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Gaza,
une ville six fois millénaire
Dr. Saeb Shaath
Gaza - Photo blog Marifnaash
http://www.amin.org/look/amin/en.tpl?IdLanguage=1&IdPublication=7&NrArticle=44470&NrIssue=1&NrSection=3
Gaza est un site stratégique majeur ;
cette ville est, en effet, située sur le seul itinéraire
terrestre entre l’Afrique et l’Asie, ce qui amena
l’Egypte prédynastique à y édifier, en 3500 avant JC, la
citadelle de Tell Sakan, au bord du Wadi Ghazzeh [= rivière de
Gaza, en arabe, ndt], à environ douze kilomètres de la ville
actuelle. Au deuxième millénaire avant JC, les Egyptiens
perdirent le contrôle de la ville au profit des Hyksos, qui étendirent
Gaza en direction de la mer, et bâtirent [une cité dont les décombres
constituent le] « Tell al-Ajjul ». Les Hyksos firent
mouvement vers le Sud, et s’emparèrent du Grand Empire égyptien,
aux environs de 1650 avant JC. Ils s’y maintinrent durant près
d’un siècle, jusqu’à ce que l’armée égyptienne ne les
fasse reculer jusqu’aux faubourgs de Gaza, notamment à Tell
al-Ajjul, antique ville de Gaza, assiégée par l’armée égyptienne
durant plus de trois années. L’histoire nous informe que les
Egyptiens échouèrent dans leur tentative de s’emparer de Gaza,
et qu’ils battirent en retraite. Deux siècles plus tard,
toutefois, Gaza tomba à nouveau sous la domination égyptienne ;
cet événement (survenu le 25 avril 1468 avant JC) a été
enregistré par l’Histoire sous l’intitulé de ‘Conquête de
Thoutmosis III’.
C’est son emplacement stratégique qui a déterminé
l’histoire de Gaza ; en 734 avant JC, l’Empire assyrien
l’a prise totalement sous son contrôle. L’Empire perse, en
539 avant JC, engloba Gaza dans sa considérable expansion. A Gaza
se trouve la cité grecque antique d’Antidon, fondée aux
environs de 520 avant JC ; c’était un port et un quartier
d’habitation, situé à quatre kilomètres de la ville actuelle.
En 332 avant JC, Alexandre-le-Grand l’assiégea. Gaza fut la
dernière ville à résister à son grandiose dessein : le
contrôle de la totalité de l’ancien monde (il avait
pourtant déjà conquis la plus grande partie du domaine
babylonien, y compris l’Egypte…)
Mais Gaza osa lui tenir tête. Hélas, elle
connut un triste sort : après un siège de deux mois, elle
fut totalement réduite en ruines, comme sa malheureuse cité-sœur :
Tyr [plus au Nord, au Liban. Cette ville s’appelle, en arabe :
Sûr, ndt]. Ses défenseurs, en majorité des Arabes de la région,
se battirent jusqu’à la mort, et les femmes et les enfants
furent faits prisonniers. En 145 avant JC, Gaza fut conquise par
Jonathan l’Hasmonéen (le frère de Judas Macchabée), qui détruisit
les faubourgs en y mettant le feu. Le roi juif Alexandre Jannée,
après un siège d’un an, y sema la dévastation et les
massacres, vers 96 avant JC. Ni la conquête sanglante
d’Alexandre-le-Grand, en 332 avant JC, ni la conquête brutale
de Jannée, en 96 avant JC, ne purent venir à bout de Gaza, qui,
les deux fois, résista jusqu’à la fin, puis renaquit de ses
cendres.
Vers 50 avant notre ère, Gaza était devenue
une ville magnifique et luxuriante, sous l’administration
romaine. Gaza allait alors atteindre le sommet de la civilisation ;
les exportations de Gaza, au cinquième siècle, à l’époque de
l’Empire byzantin, parvenaient aussi loin qu’en Angleterre, en
Irlande et à Genève ; les écoles de Gaza formaient des théologiens
remarquables, comme Barsanuphe, Jean de Gaza et Marc le Diacre,
dont les écrits influencèrent profondément le christianisme à
ses débuts. D’après la Jewish Encyclopedia : « Parmi
les juifs gaziotes célèbres, retenons le poète liturgique
Israel Najara, enterré dans le cimetière local, le prophète
sabbatéen Nathan de Gaza, ainsi que le rabbin Avraham Azulai, qui
vécut à Gaza, où il écrivit, en 1619, son traité de cabbale
qui l’a rendu célèbre, « Hesed le-Avraham ».
L’arrivée de l’Islam, en 637, n’allait
en rien changer le caractère unique de Gaza : elle demeura
le carrefour qu’elle avait toujours été. A partir du VIIIème
siècle, elle abrita la plus prestigieuse école juridique de tout
l’Islam, fondée par Muhammad al-Shafi. Les Croisés, sous le
commandement de Baudouin Ier, se battirent avec acharnement contre
les armées arabes pour la conquérir. Avec succès. Mais, en
1170, les Croisés durent rétrocéder Gaza à Saladin.
Sous le règne des Mamlouks, Gaza fut une
ville très prospère. Entre le XIIIème et le XVIème siècle,
Gaza était « une ville aux vergers tellement riches
qu’elle semblait un drap de brocard vert étendu sur le sol »,
écrit le savant syrien Al-Dimashqî, au XIVème siècle, dans sa
description exhaustive de la ville. En 1516, à la bataille de
Khan Yûnis (la principale ville située au Sud de la ville de
Gaza), l’armée turque, commandée par le Grand Vizir Sinân
Pasha, vainquit les Mamluks, et Gaza tomba sous le contrôle
ottoman. En 1660, Hussein Pasha en fit la capitale de la
Palestine. Napoléon s’empara de Gaza en février 1799, mais ses
troupes furent décimées par une terrible épidémie de peste qui
frappa la ville, et contraignit Napoléon à s’en retirer. En
1832, Muhammad Ali annexa Gaza à l’Egypte, et elle ne tarda pas
à retourner à l’Empire ottoman, qui livra trois batailles
contre les armées britanniques pour la conserver. Les Ottomans
furent vaincus et durent livrer Gaza aux Britanniques, à
l’issue de la troisième de ces batailles, le 7 novembre 1917
(durant la Première guerre mondiale). Sir Archibald Murray, qui
avait dirigé les troupes britanniques durant les deux premières
batailles de Gaza, en 1916 et en 1917 (perdues par les
Britanniques), fut limogé et remplacé par « the Bull »
[« le Taureau »], alias Général Edmund Allenby, qui
trompa ses défenseurs en faisant mine d’attaquer Beersheba,
puis se retourna brutalement contre Gaza. Gaza tomba, et la route
qui conduisit Allenby jusqu’à Jérusalem était ouverte. Le 12
septembre 2005, le gouvernement israélien déclara formellement
la fin de l’occupation militaire israélienne de la bande de
Gaza ; les « Forces de Défense » Israéliennes démantelèrent
les colonies et se retirèrent au-delà des chevaux de frise et
des fils de fer barbelés électrifiés.
C’était là un énième rappel de
l’histoire glorieuse et de la hardiesse de Gaza.
Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier
[* Ecrivain, penseur et conférencier spécialisé dans les problématiques
moyen-orientales, ancien diplomate, le Dr. Saeb Shaath est
cofondateur de l’association irlandaise Irish Map [Map = Medical
Aid for Palestine].
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