Opinion
Tunisie. 2011:
année de tous les miracles; 2012: au
travail !
Ridha Kéfi
Photo:
Kapitalis
Samedi 31 décembre
2011
L’an 1 de la révolution, que nous nous
apprêtons à laisser derrière nous, aura
été exceptionnel de tout point de vue
pour notre pays. Carthage a été, cette
fois, sauvée des flammes.
Par
Ridha Kéfi
Malgré les agitations sociales…
Malgré les accès de violences,
intermittents et inexplicables, souvent
attribués aux forces
contre-révolutionnaires… Malgré les
cafouillages politiques et les
tâtonnements d’une jeune démocratie qui
se cherche encore des repères… Malgré
les innombrables peurs partagées (des
snipers, des terroristes infiltrés, du
bruit de bottes dans la Libye voisine,
etc.), tout ne s’est finalement pas mal
passé.
On ne s’en
est pas mal sorti
En comparaison avec les situations de
semi-blocage en Egypte, d’incertitude en
Libye, de manque de visibilité au Yémen,
où Ali Abdallah Salah joue des
prolongations, et de poursuite du bain
du sang en Syrie, transformé en immense
charnier par un Bachar déchaîné, la
situation en Tunisie apparaît, à juste
titre, comme particulièrement positive.
Et pour cause…
L’ancien régime est en grande partie
tombé avec la fuite de l’ex-président,
la meilleure chose qu’il ait faite pour
ce pays au terme de 23 ans de règne sans
partage. Le vide constitutionnel a été
évité et les structures de l’Etat ont
bien résisté. Idem pour les services
publics, qui se sont poursuivis sans
discontinuer.
Donc, tout compte fait, et en dépit
de l’impact négatif de l’incertitude
politique sur l’économie (baisse des
recettes touristiques, des exportations,
des investissements, etc.), on ne s’en
est pas mal sorti. Les choses auraient
pu, en effet, plus mal tourner. Mais le
pays a survécu à ses démons, sauvé par
la meilleure part de lui-même.
Si l’effet de surprise a eu raison de
Ben Ali, qui a paniqué et jeté l’éponge
assez prématurément (les autres
dictateurs ont malheureusement retenu la
leçon), les Tunisiens ont montré un
certain savoir-faire constitutionnel et
organisationnel qui leur a permis de
remettre rapidement le pays sur pied.
Leur sens du consensus et leur rejet
viscéral de la violence ont fait le
reste. Carthage a été, cette fois,
sauvée des flammes.
Une feuille
de route bien tracée
Les élections du 23 octobre, les
premières réellement pluralistes,
transparentes et crédibles jamais
organisées dans le pays, et peut-être
même dans le monde arabe, ont permis de
rétablir la légitimité populaire par le
suffrage universel et de remettre le
pays en ordre de marche. Par-delà la
chronique politique des gagnants et des
perdants, c’est le peuple tunisien qui a
remporté la mise en sauvant sa
révolution et en indiquant la marche à
suivre: une Assemblée constituante élue,
une Constitution que l’on espère aux
meilleurs standards démocratiques, un
nouveau gouvernement légitime quoique
encore provisoire pour poursuivre la
traversée du gué et, à l’arrivée, dans
un an et demi, tout au plus, de
nouvelles élections pour rétablir
définitivement la légitimité
constitutionnelle.
Une feuille de route bien tracée, et
suivie jusque-là à la lettre, avec
rigueur et respect des formes. C’est là
le véritable «miracle tunisien», dont,
paradoxalement, peu de Tunisiens sont
conscients.
On pourrait continuer à gloser sur
l’opportunité ou l’inanité des choix des
Tunisiens, en opposant les modernistes
aux islamistes, les progressistes aux
identitaires et les pro-occidentaux aux
pro-pays du Golfe, dans une sorte de
lutte fratricide aussi inutile que
contre-productive. L’essentiel n’est-il
pas ailleurs: dans la capacité de ce
peuple à mettre toutes ses forces et ses
énergies au service d’un projet de
renaissance nationale?
La Tunisie, quelle que soit la
majorité ou la coalition majoritaire qui
le gouverne, en cette période
transitoire, doit apprendre à puiser en
elle-même, dans la foi et l’énergie de
ses enfants, les moyens de se relancer
dans la course au progrès et à compter
sur les partenaires étrangers, tous les
partenaires étrangers sans exclusive,
qui voudraient bien l’aider à traverser
cette phase difficile de transition avec
les moindres dégâts.
En d’autres termes, il ne sert à rien
aujourd’hui de perdre notre temps et
notre énergie dans des querelles
partisanes. Celles-ci sont, bien sûr, le
sel de la démocratie, son humus, son
moteur et sa principale garantie. Elles
devraient donc se poursuivre dans un
esprit d’émulation et pour mettre des
garde-fous au travail du gouvernement
et/ou de l’Assemblée constituante. Elles
ne devraient pas, cependant, et en aucun
cas, cacher les véritables enjeux de
l’année 2012 qui se profile, à savoir
atténuer les effets du chômage par la
création d’emplois, améliorer le niveau
de vie dans les régions défavorisées,
berceau de la révolution, réduire les
écarts entre les riches des quartiers
huppés et les pauvres des cités
populaires et rétablir ainsi les
conditions de l’unité nationale, mise à
mal par la dictature.
Si en 2011, les Tunisiens ont œuvré à
la préservation des acquis républicains,
en 2012, ils devraient reprendre le
chemin du travail pour renouer avec la
croissance et la prospérité. C’est la
seule résolution qui vaille à l’orée
d’une nouvelle année…
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Publié le 31 décembre 2011 avec l'aimable
autorisation de Kapitalis
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