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Opinion
L'échec consommé des
« pourparlers directs »
Robert Bibeau
Photo: al-Ahram
Lundi 13 décembre 2010
Il est parfois très
difficile, en politique (particulièrement au Proche-Orient), de
démêler la vérité du mensonge, l’intention réelle du simulacre.
Hillary Clinton aurait
déclaré forfait ; le très puissant Premier Ministre israélien
Benjamin Netanyahu, aurait tenu tête à la
Secrétaire
d’État américaine et refusé de se plier aux exigences de cette
dernière, de proroger le « moratoire
sur la colonisation ». Cependant,
regardons-y de plus près.
Première question à
résoudre, dans cette affaire des « pourparlers directs » entre
Mahmoud Abbas, le Président échu de l’Autorité sans autorité, et
le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu :
quels
étaient les objectifs
poursuivis par chacun des protagonistes ? Une fois cette
question résolue, nous serons équipés pour résoudre l’énigme
Netanyahu - Clinton.
Mahmoud Abbas,
dont le mandat à
la Présidence
de l’Autorité palestinienne
sans aucune autorité
(1) est échu depuis Janvier 2009, se rendait à ces pourparlers
de paix afin d'échanger les derniers droits du peuple
palestinien (tel le droit de retour et les droits sur 80% de la
terre de
la Palestine
du mandat britannique, tel qu’amendé en 1922) et
d’échanger, également, les droits palestiniens sur la ville de
Jérusalem en tant que capitale de l’État palestinien. En retour,
Mahmoud Abbas
réclamait le privilège de créer un État de type bantoustan, sous
protectorat israélien, sur environ 20% des terres palestiniennes
(la portion de la terre palestinienne que les sionistes
n’avaient pas encore conquis et occupé en 1967, dont la limite
suit approximativement le tracé de
la Ligne
verte).
Benjamin Netanyahu
se rendait à ces « pourparlers directs » avec
l’intention d’obtenir
d’un interlocuteur palestinien crédible la
renonciation définitive, légale, écrite et signée aux droits du
peuple palestiniens sur 90 % de la terre palestinienne
(toutes les terres déjà conquises et colonisées en Israël, en
Cisjordanie et à Jérusalem annexée illégalement), la
renonciation à Jérusalem dans son entier, la renonciation
définitive au droit de retour pour les quelques quatre millions
de palestiniens des camps de réfugiés et la
reconnaissance d’Israël en tant qu’État juif. Rien de
moins !
Benjamin Netanyahu était
toutefois d’accord pour la création d’un État bantoustan sous
protectorat israélien sur moins de 10% des terres
palestiniennes. Restait, cependant, à négocier les conditions de
ce protectorat (sans plateau marin continental, sans armée, sans
espace aérien, sans postes douaniers, emmuré, avec droit de
contrôle absolu d’Israël sur tout ce qui rentre et tout ce qui
sort du bantoustan).
Barak Obama et Hillary
Clinton se
rendaient à ces « pourparlers directs » pour soutenir leur
colonie militaire de peuplement dans ses revendications. Ils
étaient évidemment sceptiques quant à l’éventualité que Mahmoud
Abbas se rende à de telles exigences extravagantes. Mais, si
Mahmoud Abbas acceptait tout de même de « pourparler », pourquoi
pas ? C’était lui, le sacrifié… Après tout, s’il se croyait
assez fort pour pouvoir refiler ce « package » à son peuple, à
lui de s’exécuter…
Évidemment, il apparut
très tôt, et je l’avais prédit dès l’amorce, que ces
« pourparlers directs » étaient morts nés (2).
Mahmoud Abbas, le Président échu et illégal, n’avait pas
la crédibilité requise pour signer quoi que ce fût.
Il ne contrôlait pas la bande de Gaza, d’où l’armée
israélienne avait été incapable de chasser le Hamas en janvier
2009. Surtout, Mahmoud Abbas ne pouvait pas espérer faire
admettre, dans les camps de réfugiés de Syrie, de Jordanie et du
Liban, un accord répudiant le droit au retour. Mahmoud Abbas ne
pouvait laisser croire aux milliers de Palestiniens de
Jérusalem-Est qu’Abou
Dis, le village de banlieue – la capitale promise à Arafat –
était bien la ville de Jérusalem. Enfin, il n’était pas du tout
assuré que Mahmoud Abbas puisse même faire passer l’entente en
Cisjordanie occupée, malgré l’activité fébrile de ses services
de sécurité secondés par l’armée israélienne. Il aurait fallu
massacrer probablement la moitié de la population palestinienne
pour espérer que la moitié restante vote en faveur d’un tel
accord.
Le cheval présidentiel
s’avérait un baudet, un canasson crevé qui ne pouvait délivrer
la marchandise promise.
Ne restait plus au tandem Clinton-Netanyahu
qu’à se trouver une échappatoire pour se sortir de ce
futile exercice diplomatique.
La mise en scène du
moratoire temporaire partiel non prorogé
offrait le prétexte rêvé permettant à Mahmoud Abbas de se sortir
du guêpier où il s’était lui-même fourré.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Après avoir pris acte du
refus israélien de proroger le moratoire partiel et temporaire,
Hillary Clinton
conserve le rôle de celle qui a fait tous les efforts pour
obtenir un accord : elle pourra donc revenir sur le devant de la
scène en tant que médiatrice, si un chef plus crédible que
Mahmoud Abbas se profil un jour dans le camp palestinien.
Benjamin Netanyahu
peut se présenter à
la Knesset
avec l’auréole du dompteur de lionnes et
Mahmoud Abbas
se retire de cet accord-guêpier
avec les honneurs de celui qui ne cède pas devant le
chantage à la colonisation, lui qui, de toute façon, ne pouvait
signer cet accord que personne n’aurait reconnu et qui n’a
jamais exigé la levé du blocus de Gaza.
En finale, il est très
bien que ces « pourparlers » de capitulation et de trahison du
peuple palestinien aient pris fin comme ils avaient commencé, en
queue de requin.
(1)
C’est Mahmoud Abbas lui-même qui,
en menaçant de démissionner, avoue candidement qu’il n’a même
pas le droit de sortir de Ramallah sans l’autorisation signée du
gouverneur militaire de la zone. Salam Fayyad,
le Premier ministre de l’Autorité en Cisjordanie, le
réaffirmait, quand à lui suite à la destruction par les
israéliens d’une autoroute qu’il venait tout juste d’inaugurer
(le mois dernier). Une autoroute payée par les contribuables
européens.
(2)
Robert
Bibeau. (2010). http://www.ism-france.org/news/article.php?id=14340&type=analyse&lesujet=Initiatives%20de%20Paix
et
http://www.palestine-solidarite.org/analyses.Robert_Bibeau.121010.htm
et
http://www.oulala.net/Portail/spip.php?article4789
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