Opinion
Syrie: Dix ans
après l'Irak, la Syrie
René
Naba
Mercredi 28 août 2013
Paris – Dix ans après l’Irak, la Syrie
est à son tour, en cet été 2013, la
cible d’une offensive du camp atlantiste
avec la caution des pétromonarchies du
Golfe, scellant dans le sang et la
destruction l’ahurissante mutation du
dialogue euro-arabe en partenariat
militaire islamo atlantiste contre des
pays arabes séculiers.
En dix ans, outre les deux pays
baasistes, la Libye a été détruite par
une coalition des anciennes puissances
coloniales occidentales et leurs obligés
monarchiques arabes; le Soudan démantelé
au mépris du principe de l’intangibilité
des frontières héritées du colonialisme,
aménageant une double plateforme
opérationnelle israélienne aux deux
extrémités du Monde arabe, au Sud
Soudan, sur la versant africain du Monde
arabe, dans le périmètre du Nil, la
veine jugulaire de l’Egypte, au
Kurdistan irakien, à la charnière de
l’Irak et de l’Iran.
La guerre déclenchée contre l’Irak
(2003) et contre la Syrie (20123) au
prétexte des armes chimiques est menée à
titre préventif par les Etats Unis, un
pays qui en a fait abusivement usage au
Vietnam (agent Orange), qui a aidé
l’Irakien Saddam Hussein à en faire
usage contre l’Iran, dans la bataille de
Hallabja (1980-1989), qui a fait usage
abusif d’une autre arme de destruction
massive également prohibée, l’uranium
appauvri en Irak (2003-2005) dans sa
guerre mondiale contre le terrorisme,
quand bien même il a souscrit au Traité
sur l’interdiction de l’usage des armes
chimiques. Chef de file de la coalition
occidentale, les Etats Unis sont
activement secondés par la France et le
Royaume Uni, les deux anciennes
puissances coloniales de la zone, au
lourd passif colonial.
L’arme chimique, dans ce contexte,
apparait comme une variable d‘ajustement
structurel, invoquée au gré des
nécessités et dans le cas d’espèce pour
voler au secours de l’opposition
off-shore syrienne en perte de vitesse.
De par sa subite programmation, le
ciblage de la Syrie apparait comme un
dérivatif à la déconfiture de la
diplomatie occidentale en Egypte, en ce
qu’il offre la possibilité d’éviter un
affrontement avec l’Arabie saoudite,
principal souteneur du putsch militaire
égyptien, en promouvant une convergence
saoudo occidentale sur leur ennemi
commun, la Syrie, déjà abondamment
diabolisée par les médias occidentaux.
Deux personnalités syriennes de
premier plan, Moaz Al Khatib, l’ancien
chef de la coalition de l’opposition
syrienne, un religieux nationaliste qui
a démissionné de son poste pour
protester contre les ingérences du Qatar
dans les affaires de l’opposition, ainsi
que Haytham Mannah, chef de l’opposition
démocratique syrienne ont mis en garde
contre les graves répercussions d’une
intervention occidentale dans un pays au
nationalisme chatouilleux. M. Mannah n’a
pas hésité à mettre en doute la version
occidentale de l’usage de l’arme
chimique en territoire syrien.
http://www.levif.be/info/actualite/international/syrie-les-attaques-chimiques-sont-un-coup-monte/article-4000384171801.htm
C’est d’ailleurs l’intervention
intempestive de la France et de la
Turquie les deux complices du
démembrement de la Syrie, à la fin de la
1 ère Guerre mondiale (1914-1918) qui a
dévoyé la révolte populaire syrienne de
son cours révolutionnaire et projeté
dans
l’impasse. http://www.renenaba.com/la-controverse-a-propos-de-basma-kodmani/
Au-delà du bien-fondé des accusations
sur la réalité de l’usage des armes
chimiques par le pouvoir baasiste,
l’intervention occidentale viserait au
premier chef à améliorer les positions
de combat de la rébellion syrienne, en
perte de vitesse depuis près d’un an du
fait de ses divisons et de la surenchère
djihadiste, à placer sur la défensive
l’axe de la contestation à l’hégémonie
israélo-américaine dans la zone (Iran,
Syrie, Hezbollah), en vue de créer les
conditions d’une négociation en position
de force avec leurs adversaires, à
provoquer la finlandisation de la zone
au bénéfice du camp atlantiste.
Les bruits de botte contre Damas se
sont accompagnées de négociations
intensives entre les Etats Unis et
l’Iran. Via le Sultan d’Oman Kabous Ben
Saïd, d’abord, qui aurait proposé à
l’Iran de contourner l’embargo pétrolier
dont il est l’objet en commercialisant à
sa place ses quotas de brut sur le
marché mondial; Par l’entremise de
Jeffrey Feltmann, l’ancien proconsul
américain au Liban et âme damné de Saad
Hariri, qui a séjourné les 25 et 26 aout
à Téhéran pour nouer, en vain, des
négociations globales tant sur le
nucléaire iranien que sur la Syrie. En
termes moins diplomatique, le troc
américain visait à obtenir le lâchage du
président syrien Bachar Al Assad par
l’Iran, en contrepartie de
l’assouplissement de l’embargo
économique et une prise en compte des
Occidentaux des intérêts légitimes de
l’Iran dans le domaine de la technologie
nucléaire. Les Iraniens, joueurs d’échec
émérite, visent visiblement un «échec et
mat», pariant sur un nouvel enlisement
occidentale dans la zone, qu’ils
espèrent fatal cette fois-ci.
Officiellement, les Occidentaux
entendent «punir» le pouvoir baasiste de
son usage de l’arme chimique en ciblant
des sites prédéterminés. Rien n’interdit
de penser que leur vœu secret soit
qu’une de leurs «bombes intelligentes»
ne projettent dans l’au-delà un homme
qui leur a tenu la dragée haute depuis
deux ans, mis un terme à
l’unilatéralisme américain en vigueur
sur la scène internationale depuis deux
décennies avec le double véto
russo-chinois au Conseil de sécurité,
infligeant un magistral camouflet à
l’ensemble de la diplomatie occidentale,
et révélé, enfin, par défaut, les
turpitudes de l’opposition qui se
propose de prendre sa relève.. .. Du
cannibalisme, à la prédation des pubères
syriennes, au djihadisme erratique.
De «l’expédition punitive de Suez»,
en 1956, selon l’expression du premier
ministre socialiste de l‘époque Guy
Mollet, aux «mesures coercitives» contre
le Hezbollah, en 2006, selon
l’expression de Jacques Chirac le
pensionnaire posthume de son ami le
milliardaire saoudo libanais Rafic
Hariri, à la «punition» de l’expression
du placide socialiste François Hollande,
le lexique politique français abonde
d’expressions belliqueuses à l’égard de
leurs cibles de la sphère arabo
musulmane quand bien même les dernières
guerres post coloniales ont bénéficié de
la caution des pétromonarchies arabes,
qui apparaissent rétrospectivement, et
au vu de leurs performances, comme les
«meilleurs chiens de garde» des intérêts
occidentaux dans la zone arabo
musulmane.
L’expédition de Syrie intervient
alors que l’Amérique s’apprête à
finaliser son dégagement d’Afghanistan,
au terme d’une décennie meurtrière d’une
guerre mondiale contre le terrorisme,
qui a laissé exsangue la première
puissance planétaire de tous les temps,
avec une crise systémique de l’économie
occidentale (crise bancaire américaine
et crise systémique de l’endettement
européen), en vive compétition avec les
nouvelles puissances du monde
multipolaire du BRICS (Brésil, Inde,
Chine Russie, Afrique du Sud). Son
expéditif sous-jacent est d’aménager une
tête de pont, sur le modèle de Benghazi
durant le combat anti Kadhafi, en 2012,
qui permettrait le déploiement des
troupes occidentales sur le territoire
syrien sans l’aval de l’ONU, à l’effet
de propulser l‘opposition syrienne vers
le pouvoir, en vue de se dégager du
fardeau qu’elle représente.
L’intervention en Syrie a été
précédée par une manouvre de diversion
sur le flanc méridional de la Syrie, le
Liban, où une opération de
déstabilisation est engagée depuis deux
mois avec un double attentats dans le
secteur sud de Beyrouth, zone de
déploiement du Hezbollah, le principal
allié de Damas, et une tentative
d’infiltration de la brigade d’élite de
l’armée israélienne la brigade Golani
dans la zone frontalière
israélo-libanaise.
A ce jour jamais pris en défaut, le
Hezbollah a réussi jusqu’ici à déjouer
ces menées, se posant en acteur majeur
de l’équation régionale.
Surréalisme politique? Démocratie
factice ? Pur produit de sa politique de
«déstabilisation constructive»? … Tous
les nouveaux alliés de l’Occident dans
la sphère arabo musulmane se trouvent en
état de perfusion permanente de Hamid
Karzai, (Afghanistan) à Mahmoud Abbas
(Palestine) à Saad Hariri (Liban) à
Ahmad Jarba (Syrie), y compris les
pétromonarchies du golfe, principalement
l’Arabie Saoudite et le Qatar, parmi les
principaux foyers de la régression et de
la répression dans le Monde, les
principaux d’islamophobie dans le monde
et néanmoins les meilleurs amis des
«Grandes démocraties occidentales».
Tous droits réservés © René Naba • 2013
Reçu pour publication
Le sommaire de René Naba
Le dossier
Syrie
Les dernières mises à jour
|