementaires
progressistes) ont voté, en 2004, une Résolution qui assimile le
mouvement Hamas, et les actes de résistance des Palestiniens
contre l’occupation israélienne, à des actes « terroristes ».
Voir l’article de Silvia Cattori "L’union européenne
s’est couchée" : http://www.silviacattori.net/article259.html
|