Opinion
L'Occident a
sciemment provoqué la crise des réfugiés
syriens
Samer R.
Zougheib
Samedi 5 janvier
2013
Comme
toutes les questions relatives à la
crise syrienne, la classe politique
libanaise se livre à une surenchère
autour du drame des réfugiés. Dans un
pays comme le Liban, construit autour de
délicats équilibres sociopolitiques et
communautaires, la dramatisation et la
surexploitation médiatique risquent
d'accentuer la polarisation à tous les
échelons de la société. Ce qui est censé
être une tragédie humaine devient,
alors, une source de tensions et de
divisions internes. Ainsi, le Courant du
futur, dirigé par l'ancien Premier
ministre Saad Hariri, a placé l'affaire
des réfugiés au cœur de son discours
politique dans le but de dénigrer le
gouvernement de sa bête noire, Najib
Mikati. Les plus extrémistes au sein de
ce mouvement caressent des idées aussi
farfelues que la modification des
équilibres communautaires dans le pays,
en y implantant plusieurs centaines de
milliers de sunnites supplémentaires. Un
raisonnement simpliste qui part d'un
faux postulat selon lequel tous les
membres d'une communauté ont des
convictions politiques similaires parce
qu'ils ont la même appartenance
confessionnelle.
D'un autre côté, le Courant patriotique
libre (CPL) du général Michel Aoun
craint l'accentuation du déséquilibre
confessionnel au Liban au cas où
l'installation des réfugiés était
appelée à se prolonger, comme celle des
Palestiniens qui attendent de retourner
dans leur terre plus de six décennies
après en avoir été chassés par les
organisations terroristes sionistes. Par
conséquent, le CPL réclame la fermeture
des frontières, arguant du fait que le
Liban, pays exigu, qui accueille déjà un
demi million de réfugiés, n'est plus
capable d'en absorber davantage.
Une approche
strictement humanitaire
Ce type de discours et les appréhensions
qu'il peut nourrir sont malsains. Le
secrétaire général du Hezbollah, Hassan
Nasrallah, l'a bien compris en appelant
à "ne pas politiser la question des
réfugiés syriens, dont l'approche doit
être strictement humanitaire". Pour
couper court à toute exploitation
politique de ce dossier, il a souligné
que partisans et opposants au régime du
président Bachar al-Assad doivent être
traités sur un pied d'égalité au niveau
de la distribution de l'aide. De plus,
pour démentir les craintes
communautaires mises en avant par
certains, il a invité les Libanais à
"accueillir chez eux des familles de
réfugiés syriens en dépit de la crise
économique" qui sévit au Liban. Mais le
plus important dans la partie du
discours du 3 janvier de sayed Nasrallah
relative aux réfugiés est cette phrase:
"Ceux qui sont responsables de l’afflux
de réfugiés sont ceux qui alimentent la
crise, que ce soit en Syrie, sur la
scène régionale ou sur la scène
internationale".
Effectivement, la crise des réfugiés
syriens a sciemment été provoquée par
les Occidentaux et les Arabes du Golfe
pour les besoins d'une longue guerre
qu'ils planifiaient contre la Syrie. On
se souvient très bien comment les
autorités turques ont commencé à
installer, dès le printemps 2011, des
centaines de tentes -qui sont restées
vides pendant des mois- pour y
accueillir de virtuels réfugiés. Il
s'agissait d'une invitation on ne peut
plus directe aux opposants syriens, ou
tout simplement aux civils qui craignent
pour leur vie, à quitter illico presto
leurs villes et leurs villages.
On se souviendra aussi du conseil
prodigué par le Département d'Etat
américain aux réfugiés syriens à ne pas
regagner leur pays après l'amnistie
générale décrétée par le président Assad,
également au printemps 2011, après
l'abolition de l'état d'urgence. Dans le
même temps, la nébuleuse humanitaro-médiatique
au service de l'Occident s'est mobilisée
pour mettre sous les projecteurs le
dossier de réfugiés, alors que leur
nombre n'était que de 6500 en Turquie et
quelques centaines au Liban et en
Jordanie. Angelina Jolie et autres
"ambassadeurs de la paix" des Nations
unies ont bien joué leur rôle dans ce
domaine.
Il est évident que les Syriens ont été
encouragés à quitter leurs maisons même
lorsque les dangers ne le justifiaient
pas, et pour l'extérieur de la Syrie,
alors qu'ils auraient pu tout aussi bien
se rendre dans une région plus sûre de
leur vaste pays, à l'instar de centaines
de milliers de leurs compatriotes
déplacés.
Ceux qui connaissent bien les stratégies
d'ingérence mises en place et testées
par les Etats-Unis, notamment lors de la
guerre d'Afghanistan au début des années
80, savent que les camps de réfugiés
constituent une pièce-maitresse du
dispositif. C'est dans ces camps de la
misère que sont recrutés, formés et
entrainés les rebelles. C'est le vivier
dans lequel puisent ceux qui alimentent
la guerre en Syrie.
Lorsque l'Occident commencera à se
désintéresser du sort des réfugiés, cela
signifie que la guerre en Syrie aura
touché à sa fin.
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dossier Syrie
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