Opinion
Proposition française de soutenir la répression en Tunisie
Michèle Alliot-Marie
Mercredi 12 janvier 2011
Assemblée nationale
XIIIe législature
Questions au gouvernement
Violences en Tunisie
M. le président. La parole est à
M. Jean-Paul Lecoq, pour le groupe de la Gauche démocrate et
républicaine.
M. Jean-Paul Lecoq. Monsieur le président,
monsieur le Premier ministre, madame la ministre des affaires
étrangères, mes chers collègues, notre groupe partage les
sentiments qui se sont exprimés à l’égard des familles de nos
compatriotes assassinés au Niger.
M. Richard Mallié. Il fallait applaudir
alors !
M. Jean-Paul Lecoq. Permettez-moi
d’exprimer, solennellement aussi, la solidarité du peuple
français au peuple tunisien et à sa jeunesse en particulier, qui
se trouve au cœur d’une révolte légitime face au régime
dictatorial incarnés par le président Ben Ali et un clan
familial dont le caractère mafieux n’est plus à démontrer. Son
caractère brutal non plus, d’ailleurs. (Exclamations sur
plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. Maxime Gremetz. Les copains et les
coquins !
M. Jean-Paul Lecoq. La répression policière
des manifestations de ce week-end a fait plus d’une vingtaine de
morts, auxquels s’ajoutent une série de suicides sans précédent.
Ces gestes d’extrême désespoir ne sauraient nous laisser
insensibles.
De la même manière qu’en Algérie, cette crise sociale est
également d’ordre politique. Les manifestants appellent à la
justice sociale et à la liberté d’expression. Au chômage de
masse s’ajoute l’absence de toute perspective politique. Le
régime repose sur le principe de la répression systématique de
toute opposition critique. La liberté de la presse demeure
inexistante. L’opposition est bâillonnée et maltraitée au nom du
sacro-saint objectif de stabilité.
M. Richard Mallié. Ce n’est pas pire qu’à
Moscou !
M. Jean-Paul Lecoq. Ce raisonnement est
partagé de manière cynique par les capitales occidentales, qui
estiment que la démocratie présente trop de risques pour
certains peuples et que la dictature est « le moins mauvais des
régimes » – je cite – pour des pays comme la Tunisie ou
l’Égypte.
Dans une prise de position déjà remarquée à l’époque, et ce
lors d’une visite à M. Ben Ali qu’il qualifie d’ami, Nicolas
Sarkozy avait jugé qu’en Tunisie « l’espace des libertés
progresse ».
Aujourd’hui encore, alors que notre pays est si prompt à
s’exprimer sur la situation démocratique en Côte d’Ivoire, ce
même cynisme conduit Nicolas Sarkozy à garder un silence
assourdissant sur la tragédie qui se joue à quelques kilomètres
de nos côtes. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Madame la ministre des affaires étrangères, comment
justifiez-vous cette incohérence de notre pays : d’un côté la
France appelle au respect de la démocratie en Côte d’Ivoire
alors que de l’autre elle soutient de manière indéfectible la
dictature de M. Ben Ali ? (Applaudissements sur les bancs du
groupe GDR.)
M. Arnaud Montebourg. C’est vrai !
M. le président. La parole est à Mme Michèle
Alliot-Marie, ministre d’État, ministre des affaires étrangères
et européennes.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, ministre
des affaires étrangères et européennes. Monsieur le
député, oui la Tunisie comme l’Algérie connaissent en ce moment
des mouvements sociaux de grande ampleur et qui touchent
particulièrement les jeunes. Face à cela, plutôt que de lancer
des anathèmes,…
M. Maxime Gremetz. Des anathèmes ? Il faut
appeler un chat un chat !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État. …notre
devoir est de faire une analyse sereine et objective de la
situation.
Parlons du fond, tout d’abord. Il est vrai que dans ces deux
pays, il y a énormément d’attentes – notamment de la part des
jeunes, et en Tunisie particulièrement de jeunes formés – de
pouvoir accéder au marché du travail.
M. Michel Lefait. En France aussi !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État.
Or c’est un problème pour ces pays. C’est bien la raison qui
nous porte à souligner le bien-fondé de la volonté du Président
de la République de répondre, dans le cadre du G8 et du G20, aux
préoccupations et aux besoins de ces pays. Il s’agit, en
particulier, de toutes les conditions nécessaires que la
communauté internationale tout entière doit mettre pour
permettre aux jeunes et aux jeunes diplômés de pouvoir accéder
au marché du travail.
M. Jean-Paul Lecoq. Et Ben Ali ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État.
Le deuxième problème est effectivement celui des décès et des
violences constatées à l’occasion de ces manifestations.
M. Maxime Gremetz. Cinquante-deux morts !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État.
On ne peut que déplorer des violences concernant des peuples
amis.
Pour autant, je rappelle que cela montre le bien-fondé de la
politique que nous voulons mener quand nous proposons que le
savoir-faire de nos forces de sécurité, qui est reconnu dans le
monde entier, permette de régler des situations sécuritaires de
ce type.
M. Roland Muzeau. Quelle honte !
M. Pierre Gosnat. Et Ben Ali ? Répondez à la
question !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État.
C’est la raison pour laquelle nous proposons aux deux pays de
permettre, dans le cadre de la coopération, d’agir dans ce sens,
afin que le droit de manifester soit assuré de même que la
sécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jacques Desallangre. Quelle duplicité !
Michèle Alliot-Marie, Ancienne présidente
du parti gaulliste (RPR), ralliée à Nicolas Sarkozy. Ministre de
la Défense (2002-07). Ministre de l’Intérieur (2007-09).
Ministre de la Justice (2009-10). Ministre des Affaires
étrangères (depuis 2010). Elle exerça auparavant ses talents
d’expertise juridique au service de régimes autoritaires de la Françafrique, rédigeant aussi bien la Constitution de la
République islamique des Comores que les Codes pénal et civil du
Kivu
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