Tunisie
Ennahdha lave-t-il
«plus blanc» les corrompus de l'ancien
régime ?
Ridha
Kéfi
Vendredi 7
septembre 2012
Les listes des corrompus de l’ancien
régime que le gouvernement menace de
publier contiendront-elles les noms de
ceux qui ont tourné casaque et roulent
aujourd’hui pour Ennahdha?
Par Ridha Kéfi
A entendre les membres du
gouvernement et les députés issus du
parti Ennahdha, la lutte contre la
corruption bat son plein aujourd’hui en
Tunisie. Or, la réalité montre le
contraire: les corrompus de l’ancien
régime encombrent les coulisses du
gouvernement et du parti au pouvoir.
L’alibi Samy
Fehri
Ce n’est pas parce que la justice a
ordonné l’incarcération de Samy Fehri,
le patron de Cactus Prod et de la chaîne
Ettounissia, accusé dans une affaire de
corruption liée à l’ancien régime, que
le ministre de la Justice Noureddine
B’hiri peut pérorer du haut des tribune
et affirmer que le gouvernement
islamiste est en train de lutter contre
la corruption dans le pays. Au moment où
les rapports montrent que ce fléau a
pris dans le pays une ampleur jamais
atteinte auparavant, même sous le règne
de Ben Ali, l’incarcération d’un seul
homme, Samy Fehri, servirait, au mieux,
d’alibi ou d’écran de fumée.
M. Bhiri, qui aurait été plus
crédible s’il avait mis fin à la
mainmise directe de son département sur
le corps de la magistrature dans le pays
– qui demeure dépendant de la volonté
politique des nouveaux gouvernants –, a
déclaré, samedi, lors d’un meeting de
sympathisants du mouvement Ennahdha, à
Bir Belhassen à l’Ariana, que chaque
ministère dispose d’une liste des
personnes corrompues et des victimes de
l’ancien régime, précisant que
l’ouverture de tous les dossiers de
corruption et de réparation pour les
victimes de la corruption sont en cours.
Evoquant la campagne «Ekbess»
(littéralement: tour de vis) lancée par
les sympathisants d’Ennahdha, M. B’hiri
l’a qualifiée de «positive»,
estimant qu’elle vise à «activer les
réformes, juger les corrompus et
rassurer le peuple tunisien que ceux
qu’ils a choisis ne croiseraient pas les
bras devant les ennemis de la révolution».
«Il n’est pas question que les
Rcdistes reviennent sur la scène
politique», a-t-il averti.
Benalistes
hier, Nahdhaouis aujourd’hui
Soit, et si c’était vraiment le cas,
on ne pourrait qu’applaudir. Mais
peut-on sérieusement espérer que les
corrompus de l’ancien régime, qui ont
tourné casaque et roulent aujourd’hui
pour Ennahdha, figureraient dans ces
fameuses «listes» et qu’ils
seraient poursuivis pour leurs méfaits
passés? Est-on assuré que ces listes ne
comprendront pas des noms de personnes
intègres et honnêtes, qui ont combattu
l’ancien régime, mais qui refusent,
aujourd’hui, d’obtempérer aux dictats du
nouveau régime dictatorial qui tente de
se mettre en place? Rien n’est moins
sûr. Car on a de plus en plus de preuves
que l’allégeance à Ennahdha suffit
aujourd’hui pour vider des dossiers,
blanchir des coupables et ouvrir les
portes du paradis «nahdhaoui»
devant tous les criminels du passé. Et
que l’opposition à ce parti est
désormais le plus court chemin au
purgatoire… Ce fut ainsi sous Ben Ali,
l’a-t-on déjà oublié?
Sami Fehri,
un procès au timing très opportun
C’est ce que beaucoup de Tunisiens
craignent aujourd’hui en voyant des
hauts cadres, des hommes d’affaires et
des journalistes, connus pour leur
implication dans l’ancien système
dictatorial, devenir les défenseurs
zélés de la nouvelle dictature qu’Ennahdha
tente de mettre en place. Certains ont
désormais pignon sur rue au palais du
gouvernement et sont aux premiers rangs
des invités des dîners officiels et des
meetings d’Ennahdha.
Ce qui ne rassure guère quant à la
volonté d’assainissement de l’actuel
gouvernement, moins pressé de réformer
(la police, la justice,
l’administration, le système des
médias…) que de renforcer sa mainmise
sur tous les leviers du pouvoir dans le
pays. Comme l’a du reste souligné
récemment le président de la république
provisoire Moncef Marzouki, qu’on ne
peut soupçonner d’hostilité particulière
à l’égard des Nahdhaouis, ses alliés au
sein de la «troïka», la
coalition au pouvoir.
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Publié le 7 septembre 2012 avec
l'aimable autorisation de Kapitalis
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