Opinion
Pourparlers directs
et réconciliation palestinienne
Robert Bibeau
Mardi 14 septembre 2010
Dans un volume célèbre l’ex-Président Jimmy Carter proposait la
maxime suivante : «Palestine : La paix, pas l’apartheid » (1)
L’ex-Président États-unien aurait été mieux avisé d’intituler
son livre : « Apartheid ou transfert ? », c’est le véritable
choix qui se présente aux Palestiniens vivant sous gouvernement
sioniste en l’État d’Israël et bientôt dans toute la Palestine.
Les pourparlers directs
Si
certains doutent encore de la nature raciste de «
l’État pour les juifs ou
de l’État juif », selon que vous vous adressez à un
intégriste religieux juif ou à un raciste laïque
sioniste, il suffit d’examiner attentivement le débat
israélien entourant la reprise des « pourparlers
directs » entre Netanyahu et Abbas pour lever toute
ambiguïté.
Dans ces quelques lignes le journaliste Jacques Benillouche
tente de résumer cette problématique entre les racistes laïcs et
religieux au pouvoir en Israël : « Dans la
reprise du dialogue avec les Palestiniens,
la définition de l’État d’Israël pourrait bien être le point
de blocage qui fera basculer la négociation. L'aile droite
nationaliste et les religieux de la coalition du gouvernement
Netanyahu insistent pour ouvrir le débat sur la nature juive
de l'État d'Israël restée volontairement ambigüe depuis la
naissance du pays en 1948. Ils veulent s’en servir comme d'un
prétexte pour contraindre le gouvernement à cesser toute
négociation jusqu’à obtention d’un engagement ferme des
Palestiniens à reconnaître Israël comme État juif » (2).
Et le journaliste de poursuivre :
|
En
donnant une connotation purement religieuse à un État qui
s’appuierait sur les lois de la
Halakha, (3) les
tenants de ce dogme combattent en fait les laïcs israéliens qui
considèrent que leur identité s’exprime en dehors du rabbinat.
Ces derniers préfèrent la notion «d’État des juifs» qui
enlèverait toute référence à la religion (...) En cette période
des grandes fêtes de
Roch Hachana, le
nouvel an, et de Kippour, la religion pèse sur un pays qui voit
un demi-million de ses citoyens fuir vers des horizons étrangers
pour échapper au poids des tenants du Livre sacré. Le ministre
des Affaires étrangères
Avigdor Lieberman,
dont la conviction laïque est clairement affichée, s’est emparé
de ce débat pour, en fait, vouer aux gémonies la minorité
arabe qu’il n’estime pas loyale vis-à-vis de l’État d’Israël.
Leader populiste d’une communauté d’immigrés russes qui ont
perdu leurs repères juifs sous le régime soviétique, il
multiplie les embûches juridiques pour tenter d’exclure les
minorités de la nation israélienne. Durant sa campagne
électorale, il avait remis en cause la citoyenneté des arabes
d’Israël et avait proposé de les «transférer»
vers le futur État palestinien. Il s’était déjà prononcé, avant
tous les autres dirigeants, pour deux États pour deux peuples.
En échange d’Oum El-Fahm, village arabe israélien, il avait
proposé d’annexer des blocs d’implantations de Cisjordanie pour
avoir «un État juif à 100%». Il s’était alors
senti encouragé par les sondages qui démontrent que 55% des
juifs israéliens pensent que le gouvernement devrait encourager
l’émigration des arabes et que 50% prônent leur transfert.
Il avait alors affirmé: «Selon
moi, pour obtenir une paix et une sécurité à long terme, nous
devons opérer une
véritable division politique entre
les arabes et les juifs». |
Le journaliste se méprend
donc sur les intentions véritables des uns et des autres. Les
pourparlers directs entre Netanyahu et Abbas ne vise précisément
qu'à cela : amener un représentant Palestinien à se compromettre et
à parapher une entente qui affirmerait la reconnaissance explicite
de l’existence d’un État raciste – israélite – sur les terres
ancestrales palestiniennes.
Le
différend en cours en Israël porte sur la formulation raciste
religieuse ou raciste laïque du parchemin à imposer au Président
Abbas. La question de l’étendue du bantoustan qui sera
laissé en gestion à l’Autorité palestinienne (22% ?) et en
corollaire de l’étendue définitive de l’État d’apartheid
israélien (78 % ?) est une question subsidiaire qui sera
tranchée plus tard après avoir obtenu la capitulation totale
des Palestiniens et la signature de leur propre renonciation
définitive à leurs droits fondamentaux (droit de retour,
droit d’occupation et d’exploitation de leur terre ancestrale,
droit de se défendre, droit de résistance, etc.).
Benjamin Netanyahu a déjà choisi son camp et l’affiche
clairement, le Premier ministre israélien a compris que la
survie de l’entité sioniste est conditionnée par la
reconnaissance d’un bantoustan palestinien portant le nom d’État
palestinien : « Benjamin Netanyahou n’est pas particulièrement
éloigné de ces thèses. Dans son
discours du 14 juin 2009 à l’université de
Bar Ilan, reflétant un large consensus, il avait présenté sa
vision politique de la résolution du conflit. Il avait exprimé
son empressement à «voir un
État palestinien établi à côté d’un État juif à condition
que les Palestiniens reconnaissent l’État d’Israël comme la
patrie nationale du peuple juif». Il a réitéré
ses propos face à Mahmoud Abbas le 2 septembre: «Nous
attendons que vous reconnaissiez Israël comme l'État- nation du
peuple juif.»(4).
Netanyahu est concis : pas d’État pour les Palestiniens à moins
d’un État pour les juifs exclusivement. Soulignons au passage
que l’un des concepts réfère à un peuple, une nation
(palestinienne) tandis que le second réfère à un groupe
religieux qui ne constitue ni une race, ni un peuple encore
moins une nation (juive).
Apartheid ou transfert ?
Israël, qui n’a pas de Constitution, est régi par
quatorze Lois fondamentales votées
par la Knesset. De nombreux juristes estiment qu’il n’est
pas nécessaire de légiférer à nouveau puisque la
dixième loi votée en
1992, intitulée «Dignité
humaine et liberté» stipule que
«l'intention de cette loi
est de protéger la dignité humaine et la liberté, pour établir
dans une loi fondamentale les valeurs de l'État d'Israël en tant
qu'État juif et démocratique». Ces juristes n’ont pas
compris que la validité de cette dixième loi israélienne dépend
de la renonciation des Palestiniens à leur droit
fondamentaux sur la terre palestinienne et à leur acceptation de
l’entité raciste israélienne, c’est ce que recherche
Netanyahu par ces pourparlers.
Le
Centre juridique palestinien ADALAH
(5)
indique qu’au moins dix, parmi les quatorze lois fondamentales
israéliennes, sont autant de lois discriminatoires d’apartheid
(6), les lois
sur le droit foncier et la propriété de la terre, les lois sur
les droits civils et politiques,
la loi fondamentale relative à la Knesset, la loi relative aux
conseils généraux, les lois concernant les droits économiques et
sociaux et certaines lois relatives aux procédures pénales
(7).
Le
journaliste Jacques Kupfer résume en quelques phrases le point
de vue sioniste radical dans tout ceci : « Quand
aurons-nous enfin un premier ministre qui, mettant une kippa
sur sa tête, prendra en main la Bible et, au Caveau des
Patriarches à Hébron, déclamera « urbi et orbi » la
promesse divine faite à nos Pères et la continuation de
l’entreprise grandiose sioniste? A quand un premier ministre
qui mettra sur la table de négociations la seule matière digne
d’être discutée: l’échange de population effectué entre les
fils d’Israël sortis des pays arabes en abandonnant leurs
richesses et les squatters arabes sur notre terre qui ont réussi
à faire pousser le désert et cultiver le sable ? » (8).
Apartheid – transfert
et
réconciliation nationale palestinienne ?
Dans un tel contexte il est assez inquiétant de lire que les
reporters arabes font état d’un certain nombre de rencontres en
coulisses, l’une d’elles entre Haniyeh (Hamas) et Sakhr
Bassisso, membre du FCR (Conseil Révolutionnaire du Fatah), qui
est venu de Ramallah à Gaza pour représenter le président
Mahmoud Abbas aux funérailles. « Une fois la réunion rendue
publique, Haniyeh a appelé dans son discours la direction du
Fatah à hâter la tenue d’un dialogue avec le Hamas afin d’en
terminer avec les divisions en Palestine. Bassissi a
immédiatement donné son accord pour que bientôt ait lieu une
réunion bilatérale entre les deux groupes. » (9).
La
réalité sur le terrain est toute autre comme le constate
Kayed Al-Ghoul,
membre du comité central du Front Populaire de Libération de la
Palestine (FPLP), le Fatah et les leaders de l’OLP, ont
transféré les efforts menés en vue d’une réconciliation
interpalestinienne vers les négociations directes avec Israël.
« Non
seulement la direction de l’OLP a donné le droit à Israël de
prendre davantage de terre en donnant son accord pour redémarrer
des négociations directes, mais elle a aussi avec cette décision
effacé tout espoir de dialogue national », a déclaré Al-Ghoul
à Al-Ahram Weekly. Pour lui, la relance des pourparlers est le
résultat de la pression exercée par les États-Unis et elle
aggrave la fracture interpalestinienne ; en effet, en décidant
de se lancer dans des négociations directes sans consultation de
toutes les factions palestiniennes, le Comité Exécutif de l’OLP
a accentué les divisions et a pris des décisions de façon
personnelle et unilatérale. » (10).
Le
mot de la fin revient à
Mekhemar Abu
Saada, professeur en science politique à l’université Al-Azhar
de Gaza, qui pense que pour l’instant, il n’y a aucune base pour
une réconciliation palestinienne : « Nous devons
admettre que nous avons atteint le point de non retour en termes
de réconciliation. Le Hamas et le Fatah ont imposé de
facto des réalités sur le terrain à Gaza et en Cisjordanie. Il
est impossible aux deux groupes de revenir à la situation qui
prévalait il y a trois ans. La situation actuelle ne laisse
place à aucune réconciliation, même artificielle, à cause du
gouffre qui sépare les deux groupes. »(11).
Effectivement, il n’est pas approprié que les forces de
la résistance négocient la réconciliation nationale avec ceux
qui accréditent l’entité sioniste et ses visées sur la terre
palestinienne et qui songent sérieusement aux transferts de
population.
(1) Jimmy Carter.
http://www.amazon.fr/Palestine-paix-lapartheid-Jimmy-Carter/dp/2841879763
(2)
Jacques Benillouche.
Slate.fr 12.9.10.
http://www.slate.fr/story/27167/israel-etat-juif-ou-etat-des-juifs
(3)
http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=9299
(4)
http://www.slate.fr/story/27167/israel-etat-juif-ou-etat-des-juifs
(5)
The Legal Center
for Arab Minority Rights in Israël (ADALAH)
http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=9299
(6)
http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=9299
(7)
http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=9299
(8)
http://www.israel7.com/2010/09/partenaires-vous-avez-dit-partenaires/
(9)
Saleh Al-Naami - Al Ahram Weekly 11.09.2010.
http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=9383
(10)
http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=9383
(11)
http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=9383
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