article original :
"Robert Fisk: Obama has to pay for eight years of Bush's
delusions"
Il devra sortir d’Irak et dire ses quatre
vérités à Israël
Les avocats américains qui
défendaient cette semaine six Algériens à une audition
d’habeas corpus à Washington ont appris d’étranges choses
sur les services secrets étasuniens après le 11/9. Des
millions de rapports "bruts" des espions américains et de
leurs "actifs" un peu partout dans le monde, est sortie une
alerte de la CIA au Moyen-Orient sur une possible attaque
aérienne de type kamikaze contre une base navale des
Etats-Unis à un emplacement insulaire du Pacifique Sud. Seul
problème : aucune base navale américaine de ce type n’existe
et aucun navire de guerre de la Septième Flotte des
Etats-Unis n’a jamais croisé là-bas. Une enquête de l’armée
américaine avait rapporté auparavant avec le plus grand
sérieux qu’Oussama ben Laden avait été reconnu en train de
faire des achats dans un bureau de poste sur une base
militaire américaine d’Asie orientale.
Que cette absurdité ait été disséminée dans le monde entier
par ceux qui avaient la tâche de défendre les Etats-Unis
dans la "guerre contre la terreur" montre l’environnement
imaginaire qui était celui du régime Bush pendant huit ans !
Si l’on peut croire que ben Laden se rend dans un centre
commercial sur une base militaire américaine, alors on peut
croire que quiconque est arrêté est un "terroriste", que les
Arabes sont des "terroristes", qu’ils peuvent être exécutés,
que les "terroristes" vivant doivent être torturés, que tout
ce que dit un homme sous la torture peut être cru, qu’il est
légitime d’envahir des Etats souverains et de mettre la main
sur tous les enregistrements téléphoniques en Amérique.
Ainsi que Bob Herbert l’a dit dans le
New York Times,
il y a environ deux ans, l’administration Bush voulait ces
enregistrements "qui contiennent une documentation cruciale
d’appels à un restaurant chinois à emporter à Terre Haute,
dans l’Indiana, et d’appels pour souhaiter un bon
anniversaire à grand-mère à Talladega, en Alabama, pour
aider dans la recherche de ben Laden ". Rien n’a arrêté Bush
lorsqu’il s’est agi de fouler la constitution des
Etats-Unis. La nouveauté était qu’il appliquait désormais le
même irrespect pour la liberté en Amérique que celui qu’il
avait montré dans le reste du monde.
Mais comment Barack Obama va-t-il réparer les dégâts
titanesques que son prédécesseur vicieux et menteur a
perpétrés partout dans le monde et même aux Etats-Unis ?
John F. Kennedy a dit une fois que "les Etats-Unis, tout le
monde le sait, ne commenceront jamais une guerre". Après la
peur semée par Bush et après "le choc et la terreur" [shock
and awe] de Rumsfeld, Abou Ghraib et Bagram, Gantanamo et
les enlèvements secrets, comment Obama va faire pédaler son
pays pour refaire tout le chemin vers Camelot
[l’administration de JFK] ? Même le propre enthousiasme de
notre cher Gordon Brown à aspirer les courriels des
Britanniques est un autre exemple de la relation malade
entre Lord Blair et Bush qui infecte toujours notre propre
corps politique. Quelques jours seulement avant que ce
président démoniaque nous quitte enfin, une nouvelle loi
étasunienne assurera que les citoyens de son allié
britannique flagorneur ne puissent plus se rendre aux
Etats-Unis sans une habilitation sécuritaire. Bush a-t-il
d’autres surprises pour nous avant le 20 janvier ? Peut-on
encore vraiment être surpris ?
Obama doit fermer Guantanamo. Il doit trouver un moyen de
faire ses excuses au monde pour les crimes de son
prédécesseur, ce ne sera pas une tâche facile pour un homme
qui doit faire preuve de fierté en son pays ; mais dire
qu’il est désolé est ce qu’il devra faire – sur le plan
international – si le "changement" dont il s’est fait le
champion chez lui doit avoir le moindre sens hors des
frontières de l’Amérique. Il devra repenser – et
déconstruire – toute la "guerre contre la terreur". Il devra
sortir d’Irak. Il devra appeler à l’arrêt de la construction
de bases aériennes massives en Irak et de son ambassade à
600 millions de dollars. Il devra mettre fin aux frappes
aériennes sanglantes que nous perpétrons dans le Sud de
l’Afghanistan – pourquoi, oui, pourquoi continuons-nous de
perpétrés des massacres contre les banquets de mariage ? –
et il devra dire ses quatre vérités à Israël : que
l’Amérique ne peut plus rester muette face à la brutalité de
l’armée israélienne et à la colonisation pour les Juifs – et
les Juifs seulement – sur la terre arabe. Obama devra au
moins se dresser contre le lobby d’Israël (qui est en fait
le lobby israélien du Likoud) et retirer l’acceptation que
Bush a faite en 2004 à propos de sa revendication sur une
partie importante de la Cisjordanie. Les officiels
étasuniens devront parler aux officiels iraniens – et aux
officiels du Hamas, d’ailleurs. Obama devra mettre fin aux
frappes aériennes à l’intérieur du Pakistan – et de la
Syrie.
Les alliés de l’Amérique au Moyen-Orient sont vraiment de
plus en plus préoccupé par la nécessité que l’armée
américaine doit être ramenée sous contrôle – le fait est que
la véritable raison au départ de la nomination de Petraeus
en Irak était moins d’organiser le "surge" [la montée en
force] que de ramener la discipline aux 150.000 soldats et
marines dont la mission – et la moralité – était devenue
complètement pervertie par la politique de Bush. Il y a des
preuves, par exemple, que la frappe des quatre hélicoptères
en Syrie le mois dernier, qui a tué huit personnes, était –
sinon une opération véreuse – certainement pas autorisée par
Washington, ni par les commandants étasuniens à Bagdad.
Mais Obama ne pourra pas voler de ses propres ailes. Il veut
réduire sa présence en Irak afin de concentrer plus de
puissance de feu en Afghanistan. Il ne s’opposera pas au
lobby à Washington, ne stoppera la colonisation juive
rampante des territoires occupés et ne parlera pas aux
ennemis d’Israël. En prenant Rahm Emanuel, le fervent
supporter de l’< a title="la principale institution du lobby
d’Israël à Washington"> AIPAC, comme nouveau secrétaire
général – "notre homme à la Maison Blanche", ainsi que le
quotidien israélien
Maariv l’a appelé cette semaine –
Obama marchera droit. Et il y a, bien sûr, cette terrible
pensée que ben Laden – lorsqu’il ne fait pas ses courses
dans les bureaux de poste de l’armée américaine – pourrait
projeter une autre atrocité pour accueillir la présidence d’Obama.
Pourtant, il y a juste un petit problème : les prisonniers
"manquants". Pas les victimes qui ont été torturées (qui le
sont encore ?) à Guantanamo, mais les milliers qui ont tout
simplement disparu en détention américaine à l’étranger ou –
avec l’aide des Américains – dans les prisons des alliés des
Etats-Unis. Certains reportages parlent de 20.000 hommes qui
auraient disparu, la plupart Arabes, tous Musulmans. Où
sont-ils ? Peuvent-ils être libérés maintenant ? Ou sont-ils
morts ? Si Obama découvre qu’il hérite de charniers légués
par George W. Bush, il y aura beaucoup d’excuses à faire.
Traduit de l'anglais par [JFG/QuestionsCritiques]
Publié le 9 novembre 2008
avec l'aimable autorisation de Questions Critiques