Tunisie
Ghannouchi et
Israël: duplicité tunisienne ou manœuvre
israélienne ?
Ridha
Kéfi
Lundi 30 janvier
2012
Rached Ghannouchi a démenti sur sa page
Facebook avoir donné une interview à
Radio Israël, dans laquelle il aurait
lié l’établissement de relations
diplomatiques entre la Tunisie et Israël
avec la solution du problème
palestinien.
Par Ridha Kéfi
Même si elle n’exclut pas
formellement une normalisation avec
Israël (qui est d’ailleurs nommé comme
tel, et non désigné par la périphrase
«entité sioniste»), cette déclaration
reste très diplomatique. C’est une
déclaration de principe qui laisse la
porte ouverte à cette normalisation,
tout en renvoyant aux calendes grecques
l’hypothétique reconnaissance d’Israël
par la Tunisie. Elle n’en demeure pas
moins problématique, car elle intervient
deux semaines après que M. Ghannouchi et
les dirigeants d’Ennahdha, y compris le
chef du Gouvernement Hamadi Jebali,
aient reçu, en grandes pompes, à Tunis,
l’ex-Premier ministre et l’un des chefs
du Hamas palestinien, Ismaïl Haniyeh, à
grand renfort de slogans anti-israéliens
et même anti-juifs.
Qui a parlé de double langage ? L’un
pour les militants de base du parti
islamiste tunisien et pour les Tunisiens
lambda (où se recrute l’essentiel des
électeurs d’Ennahdha), et l’autre pour
la communauté internationale, Bruxelles
et Washington en tête, pour donner une
image lissée (et policée) d’un mouvement
en phase avec… le processus de paix au
Proche-Orient.
Souvenons-nous : il y a quelques
mois, les représentants d’Ennahdha à la
Haute instance pour la réalisation des
objectifs de la révolution (Hiror),
dirigée par Iadh Ben Achour, appelaient
à cor et à cri à l’inscription de la
non-reconnaissance d’Israël dans le
texte même de la nouvelle constitution
tunisienne. Ils voulaient ainsi mettre
en difficulté les dirigeants des partis
de gauche qui étaient opposés à cette
inscription et trouvaient saugrenue
l’idée de mettre des considérations de
politique internationale, forcément
changeantes, dans le texte d’une loi
fondamentale, appelée à durer au moins
cent ans.
Commentaire d’un ancien diplomate
tunisien : «Ennahdha veut jouer sur les
deux tableaux : à la fois passer pour un
défenseur acharné des droits des
Palestiniens et se couler dans le moule
du libéralisme, quitte à entretenir, à
terme, des relations politiques et
économiques avec Israël. C’est cette
duplicité que je trouve écoeurante.»
Aujourd’hui, M. Ghannouchi dément
avoir donné une interview à Radio Israël
ou à aucun autre média israélien en
marge de sa participation, la semaine
dernière, au Forum économique mondial de
Davos. On n’a aucune raison de ne pas le
croire. Il n’en reste pas moins que le
président d’Ennahdha ne peut pas se
contenter d’un «petit» démenti, vague et
laconique, sur sa page Facebook. Il doit
envoyer un démenti officiel à Radio
Israël afin de mettre fin à la polémique
à ce sujet. Les électeurs d’Ennahdha, et
tous les Tunisiens, ont droit à cette
clarification.
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Publié le 31 janvier 2012 avec l'aimable
autorisation de Kapitalis
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