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Al-Ahram Hebdo
L'Egypte retrouvée
Samar Al-Gamal
Photo: Al-Ahram
Mercredi 16 février 2011
Révolution du 25
Janvier . Son
triomphe est presque acquis et une ère nouvelle commence. Six
mois ou plus séparent cependant le pays de la réalisation de ce
rêve.
Un immense portrait cadré de
Moubarak est démantelé par des ouvriers dans la grande salle du
Conseil des ministres. Ici, se déroule la première réunion du
cabinet depuis le départ du président. Dans la ville
d’Alexandrie, c’est encore une photo de Moubarak qui est
déchirée petit à petit par des manifestants. Sur la place Tahrir,
les jeunes, balais et sacs plastiques à la main, nettoient la
place de la « Révolution populaire ». Signe du triomphe de cette
révolution du 25 janvier, du « ménage » qui commence.
Vendredi 11 février, le président
Moubarak décide de quitter son trône, après 30 ans à la tête du
pays, sous l’effervescence de 18 jours de révolte. C’est le
vice-président qui, de façon solennelle, l’annonce dans un
discours qui ne dépasse pas 30 secondes. « Le président Moubarak
a décidé de démissionner », a déclaré Omar Soliman sur la
télévision d’Etat et derrière lui étaient percevables des
figures de l’armée. Le président et son entourage résistaient
encore, mais l’armée aurait fait pression pour éviter que le
pays sombre dans le chaos. Les manifestants avaient entouré le
palais présidentiel à Héliopolis malgré la présence de l’armée,
pareil à Alexandrie, devant le palais présidentiel de Ras
Al-Tin. Une foule en liesse a accueilli la nouvelle sur la place
Tahrir, lançant le slogan « On l’a fait, on l’a fait, le régime
est tombé ».
Désormais, les militaires sont au
pouvoir, via un Conseil suprême des forces armées. Un conseil
qui ne cesse pas d’envoyer des messages rassurants, confirmant
qu’il ne comptait pas s’accrocher au pouvoir, mais qu’il prend «
en charge la direction des affaires du pays provisoirement
pendant six mois, ou jusqu’à la fin des élections législatives
et présidentielles », même si concrètement, le chef de l’armée,
le maréchal Hussein Tantaoui, est un quasi-chef d’Etat. Il est
chargé de représenter l’Egypte « à l’intérieur et à l’extérieur
».
Une « transition pacifique » vers
« un pouvoir civil élu », promet l’armée qui depuis le
renversement du roi Farouq par les « Officiers libres », en
1952, sont sortis de ses rangs tous les présidents égyptiens,
quatre au total.
La nouvelle ère a commencé par la
suspension de la Constitution et la dissolution des deux
Chambres du Parlement, dominées par le Parti National Démocrate
(PND) de l’ex-président.
Le dernier cabinet formé sous
Moubarak est toujours en place, pour une phase « transitoire »,
« chargé des affaires courantes », notamment « rétablir l’ordre
et la sécurité et relancer l’économie », jusqu’à la formation
d’un nouveau gouvernement. Le calendrier presse. L’Egypte
devrait connaître en 6 mois 4 scrutins majeurs. Les législatives
de l’Assemblée du peuple et les sénatoriales, un référendum sur
l’amendement de la Constitution et enfin des présidentielles.
Pour l’instant, les instigateurs des manifestations massives
contre l’ancien dirigeant octogénaire ont réagi positivement à
ces annonces. Ils ont pourtant formé un conseil de surveillance
de l’après-révolution afin d’assurer que les militaires tiennent
leurs promesses de transition. Une nouvelle marche est prévue
vendredi pour célébrer la victoire de la révolution ou pour
continuer la pression, « tout dépend des démarche du conseil en
charge du pouvoir », disent-ils.
Parce qu’en plus des décisions
prises jusqu’alors, ils réclament la levée de l’état d’urgence
utilisé par l’ancien régime pour réprimer toute opposition,
ainsi que la fermeture sans tarder des tribunaux militaires.
Signe aussi du changement radical
en Egypte, un groupe de cyber-militants, qui avaient participé
au lancement de la révolution, a rencontré les dirigeants de
l’armée pour discuter des réformes démocratiques. Deux
militaires de hautes grades auraient dévoilé le plan à 7
militants, dont le directeur de Google en figure de la
révolution, Waël Ghoneim. Un groupe de juristes devrait remettre
dans une dizaine de jours les textes amendés de la Constitution,
lesquels seront soumis au référendum dans deux mois. Sur le plan
judiciaire, le procureur général a interdit à l’ancien premier
ministre, Ahmad Nazif, et à l’actuel ministre de l’Information,
Anas Al-Fiqi, de quitter le pays « au vu des plaintes déposées
contre eux ».
La révolte égyptienne prend,
jusqu’ici, le bon chemin et six mois très délicats séparent les
Egyptiens d’un rêve d’une première démocratie. La place Tahrir
est désormais presque vide ; elle reste cependant ornée
d’immenses portraits des « martyrs » de la révolte populaire, au
cours de laquelle au moins 300 personnes ont été tuées. «
Bonjour l’Egypte, tu m’a manqué au cours des 30 dernières années
», écrivent les instigateurs de la révolution sur Internet.
Droits de
reproduction et de diffusion réservés. ©
AL-AHRAM Hebdo
Publié le 16 février 2011 avec l'aimable autorisation de
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