Mars 2008
http://www.peacenow.org.il/data/SIP...
I. La construction continue partout (août 2007
- mars 2008)
A. Colonies (hors Jérusalem
Est)
Constructions
en cours dans 101 colonies
Pas
un seul projet de construction n’a été gelé. Les constructions
ont continué sur tous les sites de construction déjà existants.
La construction d’au moins 220 bâtiments s’est poursuivie dans
37 colonies (chaque bâtiment pouvant contenir plusieurs
logements), dont 94% dans des colonies situées à l’ouest de la
barrière de séparation.
Constructions
nouvelles : un grand nombre de nouveaux bâtiments ont commencé à
être construits ces derniers mois dans 53 colonies. Ces
constructions ont concerné 275 nouveaux bâtiments environ
(chacun pouvant contenir plusieurs logements), dont 81% dans des
colonies situées à l’est de la barrière de séparation. En outre,
des terrains ont été viabilisés en prévision de la construction
d’au moins 7 nouveaux bâtiments. Structures mobiles
(caravanes) : dans plusieurs colonies, en particulier celles qui
sont situées à l’est de la barrière, de nouveaux quartiers de
caravanes ont été créés en utilisant le système du « Lego »,
pour rendre la construction plus rapide et moins chère, sans
permis de construire ou plan préalable à soumettre. Au moins 184
caravanes ont ainsi pu être assemblées dans les colonies, dont
150 (82%) dans celles qui sont situées à l’est de la barrière.
Parmi les colonies concernées : Eli, Dolev, Psagot, Ofra, Kokhav
Ha’shakhar, Yitzhar, etc.
B. Jérusalem Est
En 1967, l’Etat d’Israël a annexé à Jérusalem
environ 7.000 de terres à l’est de la Ligne verte et y a
construit des dizaines de milliers de logements pour des
Israéliens. L’un des plus gros projets de construction en Israël
est celui d’Har Homa, à Jérusalem Est, entamé à la fin des
années 90 et toujours en cours aujourd’hui, à un rythme
accéléré. Autre quartier : Nof Zion, situé au cœur d’un quartier
palestinien de Jérusalem Est. Ces derniers mois, quelque 100
logements y sont construits et sont en passe d’être terminés.
L’objectif de ces constructions est de rendre bien plus
difficile une solution du conflit israélo-palestinien sur la
base de deux Etats, car cette solution devrait comprendre un
compromis sur Jérusalem, fondé sur une séparation entre
quartiers palestiniens et israéliens.
C. Colonies sauvages
Dans le cadre de la Feuille de route, le
gouvernement israélien s’est engagé à évacuer les colonies
sauvages créées après mars 2001. Au cours du sommet d’Annapolis,
le Premier ministre Olmert a de nouveau pris le même engagement.
En dépit de cette promesse, la construction et le développement
se sont poursuivis comme suit :
58 colonies sauvages ont fait l’objet de constructions et/ou de
développement.
Au moins 16 structures en dur ont été construites dans 7
différentes colonies sauvages.
Au moins 38 structures mobiles nouvelles ont été ajoutées dans
les colonies sauvages (cela ne comprend pas les caravanes
déplacées).
53 bâtiments y ont été agrandis (ajout d’une pièce ou accolement
d’une caravane).
Aucune colonie sauvage n’a été évacuée, et la déclaration du
gouvernement selon laquelle 2 colonies sauvages ont été
démantelées paraît trompeuse (voir plus bas).
Au moins 4 bâtiments en dur ont été construits dans les colonies
sauvages après mars 2001 (2 à Kida, 1 dans Colline 725 et dans
Havat Gilad).
13 nouvelles caravanes ont été ajoutées dans 11 colonies créées
après mars 2001 (Givat Assaf, Mevo’ot Jericho, Mitzpe Yitzhar,
Havat Yaïr, Migron, Neve Daniel Nord, Nofe Nehemia, Susiya N-O,
Asa’el, Kida et Ramat Gilad).
Un cas d‘école : la colonie
illégale de Derekh Ha’avot
L’un des exemples les plus extrêmes de
construction illégale qui se poursuit en pleine connaissance de
cause des autorités, et sans interruption, est celui de Derekh
Ha’avot, construite sur des terres appartenant au village
palestinien de Al-Khadr, près de Bethléem. Cette colonie, créée
en 2003, a été bâtie sur des terres palestiniennes privées, dont
une partie a été classée « terre sous surveillance », premier
pas vers la transformation en « terre d’Etat ». En réponse aux
questions de Shalom Arshav, le porte-parole de l’Administration
civile (administration militaire chargée des affaires civiles
dans les territoires occupés) a écrit ce qui suit :
Objet : votre courrier du 17
juillet 2007 concernant la colonie de Derekh Ha’avot J’accuse
réception de votre lettre et veuillez trouver ci-dessous les
réponses de l’Administration civile : 1. Cette colonie est
illégale 2. Elle est située sur une terre dont le gardien (des
terres « abandonnées ») revendique la propriété, ainsi
qu’apparemment sur des terres privées. 3. Cette colonie n’a ni
plan-maître ni plan approuvé d’aucune sorte. 4. Il y a environ
25 dossiers concernant des constructions illégales dans cette
colonie, et des mesures ont été prises pour faire appliquer la
loi. Elles se trouvent actuellement à différentes étapes
d’application, y compris des injonctions d’arrêt de travaux, des
ordres de démolition, des saisies de matériels et d’outils, et
des plaintes déposées auprès de la police.
Le porte-parole de l’Administration civile
évoque lui-même des dossiers concernant des
constructions illégales, ce qui signifie que les autorités
sont parfaitement au courant des délits perpétrés dans ces
colonies et qu’elles ont délivré des injonctions de démolition.
Mais, dans les faits, les constructions se sont poursuivies sous
les yeux des propriétaires palestiniens, sans que ceux-ci
puissent faire quoi que ce soit. (...)
Application de l’Etat de
droit : de maigres résultats
En réponse à la Haute cour de Justice saisie par
Shalom Arshav qui exigeait que ses décisions (démolitions de
deux bâtiments illégaux dans deux colonies) soient appliquées,
l’Etat a soumis une liste de mesures prises au cours de l’année
2007 concernant la construction dans ces colonies, dont la
démolition de bâtiments, l’évacuation de caravanes et la saisie
d’outils. Or, les faits sur le terrain indiquent que la
construction et le développement se sont poursuivis dans les
colonies concernées, en dépit des inspections, quoiqu’à un
rythme plus lent.
Le 17 mars 2008, Ehoud Olmert déclarait que deux colonies
sauvages avaient été évacuées. Il s’agit, semble-t-il d’"Ofra-Est"
(une seule caravane, endommagée et vide, près de la colonie d’Ofra,
plus une petite caravane récemment ajoutée). Cette « colonie »,
qui n’a jamais été comptabilisée par Shalom Arshav, a réellement
été démantelée. Quant à la seconde, "Yatir Sud-Ouest", soit 4
caravanes près de la colonie de Metzadot Yehouda, elle n’a
jamais été démantelée. L’Observatoire de la Colonisation de
Shalom Arshav s’est rendu sur les lieux le 23 mars et a trouvé
les caravanes toujours en place, contrairement aux déclarations
du gouvernement.
II - Plans et appels d’offres depuis Annapolis
Nous avons vu que, contrairement à l’annonce
faite par Olmert d’un "gel de la colonisation", les
constructions se sont poursuivies dans les colonies, Jérusalem
Est et les colonies sauvages, même après Annapolis. Mais il ne
s’agit pas seulement de l’existant : de nouveaux plans ont été
conçus, des appels d’offres publiés et des projets approuvés à
la vente. Pendant toute cette période, beaucoup de bruit a été
fait dans les médias autour des intentions d’entamer de
nouvelles constructions ou de nouveaux plans. Tout n’a pas
débouché sur des actes concrets. Notre équipe a tenté de suivre
ces différentes publications et de comprendre ce qui était vrai
et concret sous ces déclarations.
A. Jérusalem Est : le bond
des appels d’offres et des plans de construction
Depuis le sommet d’Annapolis, plusieurs appels
d’offres ont été publiés concernant la construction d’environ
750 logements à Har Homa et à Talpiot Est. En comparaison,
pendant toute l’année 2007, jusqu’au sommet, seuls deux appels
d’offres ont été publiés, pour un total de 46 logements. En
outre, de nouveaux plans de construction d’environ 3650
logements à Jérusalem Est ont été déposés (en 2007, il n’y a eu
aucun dépôt de plan).
B. Nouveaux plans dans les
colonies
Depuis le sommet d’Annapolis, le ministre de la
défense Ehoud Barak a approuvé un certain de nombre de plans de
construction dans les colonies, dont certaines situées à l’est
de la barrière de séparation. La décision la plus célèbre a été
celle concernant l’autorisation de construire environ 750
logements pour créer un quartier ultra-orthodoxe dans la colonie
de Givat Ze’ev, sur une superficie qui agrandirait la colonie de
quelque 110 hectares. En outre, Shalom Arshav publie ici une
liste de permis de construire (cf. lien plus haut), pour un
total de 946 logements.
C. Une nouvelle ville dans
les territoires : Modi’in Illit
Début mars, sans aucune annonce publique, sans
cérémonie ni célébration, loin des yeux du public, le ministre
de l’intérieur a approuvé le changement de statut de Modi’in
Illit : de Conseil local, elle devient une ville. Ces dernières
années, Modi’in Illit a défrayé la chronique par ses
constructions sans permis et ses multiples irrégularités, et
elle a été la « star » de rapports du Contrôleur de l’Etat
(sorte d’équivalent de la Cour des Comptes). Il semble donc que
le désir d’expansion des colonies soit si fort que, malgré
toutes les violations du droit commises à Modi’in Illit, elle
est « récompensée » en étant élevée a statut envié de « ville ».
Modi’in Illit, colonie religieuse, a été créée en 1996, après
les accords d’Oslo. Ayant connu un rythme d’expansion
ébouriffant, elle est aujourd’hui la plus grande colonie dans
les territoires occupés.
Outre les modifications en termes de budget et d’administration,
ce statut de ville représente en réalité une annonce symbolique
faite par Israël selon laquelle il renforce et entretient cette
colonie, sans aucune considération pour un accord éventuel avec
les Palestiniens.
Shalom Arshav s’est tourné vers le ministère de l’intérieur dans
le cadre d’une procédure préliminaire visant à contester à
Modi’in Illit le statut de ville, mais le ministère n’a pas jugé
bon de répondre.
III Le gel qui a dégelé
Depuis l’annonce d’Olmert à Annapolis concernant
le gel de la colonisation, des dizaines de déclarations de
ministres de son gouvernement sont intervenues pour tenter
d’empêcher le gel de la construction au point de le rendre
ineffectif. Au point qu’aujourd’hui, rien ne reste ou presque de
la promesse d’Olmert.
* Première érosion : le gel
ne concerne pas les projets où la construction a déjà commencé
L’annonce d’Olmert n’a été suivie d’aucun arrêt
d’un quelconque projet existant, et le message était clair : il
n’y a aucune intention de geler la construction, et là où elle a
déjà commencé avant Annapolis, elle continuera. Contrairement à
Olmert, quand Itzhak Rabin a négocié avec les Palestiniens, il a
gelé la colonisation, et même stoppé les projets en cours. Cela
a signifié des indemnités pour les entrepreneurs qui avaient
entamé les travaux sur la base de précédents accords, mais
l’intérêt d’Israël à promouvoir un accord et les chances d’une
paix durables l’ont emporté sur les engagements financiers : les
entrepreneurs furent indemnisés et les travaux laissés en l’état
pendant des années. Le gel à la Olmert ne comprend pas les
projets déjà entamés, ce qui a facilement mené à une première
érosion du gel.
• Deuxième érosion :
Jérusalem Est ne fait pas partie de la formule
Moins d’un mois après Annapolis, le ministère de
l’intérieur publiait un appel d’offres pour la construction de
307 nouveaux logements à Har Homa, Jérusalem Est. Face aux dures
critiques de la communauté internationale, certains porte-parole
ont tenté d’expliquer que le "gel" ne concernait pas Jérusalem
Est. Et immédiatement après, d’autres appels d’offres ont été
publiés pour des logements à Jérusalem Est, et de nouveaux plans
ont été soumis et approuvés à un rythme extrêmement rapide.
• Troisième érosion : les
« blocs de colonies » ne font plus partie non plus de la formule
Face aux critiques à l’égard des constructions qui se
poursuivaient dans les colonies hors de Jérusalem, comme Ma’ale
Adoumim, Beitar Illit et Givat Ze’ev, des voix au sein du
gouvernement ont commencé à dire les colonies autour de
Jérusalem constituaient des parties vitales de la ville et que,
de plus, les "blocs de colonies" (sans jamais préciser lesquels)
ne feraient pas l’objet d’un gel quelconque.
Un plan de création d’un quartier ultra-orthodoxe à Givat Ze’ev,
au nord-est de Jérusalem, a été conçu mais non approuvé pendant
plusieurs mois. Finalement, suite à des pressions politiques (en
particulier du parti Shas), cette construction a elle aussi été
approuvée. L’un des ministres a été un peu plus loin en
déclarant à la radio que Givat Ze’ev était
"le
cœur de Jérusalem", en dépit du fait que le quartier en
question se trouve à 5 km à vol d’oiseau des limites
administratives de la "Jérusalem unifiée".
• La décongélation totale
En même temps, et sans beaucoup de publicité, le
ministère de la défense a approuvé en secret une série de plans
de constructions et de vente de logements à Ariel, Efrat,
Sha’arei Tikva et dans d’autres colonies, dont certaines situées
à l’est de la barrière de séparation.
• Le résultat
Une poussée de la construction dans les colonies
et à Jérusalem Est. Les faits indiquent que, contrairement aux
déclarations et engagements d’Olmert et de son gouvernement, la
construction se poursuit partout où elle avait commencé. De
nouveaux plans et projets ont été approuvés, en particulier à
Jérusalem Est et dans les "blocs de colonies". Enfin, les
colonies éloignées, au-delà de la clôture de sécurité, ont elles
aussi bénéficié de permis de construire.
* Une gifle en pleine
figure du processus diplomatique
L’une des pires erreurs commises par l’Etat
d’Israël depuis le début du processus diplomatique a été de
laisser se poursuivre ou d’encourager la construction dans les
colonies. L’opinion publique israélienne, pas plus que ses
dirigeants, n’a compris le coup mortel que portait la
construction dans les colonies à toute chance de parvenir à un
accord durable avec les Palestiniens. L’opposition
palestinienne, opposée au processus d’Oslo et aux négociations
avec Israël, affirme à longueur de temps qu’au lieu d’entraîner
le retrait d’Israël des territoires occupés, une fin au conflit
et un accord définitif, les accords d’Oslo ont doublé en 10 ans
le nombre de colons, avec une occupation dans des conditions
encore pires pour les Palestiniens. Cette frustration ressentie
par les Palestiniens témoins de la construction incessante dans
les colonies, malgré les négociations, est l’une des raisons
principales des violences de septembre 2000, quand les
dirigeants israéliens ont annoncé l’échec des pourparlers de
Camp David.
Toute construction dans les colonies, y compris
dans les blocs de colonies et à Jérusalem Est, ne fait que
renforcer dans leur opinion ceux des Palestiniens qui voient là
la « preuve » qu’Israël ne souhaite pas réellement la paix, et
que parler avec Israël ne sert à rien car il ne comprend que le
langage de la force.
Tant qu’il n’y aura pas d’accord
israélo-palestinien définitif concernant les frontières entre
les deux parties, toute construction dans les territoires
occupés sera illégitime, y compris dans les « blocs de colonies
et à Jérusalem Est, ne sera pas reconnue par la communauté
internationale et sera source de conflit continuel.
La poursuite de la construction dans les
colonies au cours du processus diplomatique crée des faits
accomplis sur le terrain qui, probablement, feront monter le
coût d’un accord, et peut-être même le feront échouer. Par
exemple, la construction massive autour de Jérusalem Est coupe
Jérusalem Est de la Cisjordanie et empêche toute possibilité de
créer un Etat palestinien ayant Jérusalem Est pour capitale. Et
toute construction dans les colonies fait monter le prix d’un
futur accord, car cela signifie davantage de colons à évacuer et
davantage de terres à transférer aux Palestiniens dans le cadre
d’un échange de territoires.