Al-Ahram Hebdo
Les enquêteurs
visent haut
Sabah Sabet - Ola Hamdi
Photo: Al-Ahram
Mercredi 13 avril 2011
Justice.
L’annonce de la convocation de l’ex-président devant la justice
constitue l’étape culminante d’une série d’arrestations au
sommet qui se sont intensifiées sous la pression populaire.
« Je ferai respecter mon droit légal à défendre ma réputation ainsi
que celle de ma famille », a dit l’ancien président, assigné à
résidence à Charm Al-Cheikh, dans
une déclaration enregistrée et diffusée dimanche par la chaîne
de télévision Al-Arabiya.
Dans
cette première intervention publique depuis sa démission,
l’ancien président dénonce des « campagnes de diffamation » à
son encontre et défend sa « réputation » et son « intégrité ».
Moubarak a affirmé que les informations qu’il avait transmises
au Parquet général montreraient qu’il ne possède ni avoirs
financiers, ni biens immobiliers à l’étranger et que les détails
fournis sur les comptes en banque de ses fils,
Alaa et Gamal, montreraient qu’ils
n’ont réalisé aucun profit illégal.
Le
Parquet a, peu après, annoncé la convocation de Moubarak dans le
cadre d’enquêtes sur des accusations de détournement de fonds et
sur les violences qui ont fait quelque 800 morts lors des
manifestations de janvier et février. Le procureur général,
Abdel-Méguid Mahmoud, a fait savoir
que les fils de Moubarak, Gamal et Alaa,
étaient aussi convoqués dans l’enquête pour détournements de
fonds et que les dénégations de l’ancien président
n’affecteraient pas les investigations.
Le
procureur a demandé au ministre de l’Intérieur de prendre les
mesures sécuritaires nécessaires pour les convocations de
Moubarak et de ses deux fils.
Pour
sa part, le ministre de la Justice, Mohamad
Abdel-Aziz Al-Guindi, a
affirmé que personne n’était au-dessus de la loi et que Moubarak
sera bel et bien convoqué, sauf si des rapports médicaux
indiquent que « que son état de santé ne lui permet pas de se
déplacer. Dans ce cas-là, une équipe de magistrats partira
l’interroger dans sa résidence » dans la station balnéaire de
Charm Al-Cheikh.
Les
réactions publiques ont été aussi rapides que celles
officielles. A la suite de la diffusion du message, des dizaines
de personnes sont sorties manifester dans le gouvernorat du
Suez, pour montrer leur refus d’y croire, et appeler les
autorités à accélérer le rythme des enquêtes. Au même moment,
d’autres dizaines de personnes se sont rassemblées dimanche soir
sur la place Moustapha Mahmoud dans le quartier résidentiel de
Mohandessine, pour exprimer leur
soutien à l’ancien raïs et décrier son éventuelle apparition
devant la justice.
Si
certains ont été choqués par ce qu’ils ont perçu comme une
tentative de gagner la sympathie de la
population, d’autres n’ont pas manqué d’y voir des
avantages, celui de réunir encore une fois tout le monde autour
d’un seul but, celui du jugement de la famille Moubarak.
L’annonce de la convocation de l’ancien président est, en effet,
la culmination d’une série de procès qui visent les symboles de
son règne.
«
Club de Tora »
Le
dernier en date à rejoindre le « club de Tora », en référence à
la prison qui regroupe les anciens hauts responsables, fut
l’ancien secrétaire général du Parti national démocrate,
Safouat Al-Chérif, qui a été
condamné, lundi, à 15 jours de détention en attendant l’enquête.
Al-Chérif avait été interrogé pendant plusieurs heures par
l’Autorité du gain illicite au siège du ministère de la Justice.
Egalement ancien président du Conseil consultatif, il est accusé
d’avoir abusé de son pouvoir pour réaliser des avantages
financiers. Al-Chérif a donc rejoint l’ancien premier ministre,
Ahmad Nazif, arrêté quelques heures
plus tôt, toujours dans le cadre d’une enquête pour gaspillage
de fonds publics, et l’ancien chef de cabinet du président
déchu, Zakariya
Azmi, soupçonné d’enrichissement illicite, arrêté jeudi.
M. Azmi, l’un des plus proches
collaborateurs de M. Moubarak, a été convoqué par la commission
chargée d’enquêter sur la corruption sous le régime de l’ancien
président. Une source judiciaire a indiqué que M.
Azmi est soupçonné d’avoir « gonflé
sa fortune par d’autres moyens que ses revenus légaux ».
Ces
développements sont intervenus alors que des milliers de
manifestants étaient revenus sur la place
Tahrir, haut lieu de la « révolution du Nil », pour
demander une purge des anciens dirigeants de l’ère Moubarak
soupçonnés de corruption.
Outre le jugement des politiques, les procès visant des anciens
responsables de la sécurité ont également pris une tournure
cruciale : déjà confronté à un procès pour corruption, l’ancien
ministre de l’Intérieur, Habib Al-Adely,
doit désormais faire face (ainsi que quatre de ses
collaborateurs) à des accusations de meurtres de quelque 300
personnes lors des jours de la révolution du 25 janvier. Les
enquêtes risquent de prouver une implication de Gamal Moubarak,
fils cadet de l’ex-président, voire de ce dernier lui-même dans
cette répression. « Gamal Moubarak, qui était perçu alors comme
le probable successeur de son père, est le premier à avoir
ordonné le massacre », aurait affirmé Al-Adely
durant l’interrogatoire. L’ancien ministre de l’Intérieur avait,
au préalable, accusé Moubarak d’être responsable du sang versé.
En
outre, un tribunal de Suez a entamé, la semaine dernière, le
procès relatif au meurtre de 30 manifestants de la ville durant
cette même période. Le général Mohamad Abdel-Hadi, ex-directeur
de la sécurité de Suez, figure en tête des accusés.
«
Notre révolution n’est pas finie. Nous avons peur de nous la
faire enlever », assurent les protestataires qui ont augmenté la
pression sur l’armée les deux vendredi derniers. Cette pression
ne semble pas prête de retomber.
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Publié le 14 avril 2011 avec l'aimable autorisation de
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