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Analyse

L'importation d'un conflit exporté
Rim al-Khatib


Lundi 16 février 2009

Réponse à Esther Benbassa, historienne,

auteur de « "Importer" le conflit de Gaza en France. De quoi parle-t-on ? »

http://www.rue89. com/passage- benbassa/...

 

Suite à la guerre déclenchée par l’armée sioniste contre le peuple palestinien à Gaza, Esther Benbassa (E.B.), historienne, juive, dénonce un certain amalgame dans les esprits, et notamment des politiciens et des médias français, faisant de cette guerre « une guerre de religion » entre Juifs et musulmans alors que son article fourmille d’amalgames plus graves les uns que les autres.

D’abord, la guerre actuelle : pour E.B., il ne s’agit pas d’une guerre déclenchée par l’armée la plus puissante de la région contre un peuple soumis à un blocus depuis près de deux ans, mais d’une guerre entre Israël et le Hamas. Le Hamas, mouvement de résistance du peuple palestinien, légitimement reconnu par le peuple lui-même, serait, pour E.B. comparable, dans cette guerre, à Israël puisque tous les deux ont des motivations électorales et clientélistes. Aucun préambule pour expliquer qu’il y a occupation, résistance, blocus meurtrier équivalent à une guerre, puisqu’il est responsable de plus de 260 morts pour manques de soin. Non, pour E.B. le Hamas et Israël sont responsables de la mort de plus d’un millier de personnes et de la destruction à Gaza. E.B. se dit cependant « soutenir le peuple palestinien » bien qu’elle soit attachée à Israël. Son soutien au peuple palestinien et son attachement à Israël lui font préférer des attaques aériennes contre « les terroristes » plutôt qu’une « offensive terrestre ». On croit rêver ! N’est-ce pas l’aviation qui a détruit et massacré la population ? N’est-ce pas l’aviation israélienne qui est responsable des carnages ? De quelle offensive terrestre parle E.B. ? Au contraire, cette offensive n’a pu avoir lieu, à cause de la résistance palestinienne armée. Les chars se sont avancés juste dans les zones « vides » ou « vidées » par l’aviation, au préalable. Donc, E.B. aurait souhaité des raids aériens, contre les résistants qu’elle n’a aucun mal à désigner par « terroristes » (citons : Lorsque des centaines de Palestiniens ont été tués (tous n’étaient pas des terroristes)…).

A ce propos, E.B. réfute le terme de « génocide » s’agissant du peuple palestinien, ce terme, semble-t-il, devant rester l’exclusivité des juifs. Or, en admettant que le génocide des juifs ait eu lieu sur une durée de dix ans, quel terme faut-il utiliser pour décrire l’exécution systématique de massacres sur massacres (parfois plus de 500 victimes en un seul lieu et un seul jour) sur une durée de plus de soixante ans ? A mon avis, même le terme de génocide ne pourra plus rendre compte de la situation faite aux Palestiniens par les sionistes, il faudra trouver un terme approprié pour exprimer l’horreur et la terreur qu’ils exercent. Car s’il y a exclusivisme, il l’est, non dans le génocide des Juifs, mais dans la pratique de cet Etat terroriste et colonial qu’est Israël. Si E.B., en tant qu’historienne, garde en mémoire et vit avec les histoires des familles juives d’Europe, nous, en tant qu’historiens, en tant que Palestiniens, nous gardons en mémoire et vivons nos histoires, celles de nos familles, sauvagement massacrées, sauvagement expulsées, sauvagement rejetées vers la mer à Yafa, Haïfa et Akka, dans des canots de fortune, pour aller ailleurs… et laisser la place aux juifs qui se sont installés dans nos maisons, dans nos terres, sur notre terre et dans notre pays. Ils ont bénéficié de ce que nous avions planté, travaillé, ils ont tiré profit de notre labeur, du labeur de nos aïeux, ils ont trouvé un pays florissant, des villes accueillantes (Yafa, première ville du Moyen-Orient, et Haïfa, qui rivalisait avec Beirut, au Liban), s’y sont installés, prétendant habiter un « pays sans peuple », alors que nous étions alignés en rangs, attendant de recevoir les subsides généreuses de la honteuse communauté internationale.

Poursuivant la générosité internationale à notre égard, E.B. est partisane d’un « Etat viable » qui nous serait accordé, car elle n’en peut plus de voir les images des massacres subis par notre peuple. Nous devons la remercier pour ses sentiments généreux et lui dire, cependant : non, merci ! Nous pouvons nous servir tous seuls. La Palestine toute entière nous appartient, nous la libérerons et nous sommes dans la bonne voie, puisque nous avons de nouveau repris confiance dans notre résistance, Israël subit défaites sur défaites, d’abord en mai 2000, puis en août 2006 et aujourd’hui, en janvier 2009. Israël a les moyens de nous massacrer encore, avec son aviation, mais il ne gagnera plus de batailles. C’est ce que nous a promis le dirigeant de notre résistance, Sayyid Hassan Nasrullah : « le temps des défaites est terminé, nous entamons le temps des victoires ». Israël ne fera que rendre encore plus malheureuses les âmes sensibles qui ont peur de voir la réalité en face, mais il ne pourra pas remporter des victoires contre notre résistance. Tout massacre qu’il commet se retournera contre lui, et comme l’a dit Isma’il Haniyyé, dirigeant de notre résistance, « le sang coulé sera une malédiction qui poursuivra Israël ».

Mais rassurons E.B., elle n’aura pas à supporter le poids de tous ces « civils » morts tant qu’elle ne se rend pas, en colon, en Israël, qu’elle n’envoie ni armes, ni argent à l’Etat sioniste, même si elle prétend le soutenir. Son soutien à un Etat colonial et raciste ne lui fait d’ailleurs pas honneur et restera une tâche sur sa conscience si elle l’ouvre au-delà de la « question juive » en Europe.

 

Par ailleurs, E.B. a raison de dire que le conflit n’est pas importé en France puisqu’il est là, d’après elle, depuis la création de l’Etat d’Israël. Cependant, lier le mouvement de la décolonisation à la création de l’Etat colonial sioniste est un tour de passe-passe assez malhonnête, la création de cet Etat juif sur la terre arabe de la Palestine est dans la pure tradition coloniale et colonialiste et ne fait pas partie du mouvement de décolonisation, au contraire. Peu importe que les colons soient juifs, chrétiens ou même musulmans, le projet colonial mis en place consiste à déplacer des populations étrangères vers ce pays pour remplacer la population autochtone, en vue d’installer un Etat qui serait la « place-forte de l’Occident sur la terre de l’Orient », et plus, qui diviserait le monde arabe et l’empêcherait de se relever et d’avoir sa place dans le monde contemporain. Cet Etat peut être « légitimé » par le monde entier, il reste cependant illégitime à nos yeux car il est installé sur notre pays ! Ensuite, citer Israël entre la France et le Canada comme lieux de refuge des juifs fait partie de la même entreprise malhonnête, car la France et le Canada sont différents de l’Etat sioniste d’Israël, ce dernier étant une colonie de peuplement, conçu pour être un Etat exclusivement juif et pour les Juifs, donc un Etat illégitime, colonial et raciste, à la base.

 

Ce conflit n’est certes pas importé en France, mais ce qu’il faut dire, c’est que les conflits en Europe ont été exportés vers la Palestine et le monde arabe. Depuis le début du XXème siècle, nous subissons, dans notre région, vos haines et vos ambitions, votre soif de domination et vos nationalismes étroits. L’Europe a créé Israël pour se débarrasser « de la question juive », en en faisant un outil de domination ailleurs. Il s’agissait d’une guerre de religion en Europe, entre chrétiens et juifs, mais parce que nous, Palestiniens et arabes, sommes porteurs d’une civilisation profondément humaine, nous avons refusé d’être vos joujoux, nous l’avons transformée en guerre de libération, en guerre contre la colonisation et la domination impériale, et même lorsque nos mouvements islamistes la prennent en charge, ils n’en font pas une guerre de religion. Si aujourd’hui, ce conflit, opposant une entité coloniale à un et des peuples qui aspirent à l’indépendance, a des retombées religieuses en Europe, suscitant des vagues de « guerre de religion », c’est une remise en cause de la place de l’Etat sioniste dans la civilisation européenne qui est nécessaire. Pourquoi l’avoir créé ? Etait-il judicieux de pousser les juifs à fonder un Etat-colonie dans une région musulmane ? L’Europe, responsable de la naissance de cet Etat, ne supporte-t-elle pas déjà les conséquences de son acte ? Tant que les puissances européennes et aujourd’hui, américaines (USA et Canada) supporteront cet Etat, elles subiront les contrecoups, variés et multiples, de cette terreur coloniale. En France, où la communauté juive, nombreuse, assume un rôle de pourvoyeuse de colons, de soldats et de fonds, les réactions à toute guerre déclenchée par Israël ne peuvent être que profondes et humainement catastrophiques. Mais c’est le juste retour des choses à leur origine : on ne peut impunément susciter la guerre ailleurs sans en supporter les conséquences, d’une manière ou d’une autre.

Le détachement de l’Europe vis-à-vis de l’Etat sioniste pourra la réconcilier avec ses populations ! Et le détachement des juifs vis-à-vis d’Israël, qui commet tous ces crimes en leur nom, pourra les écarter de l’avenir catastrophique qu’il se prépare lui-même !



Source : Rim al-Khatib


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