SOULÈVEMENT
POPULAIRE AU ROYAUME-UNI
Le peuple grec
passe la main au peuple britannique
Robert Bibeau
TOTTENHAM - REUTERS/Stefan Wermuth
Mercredi 10 août
2011
Comme vous, j’ai cru au début de l’été
2011 que la révolte spontanée du peuple
grec sonnait la charge du soulèvement
populaire européen contre les politiques
du FMI, de la Banque Mondiale, de la
Banque européenne et des bureaucrates de
l’Union européenne (1).
Ce ne fut pas le cas. Après une
succession d’affrontements violents
contre les forces de l’ordre, le peuple
grec dans sa sagesse a redirigé sa
résistance quotidienne vers les lieux de
travail (pour ceux qui ont toujours un
emploi), dans les commerces
touristiques, contre le fisc et dans la
rue.
Le peuple grec, ne se sentant pas
prêt à renverser l’appareil répressif de
l’État grec, a donc passé la main aux
autres peuples européens. Voici la rose,
dansez mes frères d’Europe !
Voilà que le courageux et inexpugnable
peuple britannique a repris le gant
laissé par les Grecs et lancé sa propre
offensive en révolte contre les
politiques de banqueroute économique du
FMI, de la Banque Mondiale et de la
Banque européenne. À Tottenham dimanche
le 7 août 2011, les capitalistes
britanniques ont tremblé dans leurs
escarpins de cuir fin face aux bottines
de cuir cloutées des travailleurs
britanniques.
Le quartier de Tottenham à Londres a été
transformé en champ de bataille suite à
l’assassinat d’un résistant noir par la
police londonienne (2).
Cette fois la répression raciste fut
l’étincelle qui mit le feu aux poudres
et le soulèvement s’étend depuis à tout
le Royaume-Uni (3). Rappelez-vous
simplement qu’il y a quelques mois ce
sont les hausses drastiques des frais de
scolarité contre les étudiants anglais
qui déclenchèrent les foudres populaires
et soulevèrent l’Ire britannique. Demain
la cause sera différente mais tous ces
soulèvements ont la même origine, une
même source profonde, sur laquelle nous
reviendrons bientôt.
RÉVOLTES ARABES
Auparavant examinons les causes des
soulèvements populaires à travers le
monde arabe. Ces motifs de guerre civile
semblent nombreux mais en réalité il
n’en n’est rien. En Libye par exemple,
le peuple refuse que les puissances
impérialistes européennes,
néo-colonialistes, viennent
s’ingérer davantage dans la gestion
politique, économique, fiscale,
pétrolière et bancaire du pays pour
le mettre à sac (4).
Mouammar Kadhafi a toléré cette
ingérence et ces dernières années il
s’était plié aux dictats imposés par ses
maîtres européens.
Quand ceux-ci, prenant prétexte des
« printemps floraux » qui s’épandaient
un peu partout dans la sphère arabe, ont
voulu écarter le guide de la Jamahiriya
du pouvoir pour y placer une marionnette
plus souple et plus docile, ce dernier a
refusé d’être écarté de la sorte
estimant avoir rempli convenablement le
mandat que la soi-disant « communauté
internationale » lui avait confié –
lire,
le petit groupe de dirigeants rapaces
qui prétendent gouverner le monde par
l’entremise de quelques organisations
internationales criminelles – (5).
Kadhafi s’est donc accroché au pouvoir
et a fourni au peuple libyen le motif et
l’organisation pour déchaîner sa fureur
contre l’OTAN et les politiciens
européens de la canonnière qu’ils sont
en train de mettre en déroute. Honneur
au courageux peuple libyen qui montre
ainsi la voie de la résistance à tous
les peuples d’Afrique. Après les échecs
irakien, afghan, pakistanais et somalien
voilà que nous assistons à la débandade
européenne et états-unienne en Libye. Et
ce n’est pas fini (6).
Mais le motif véritable de ces
agressions occidentales contre la Libye,
et en sous main contre la Tunisie (où le
processus de réforme est bloqué par les
ambassades étrangères) ; contre la Syrie
(où l’empire pêche en eau trouble afin
de disloquer l’alliance Iran-Syrie) ;
contre l’Égypte (où l’empire voudrait
instituer le Moubarakisme sans Moubarak)
est toujours le même :
le repartage des zones d’influence, des
marchés, des sources de matières
premières et d’énergie entre les deux
grands camps impérialistes mondiaux
(7).
Les prétextes pour ces interventions
néo-coloniales européennes et
états-uniennes (l’OTAN) dans les
affaires internes des pays arabes
peuvent varier localement, mais le motif
profond est toujours le repartage des
zones d’influence interimpérialistes.
CRISE ÉCONOMIQUE RÉCURRENTE
Il en est de même dans les pays
européens, sauf qu’en Europe l’objectif
n’est pas le repartage des zones
d’influence mais la mise au pas – la
répression – des peuples saignés à blanc
par les crises économiques récurrentes
qui ont pris tantôt la forme d’une crise
des « subprimes
hypothécaires »
laquelle ne fut qu’une des formes
d’expansion adoptées par le capital
financier spoliateur issu de l’économie
irréelle (spéculative). Les faillites
bancaires qui suivirent se sont
répandues dans toutes les régions du
monde à cause de l’inextricable
interrelation qui entrelace le capital
financier mondial en phase impérialiste
avancée (8).
La crise économique a ensuite –
printemps - été 2011 – pris la forme de
menées spéculatives contre les monnaies,
dont l’euro, que les États-uniens
auraient bien voulu assujettir à leur
dollar en faillite (chacun notera ici
que les alliés européens et états-uniens
peuvent se poignarder dans le dos si
leurs intérêts impérialistes nationaux
le réclament). Coup de bluff perdu par
les spéculateurs américains faute de
discipline interne entre les politiciens
et les grands magnats américains de la
finance. Depuis samedi le 6 août 2011,
la crise économique de l’impérialisme
mondial a pris la forme de
la dette souveraine,
américaine
d’abord, mais qui s’étendra sous peu à
d’autres pays surendettés qui feront
tour à tour défaut de paiement.
Chacun doit comprendre que c’est
toujours la même crise économique de
l’impérialisme occidental décadent qui
se profile dans cette succession de
crises sectorielles – spécifiques. Cette
crise générale et saccadée mettant aux
prises l’Alliance Atlantique (Europe et
États-unis) décadente et l’impérialisme
montant de la super puissance
industrielle chinoise et de ses
collaborateurs de l’Alliance de
Shanghai.
Que ce soit en Grande-Bretagne, en
Espagne, en Grèce, au Portugal et
bientôt aux États-Unis d’Amérique, les
soulèvements populaires spontanés ont
toujours la même source profonde, le
ras-le-bol populaire contre la
paupérisation accélérée – 15 % à 20 % du
peuple américain s’alimente grâce aux
bons alimentaires de l’État, des
millions d’Américains ont été jetés à la
rue et sont sans logement, les
propriétés se vendent pour une bouchée
de pain dans plusieurs États américains,
les prisons sont archi-surpeuplées, le
taux de chômage réel frôle les 18 % aux
États-Unis – (9) ; ainsi que la révolte
contre le chômage généralisé, la
dégradation des services publics, le
racisme, la faillite économique globale,
la spéculation boursière, le transfert
du fardeau de la crise économique et
financière, ainsi que de la dette
souveraine, sur le dos des peuples
travailleurs pour sauver la fortune des
riches et des spéculateurs, des banques
et des cartels internationaux.
Lors de la crise de 2008 les pouvoirs
d’États dictatoriaux – soi disant élus
démocratiquement –
ont utilisé leur contrôle sur l’appareil
fiscal des États souverains (Europe,
Canada, Australie, Japon, USA) pour
subventionner et renflouer les banquiers
et les financiers à même les ressources
financières de l’État.
Mais cette activité de spoliation des
fonds publics a elle-même entraîné le
surendettement de ces États si bien
que le même stratagème est aujourd’hui
exclu sinon en coupant encore plus
drastiquement dans les dépenses
publiques destinées au peuple et aux
pauvres et en transférant ces derniers
deniers spoliés directement aux
financiers.
Mais la marge de manœuvre des États
impérialistes décadents (Alliance
Atlantique) est aujourd’hui si mince
qu’il faudra d’énormes déboursés
répressifs – polices, services secrets,
armées et réservistes – pour parvenir à
imposer ces nouveaux sacrifices aux
peuples exsangues.
Depuis 2001, ces guerres
impérialistes de rapines, de répression
des soulèvements nationaux libérateurs –
ces guerres impérialistes
occidentales pour écarter l’impérialisme
chinois de ces zones d’hydrocarbures et
des marchés africains et moyen-orientaux
ont coûté la modique somme de 3 200
milliards de dollars au trésor américain
(10), ce qui représente environ 20 % de
la dette souveraine des États-Unis
d’Amérique. Aujourd’hui,
l’administration américaine voudrait
faire payer le prix de ses guerres
d’agression à l’ensemble des pays de la
planète, y compris aux descendants de
leurs tueries en Irak et ailleurs, en
dévaluant les réserves de dollars
américains que chacune des banques
centrales nationales possède.
Il faut noter toutefois que dans la
sphère impérialiste montante – Alliance
de Shanghai – la situation politique et
répressive, quoique difficile, est plus
favorable. Les puissances impérialistes
regroupées autour de la super puissance
industrielle chinoise sont en train de
développer leur capacité productive
(elles sont en phase d’industrialisation
et non pas en phase de
désindustrialisation comme à l’Ouest),
elles développent présentement leur
marché intérieur (Chine, Inde, Russie,
Kazakhstan, Iran, etc.) et elles
imposent déjà, dans la plupart des cas,
une dictature fasciste à leurs peuples
réprimant sauvagement toute velléité de
résistance. Actuellement
les puissances impérialistes
décadentes de l’Ouest s’acheminent à
vitesse variable vers cette forme de
dictature étatique camouflée sous des
prétentions démocratiques électoralistes
néo-libérales.
LES BOBOS À LA RESCOUSSE
Que font les forces de « gauche »
pendant ce temps ?
Les « bobos opportunistes »
s’avancent rapidement sur le devant de
la scène afin de détourner les
contingents de résistants en colère et
leur faire prendre la voie de garage. Un
intervenant syndical écrivait ceci à
propos de l’émeute du quartier de
Tottenham à Londres : « Après Bari,
Tottenham. Pourquoi pas bientôt Paris,
Marseille ? Voilà où mènent
des lustres d'incurie, d'imprévoyance et
de lâcheté des dirigeants européens qui
n'osent agir contre la crise ! ».
Les soulèvements
populaires - anarchiques et spontanés –
ne sont pas le fruit de l'incurie, de
l'imprévoyance et de la lâcheté des
dirigeants politiques européens. Les
dirigeants européens ne veulent d’aucune
façon satisfaire les réclamations de la
population pas plus à Paris, à Londres,
à Athènes qu’à Madrid.
Ensuite,
les dirigeants européens (ou américains)
n'ont absolument aucun contrôle sur la
faillite économique du système
impérialiste moribond.
La seule chose que
les politiciens européens peuvent faire,
c'est de mettre leur machine d'État au
service des classes spoliatrices et
d’organiser la répression des peuples
qui se révoltent contre non pas
« l’incurie, la lâcheté et
l’imprévoyance », mais contre les
politiques délibérément
assassines, anti- populaires et
exploiteuses de dirigeants qui
organisent sciemment le transfert des
richesses d'État et qui systématisent
les coupures - le retrait - des capitaux
des services publics et du soutien aux
pauvres pour les diriger vers le soutien
aux riches.
La récente décote de
crédit américain
(de AAA à AA+) n’est rien d’autre que la
sanction des milieux d’affaires contre
la Maison Blanche et le Congrès
américain, coupables de ne pas avoir
suffisamment coupé dans les services et
l’aide à la population américaine et
pour ne pas avoir suffisamment soutenu
la classe capitaliste monopoliste à même
les crédits d’État (11). Cette décote,
décriée par tous ceux qui possèdent des
devises américaines (la Chine en possède
à elle seule 3 000 milliards $) présage
d’une éventuelle dévaluation importante
du dollar US et donc d’énormes pertes
pour tous ceux qui comme les Chinois
sont plombés avec cette devise en
débandade dans leurs coffres.
Ce n'est pas
« lâcheté » de la part des politiciens
occidentaux. Au contraire, il faut
beaucoup de courage à ces bandits
politiques pour spolier la population
afin d’enrichir une poignée de riches,
et pour ensuite lancer la police (16 000
policiers à Londres), et bientôt
l’armée, contre leur propre peuple en
révolte. Tous les Obama, Sarkozy,
Cameron et Harper de ce monde ne font là
que leur métier, ce pourquoi ils ont été
placés aux postes qu’ils occupent par
ceux qui ont financé leur campagne
électorale frauduleuse.
C'est le système
capitaliste et ses suppôts qu'il faut
renverser, détruire, éradiquer, éliminer
sans se plaindre de l’incurie, de la
lâcheté ou de l’imprévoyance qui n'en
furent d’ailleurs pas. Au contraire,
tous ces comploteurs ont prévu la
débâcle de leur système économique et
ils se préparent à la répression des
soulèvements populaires – la police de
Montréal a créé cet été une cellule de
répression politique – afin de ne rien
changer à ce système qui s'écroule
malgré leurs efforts conscients et
systématiques.
Mes amis d’Athènes, de Madrid, de
Tottenham et bientôt de Chicago… c'est
la lutte finale qui commence,
groupons-nous et demain....
(1)
http://www.centpapiers.com/les-heritiers-d%e2%80%99heracles-et-le-menage-des-ecuries-d%e2%80%99auigias-grece/75667
(2)
http://www.dailymail.co.uk/news/article-2023254/Tottenham-riot-Mark-Duggan-shooting-sparked-police-beating-girl.html
«Je
peux comprendre qu’ils soient en colère.
En plus (de la mort du jeune homme), il
y a du chômage et des coupes dans les
allocations, donc tout ça fait que la
coupe est pleine», explique Norman
McKenzie, un agent de sécurité de 37
ans. Les gens ne sont pas contents. Je
pense que le système est en train de
craquer. Il est temps que les gens se
lèvent et fassent quelque chose»,
enchaîne une jeune
femme d’origine africaine. ».
(3)
http://www.ledevoir.com/international/europe/328957/la-violence-s-etend-hors-de-londres?utm_source=infolettre-2011-08-09&utm_medium=email&utm_campaign=infolettre-quotidienne
(4)
http://www.france-irak-actualite.com/article-benghazi-qui-a-assassine-le-general-younes-chef-de-l-armee-rebelle-81108425.html
(5)
h ttp://fr.wikipedia.org/wiki/Mouammar_Kadhafi
(6)
http://www.rtbf.be/info/monde/detail_libye-le-president-du-cnt-limoge-son-gouvernement?id=6567623
(7)
http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/etats-unis-chine-la-grande-87177
(8)
http://www.robertbibeau.ca/palestine/edito8062011.html
(9)
http://fr.news.yahoo.com/pr%C3%A8s-46-millions-dam%C3%A9ricains-vivent-gr%C3%A2ce-%C3%A0-bons-163639177.html
(10) James Petras.
http://www.globalresearch.ca/index.php?context=va&aid=25574
(11)
http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/328939/decote-des-etats-unis-efforts-concertes-pour-limiter-la-chute-boursiere?utm_source=infolettre-2011-08-08&utm_medium=email&utm_campaign=infolettre-quotidienne
et
http://www.centpapiers.com/la-dette-mais-payez-la-bon-dieu/78550/comment-page-1#comment-27262
Le sommaire de Robert Bibeau
Les dernières mises à jour
|