Opinion
La métaphore de
Suez
René
Naba
Vendredi 5 juillet 2013
Egypte-néo-islamiste:
Retour sur la séquence Mohamad Morsi et
des néo islamistes arabes à l’ombre du
«printemps arabe»
I – La signification
symbolique de la destitution de la
statue de Nasser
Paris – La
destruction de la statue de Nasser à
Benghazi, acte fondateur du pouvoir néo
islamiste en Libye, en 2012, a constitué
la marque symptomatique du nanisme
politique d’une équipe sans légitimité,
ni charisme, parvenue au pouvoir à
Tripoli sous les ailerons des Tomahawks
américains. Indice d’une rare aberration
mentale, la destitution symbolique du
chef de file du nationalisme arabe a
traduit dans le même temps la haine
rance que les néo islamistes nourrissent
à l’égard d’un homme qui a relevé la
tête des Arabes et tenu en respect les
puissances occidentales pendant près de
deux décennies.
Nasser qui a scandé
le redressement arabe avec son
légendaire cri de ralliement « ارفع رأسك
يا أخي» Irfah Ra’sak Ya Akhi- Relève ta
tête mon frère», dont le charisme
enflammait les foules de la planète
bariolée au point de faire peser une
menace d’implosion du Commonwealth
britannique dans la foulée de
l’expédition de Suez.
Nasser, l’homme de
la fermeture du Canal de Suez, en 1956,
qui défiera le droit maritime
international pour couper le
ravitaillement énergétique de l’Occident
coupable d’alignement pro israélien.
Nasser passé à la postérité pour avoir
été l’homme du haut barrage d’Assouan,
qu’il construira avec l’aide soviétique,
bravant les foudres américaines pour
nourrir son peuple. Nasser, le
partenaire de la guerre d’indépendance
de l’Algérie, qui assumera sans broncher
les conséquences de son soutien à la
révolution algérienne: une agression
tripartite des puissances coloniales de
l’époque (France, Grande Bretagne) et de
leur poulain Israël lors de l’expédition
punitive de Suez en novembre 1956.
Nasser, enfin, dont les interlocuteurs
étaient des figures de légende: Chou En
lai (Chine), Ho Chi Minh (Vietnam),
Nehru (Inde), Josep Broz Tito
(Yougoslavie), Ahmad Soekarno
(Indonésie), Charles De Gaulle, avec
lequel il a procédé à la réconciliation
franco-arabe à la suite de la rupture de
Suez. Coutumiers du fait, les Frères
Musulmans se tromperont ainsi
constamment de cible et de trajectoire,
sacrifiant l’essentiel à l’accessoire,
au point d’apparaitre, sous une
hostilité apparente, comme le cheval de
Troie de l’Occident, la roue dentée de
la stratégie atlantiste en terre arabe
(1).
Nasser avait les
yeux rivés sur Tel Aviv, les Frères
Musulmans sur La Mecque, la City et Wall
Street. L’officier nationaliste
percevait Israël comme la principale
menace sur le Monde arabe et
privilégiait la solidarité pan arabe,
alors que les Frères Musulmans prônaient
la solidarité religieuse comme antidote
à la laïcité, occultant le fait
israélien. La confrérie, première
formation à avoir mené le combat contre
le colonialisme britannique en Egypte,
s’est ainsi ralliée aux pires ennemis de
son pays: l’Arabie saoudite, vassal des
ennemis de son pays, les Etats Unis et
la Grande Bretagne, en une
tragique déviation de trajectoire.
II- Gaza, le
baromètre du régime néo islamiste
égyptien et la Palestine le test de son
indépendance
Au pouvoir, les
Frères Musulmans se sont appliqués à
imposer d’autorité leur crédo sans
considération du nouvel environnement
régional et de la réalité des forces
internes. Sans prendre en compte les
profondes aspirations d’un peuple
frondeur et tombeur de la dictature et
les impératifs de puissance que commande
la restauration de la position de
l’Egypte dans le Monde arabe.
Sur fond de
concurrence avec la mouvance rivale
salafiste et d’opposition frontale avec
le camp laïc, l’épreuve de force s’est
révélée infiniment plus redoutable que
cinquante ans d’opposition déclamatoire
souvent à connotation sinon démagogique
à tout le moins populiste. Au terme d’un
an de pouvoir ponctué de violents heurts
avec la frange contestataire de la
population, le verdict est tombé sans
appel. Les Frères musulmans ont «renié
leurs engagements», tranchera Amira
Howeidy, le 3 avril, 2013, Rédactrice en
chef adjointe du Al-Ahram Weekly,
mettant en avant le comportement de
l’Egypte néo islamiste face à Gaza.
Fait sans pareil
dans les annales diplomatiques
internationales, l’Egypte continue
d’appliquer un accord périmé auquel elle
n’a pas souscrit. Signé entre Israël,
l’Union Européenne et l’autorité
palestinienne en 2005-2006 pour la
circulation des biens et des personnes
cet accord a été piétiné par deux
opérations militaires israéliennes de
grande envergure, le premier «Plomb
durci» en 2007-2008, le second en
novembre 2011, après la visite de l’Emir
de Qatar à Gaza et le ralliement du
Hamas au groupe des pays anti syriens.
Un accord d’autant plus périmé qu’il
s’est accompagné de l’arrestation du
tiers du parlement palestinien,
particulièrement des députés de la
branche palestinienne de la confrérie
sans la moindre protestation du Caire ni
des autres régimes néo-islamistes arabes
(Tunisie, Libye), indice du surréalisme
du nouveau pouvoir égyptien et de la
perte de souveraineté de l’Egypte et de
ses autres confrères.
Seul acteur
transnational de l’aire musulmane depuis
l’effondrement du bloc soviétique, la
confrérie se pose en équivalent de la
«démocratie chrétienne» en Europe
occidentale, Un parti politique à
soubassement religieux. Fer de lance de
l’Arabie, elle a mène un combat sans
relâche contre Gamal Abdel Nasser, chef
charismatique des Arabes auréolé d’une
authentique légitimité populaire, cible
d’une offensive occidentale sans
précédent dans le Monde arabe. A des
moments charnière de la confrontation
israélo-arabe, elle cherchera à
déstabiliser la Syrie, l’autre pays du
champ de bataille, la première fois en
1966, au moment du détournement des eaux
du Jourdain, la deuxième fois, en 1982,
avec la révolte de Hama, à quatre mois
de l’invasion israélienne du Liban en
vue d’y propulser le chef phalangiste
Bachir Gemayel à la magistrature suprême
libanaise. La levée de l’ostracisme qui
la frappait jusqu’à présent serait
destinée à s’assurer sa coopération dans
la stratégie américaine et à compenser
quelque peu l’impéritie des Etats-Unis
dans la zone, du fait de son impuissance
face à Israël en ce qui concerne le gel
de la colonisation et la relance des
négociations israélo-palestiniennes.
Le partenariat que
cherche à promouvoir les Etats-Unis avec
les Frères Musulmans ne résulte pas d’un
amour immodéré pour les Musulmans, mais
vise à livrer une compensation au rabais
des turpitudes antérieures à leur égard,
notamment en ce qui concerne la question
palestinienne. A assurer la pérennité de
l’économie du marché dans les pays
arabes, qu’ils jugent plus assurée par
les régimes islamiques que par un
système nationaliste contestataire avec
son cortège de syndicats et de
revendications professionnelles et
patriotiques. Un quitus en somme à son
combat contre les chefs de file du
nationalisme arabe anti américain.
L’accession de
Mohamad Morsi à la magistrature suprême
a considérablement modifié la donne
plaçant la confrérie en situation
paradoxale vis à vis de l’Arabie
saoudite, son incubateur et propulseur
en direction de l’Islam européen.
Premier dirigeant islamiste
démocratiquement élu dans le plus grand
pays arabe, Morsi est en mesure de
contester le leadership de la dynastie
wahhabite tant au niveau religieux via
l’Université Al Azhar, qu’au niveau
politique. En concurrence sur les deux
champs de son intervention, religieux et
politique. En phase de convalescence
égyptienne et de douloureuses
successions saoudiennes, la compétition
est vive entre les divers prétendants.
Tison américain planté sur le flanc de
l’Arabie et nouveau soutien financier
des Frères Musulmans en remplacement du
Royaume, le Qatar du même rite wahhabite
rêve de se substituer à la dynastie
saoudienne au leadership spirituel et
politique du Monde arabe sunnite.
Il en est de même
de la Turquie, principale bénéficiaire
de la destruction de l’Irak et de la
Syrie, qui se positionne comme nouveau
chef de file du Monde sunnite tout
court. Dans un spectaculaire
retournement d’alliance, les anciens
alliés de la dynastie se posent
désormais en postulants à la succession.
Le contentieux entre l’Arabie saoudite
et les Frères culmina à la fin des
années 1990, lorsque la confrérie a
damné le pion à l’Arabie au niveau de
l’islam européen et que le Hamas, sa
branche palestinienne, a rallié l’«axe
chiite» constitué par l’Iran, la Syrie
et le Hezbollah. Emboitant le pas à
l’Arabie, les autres pétromonarchies,
notamment les Emirats arabes Unis et le
Koweït maintiennent sous pression les
sympathisants de la confrérie sur leur
territoire de crainte d’un débordement.
Il en est de même de la Jordanie qui
redoute de faire les frais d’une
opération de déstabilisation résultant
d’une effervescence islamiste à l’effet
de faire du royaume hachémite la «patrie
de substitution» aux Palestiniens.
III- Al Qaida, un
double défi à l’Arabie saoudite et à
l’Egypte
Sur fond de vaste
recomposition du paysage politique
régional, de vive compétition entre
l’Arabie saoudite, l’Egypte et le Qatar
pour le leadership arabe, en phase
éruptive du Monde arabe, Al Qaida s’est
replacé dans le jeu depuis la terre des
ancêtres de son fondateur, Oussama Ben
Laden, le Yémen, adressant un magistral
pied de nez à ses anciens parrains.
S’implantant, une
décennie après l’apocalyptique raid
qu’il a commandité sur les symboles de
l’hyper puissance américaine, sur le
flanc sud du royaume saoudien dans un
combat retourné contre la dynastie
wahhabite visant au premier chef à
rétablir la légitimité de son chef
posthume et à redorer son blason au sein
du Monde arabe sur les lieux mêmes de
son immersion, la mer d’Oman, the
Arabian Sea. Houspillé pour sa fugitive
disparition à la suite de l’invasion
américaine de l’Afghanistan, en novembre
2001, à bord d’une moto conduite par son
borgne compère, le Mollah Omar, chef des
Talibans, le sous-traitant émérite de la
connivence saoudo américaine dans la
guerre antisoviétique d’Afghanistan
(1980-1989) s’est rappelé au bon
souvenir de ses anciens bailleurs en
faisant un retour signalé au Yémen, à
tout le moins ses disciples, se
replaçant en Arabie méridionale, à
l’épicentre de la connexion arachnéenne
du dispositif militaire et énergétique
américain, en bordure de la veine
jugulaire du système énergétique
mondial, à l’intersection des voies des
communications maritimes
internationales.
La «guerre oubliée
du Yémen» n’est pas si oubliée que cela,
en tout cas pas par tout le monde à en
juger par ses multiples protagonistes et
l’imposant dispositif militaire déployé
à sa périphérie. Ce pays qui fut le
champ d’affrontement égypto saoudien
dans la décennie 1960 pourrait
redevenir, par tribus interposées, le
terrain de confrontation des nouvelles
puissances régionales, l’Iran, d’une
part, l’Arabie saoudite soutenue par les
Etats-Unis d’autre part. Le
repositionnement d’Al Qaida a été opéré
dans cette optique-là. Situé à la pointe
sud-ouest de la péninsule arabique,
frontalier de l’Arabie saoudite au Nord,
et du Sultanat d’Oman, à l’Est, le Yémen
possède une façade maritime d’une
longueur de 1 906 km de côtes, faisant
la jonction entre la Méditerranée et
l’Océan indien via le canal de Suez et
le Golfe arabo-persique.
Jamais colonisé, ce
pays, placé selon son étymologie à
droite sur le chemin du pèlerinage de la
Mecque, couvre une surface de
527 970 km², soit presque autant que la
France. Via ses trois îles, -Kamran,
Perrin, et Socotra- il commande l’accès
à la mer Rouge par le détroit de Bab el-Mandeb,
et l’île de Socotra (la plus grande des
îles) dans l’océan Indien. Signe
de l’importance stratégique de la zone,
le Royaume Uni, du temps du protectorat
britannique sur l’Arabie du sud, avait
fait du port d’Aden, la grande ville du
sud Yémen, la place forte de la présence
britannique à l’Est de Suez pour la
sécurisation de la route des Indes.
L’implication d’Al
Qaida dans le conflit inter yéménite et
son environnement somalien a retenti
comme un camouflet à ses anciens
partenaires, l’Arabie saoudite et les
Etats-Unis, en même temps qu’elle
souligne la dérision de la stratégie
américaine dans son objectif majeur, «la
guerre mondiale contre le terrorisme»,
la mère de toutes les batailles.
Sur fond d‘épreuves
de force américano-iranien à
l’arrière-plan du contentieux nucléaire
iranien, Oussama Ben Laden, yéménite
d’origine, saoudien de nationalité
déchue, avait choisi de livrer bataille
sur la terre de ses ancêtres. De
porter, dans l’ordre symbolique, sa
bataille décisive contre la monarchie
saoudienne, qu’il considère comme un
renégat de l’islam, l’usurpateur
saoudien des provinces yéménites, dans
un combat retourné dont le terme ultime
devrait être le rétablissement de sa
légitimité, à tout le moins la
légitimité du label de son organisation
en perte de vitesse au sein du Monde
arabe. Avec paradoxalement en
observateur passif, à dividendes
possibles, l’Iran chiite, et, surtout,
la Russie évincée de Socotra, qu’il
combattit naguère en Afghanistan pour
cause d’athéisme.
IV – La
talibanisation du Sahel.
Un an après la
chute de Kadhafi, la zone sahélienne a
pris l’allure d’une zone de non droit de
4 millions de km2, fief de groupements
salafistes, qui auront mis à profit les
chaos libyen et malien pour sanctuariser
durablement la zone depuis le Nord du
Mali. La talibanisation de la Libye sur
le modèle Afghan, tant redoutée lors de
l’intervention atlantiste contre Tripoli
s’est ainsi réalisée, en fait, dans le
pays voisin, au Mali, un an plus tard.
Un périmètre, sous surveillance
électronique de l’aviation américaine
depuis leur base du Burkina Faso, vers
où convergent désormais les islamistes
du Sud du Niger, du Tchad et du Nigeria
(Boko Haram).
L’intervention de
la France au Mali, en janvier 2013, a
relevé d’une stratégie de défense du pré
carré africain, face à la politique de
grignotage menée tant par la Chine que
par le wahhabisme via les finances
islamiques (Qatar et Arabie Saoudite).
Première opération militaire en
solitaire sur un théâtre extérieur
depuis la fin de la Guerre d’Algérie, en
1962, la France, via Serval, y joue son
rang de puissance. Une cible
idéale en ce que Le Mali constitue le
plus grand pays musulman d’Afrique
occidentale, où la finance islamique y
prospère, alors que les Maliens depuis
une décennie se détournaient
progressivement de la France vers les
pétromonarchies et que la Chine jouit
d’un prestige certain du fait de sa
restauration du centre de documentation
islamique de Tombouctou. Si la France a
réussi à freiner le grignotage wahhabite
de ce secteur aux confins de u Mali, du
Niger et de l’Algérie, elle n’a pas pour
autant stabilisé ni sécurisé la zone,
faisant refluer le problème vers la
Libye, qui abrite désormais le QG
d’AGMI, point de ralliement et
d’encadrement des djihadistes de la zone
sahélo saharienne. Quatorze pays arabes
et africains auraient bénéficié du
pillage des arsenaux libyens à la faveur
de la chute du Colonel Mouammar Kadhafi,
alimentant aussi bien les djihadistes de
Libye, que de Syrie ou de Tunisie.
V- Le «surge» d’Al
Qaida en Syrie et le
percement du Canal Ben Gourion.
Si le déferlement
djihadiste en Syrie a permis à Al Qaida
d’opérer un rebond spectaculaire le
plaçant en fer de lance du combat contre
l’ultime pays laïc du Monde arabe, la
Syrie, le ralliement du Jobhat Al-Nusra,
la colonne vertébrale militaire de
l’opposition syrienne, à Al-Qaïda, ainsi
que son allégeance au successeur
d’Oussama Ben Laden, Ayman Al Zawahiri,
et sa fusion avec la branche irakienne
en vue de fonder un «nouveau califat» à
Damas, ont constitué un revers
stratégique majeur à ses anciens
parrains, les Etats-Unis et l’Arabie
saoudite, deux ans après l’assassinat de
Ben Laden, le 2 mai 2011, au Pakistan.
S’il a
provisoirement réduit la pression sur
l’Arabie saoudite, l’engagement massif
d’Al Qaida dans le pays qui fut le siège
du premier empire arabe, l’Empire
Omeyade, a augmenté les risques de
dissémination de terrorisme de basse
intensité dans les pays européens
d’accueil à forte immigration
arabo-musulmane, indice indiscutable de
l’échec de la guerre décennale contre le
terrorisme, symptomatique du
fléchissement des Etats Unis dans la
gestion des affaires du Monde. En
témoignent les négociations de Doha
entre Américains et talibans,
vainqueur a posteriori de la guerre
d‘Afghanistan.
Al Qaida et la
confrérie musulmane constituent les deux
seules organisations transnationales de
la sphère arabo musulmane, l’une à
vocation politique, l’autre à vocation
terroriste, c’est-à-dire vouée à exercer
une nuisance destructrice, jamais
constructive. Si Ben Laden a exonéré les
Occidentaux de leur dette d’honneur à
l’égard des arabo-musulmans et des
africains, en substituant la thématique
de la «guerre contre le terrorisme» au
seul vrai débat qui vaille la
contribution du monde arabo-musulman au
triomphe du camp occidental dans la
guerre froide soviéto-américaine et à la
libération de la France du joug nazi,
les Frères Musulmans au pouvoir dans
trois pays arabes (Egypte, Libye
Tunisie), équation incontournable en
Syrie et à Gaza, paraissent tétanisés
par le poids des contradictions que leur
comportement ambigu a suscité le long de
leur carrière entre connivence
souterraine avec le camp atlantiste et
dénonciation publique de leur politique
de soutien à Israël.
Deux ans après le
déclenchement du printemps arabe, alors
qu’Al Qaida et sa motrice formatrice,
les Frères Musulmans, multipliaient les
communiqués de victoire sur tous les
fronts arabes, au rythme des concessions
arabes sur le problème palestinien, sur
fond d’un paysage dévasté d’un champ de
ruines généré par la guerre mercenaire
menée par des Arabes contre des Arabes
pour le plus grand profit de leurs
ennemis communs, Israël et les
Etats Unis, le Sud Soudan et le
Kurdistan irakien étaient promus au rang
de plateformes opérationnelles
israéliennes sur les deux versants du
Monde arabe, en superposition à la
tenaille turque, avec une Palestine à
l’abandon, en état de décomposition
avancée, l’Irak, le Yémen, le Soudan, la
Libye et la Syrie étaient déchiquetés
par des guerres sectaires.
Le dernier sommet
arabe de Doha, en avril 2013, constitue
à cet égard un chef d’œuvre de
mystification. Brièvement tenu sous les
auspices du Qatar, le demiurge moderne
du Monde arabe, le sommet s’est borné à
proposer la création d’un fonds pour
Jérusalem d’un milliard de dollars,
auquel son émirat contribuerait à
hauteur de 250 millions. Pour «défendre
Al-Qods», le secteur arabe de Jérusalem,
troisième lieu saint de l’islam après La
Mecque et Médine, précisera Cheikh Hamad
Al Thani critiquant au passage «Israël
et ses agissement» son allié souterrain
dans l’étranglement financier de
l’autorité palestinienne via la
rétention des recettes douanières des
exportations de Cisjordanie.
Un milliard de
dollars pour Al Qods et rien pour
l’autorité palestinienne, alors que le
Qatar finance le mouvement islamiste
Hamas, grand rival de Mahmoud Abbas, qui
contrôle la bande de Gaza. S’agit-il de
marginaliser l’Autorité palestinienne,
pourtant reconnue par la communauté
internationale comme l’interlocuteur
d’Israël pour faire la paix au profit de
ses amis islamistes liés aux Frères
Musulmans?
Véritable pavé dans
la marre, la démission du premier
ministre palestinien Salam Fayyad a mis
à nu la réalité de l’Autorité
palestinienne et de toutes les
contradictions internationales et
locales dont elle est à la fois victime
et actrice en ce que Ramallah est
reconnue comme Autorité légitime, alors
que le président de l’Autorité Mahmoud
Abbas est sans mandat électif, que le
gouvernement quand bien même considéré
comme le seul interlocuteur de la
communauté internationale, est dans
l’illégalité totale depuis 2007 et que
Salam Fayyad a été installé au poste de
premier ministre par les bailleurs de
fonds internationaux, notamment les
Etats-Unis. Une vacuité politique,
juridique et financière, sans
légitimité….prélude au délitement de la
Palestine.
L’expérience de la
colonisation de la Palestine a conduit
Israël à coloniser des terres à travers
le Monde représentant vingt fois sa
superficie au détriment des populations
et de l’environnement des pays pauvres.
En République Démocratique du Congo pour
la culture de la canne à sucre; au Gabon
pour la culture du Jatropha, nécessaire
à la production de biocarburants; en
Sierra Leone où la colonisation
israélienne représente 6,9 pour cent du
territoire de ce pays de l’Afrique de
l’Ouest.
Pareille passivité
–connivence ?- a été observée à l’égard
de la Syrie lors des raids israéliens
dans la banlieue de Damas, en mai 2013,
en soutien à des opérations de
harcèlement djihadistes contre le
pouvoir central. Pas un état arabe ou
islamique n’a saisi le Conseil de
Sécurité pour des sanctions contre
Israël à la suite de cette opération qui
a fait près d‘une quarantaine de tués
dans les rangs de l’armée syrienne.
L’ultime pays du
champ de bataille contre Israël,
partenaire de l’Egypte dans trois
confrontations majeures contre l’état
hébreu, a été expulsé de la Ligue Arabe
par une coalition monarchiques de huit
pays abritant de bases militaires
occidentales (Arabie saoudite, Bahreïn,
Emirats arabes Unis, Jordanie, Koweït,
Maroc, Qatar, Oman) ainsi que de deux
confettis de l’Empire Djibouti et les
Comores), alors qu’israêl sans tirer le
moindre coup de feu accentuait son
emprise sur les ressources du Monde
arabe et su son pouvoir décisionnaire.
VI-La bataille des
eaux du Nil et Le Canal Ben
Gourion (8).
L’épisode de la
répartition des eaux du Nil et de la
sécession du Sud Soudan auront constitué
la plus grosse pantalonnade de
l’histoire égyptienne contemporaine.
Pour atteindre cet objectif, Israël
avait mené une stratégie à double
détente qui révélera la cupidité des
investisseurs égyptiens et coutera le
pouvoir à Moubarak et sa place dans
l’histoire. Israël avait négocié avec
l’Egypte, tout en faisant des pressions
indirectes sur lui, incitant les états
africains à réclamer une majoration de
leur quote-part dans la répartition
hydraulique du cours d’eau, alléchant
les Africains par des projets
économiques et les investisseurs
égyptiens par des promesses
d’intéressement aux projets israéliens.
En Ethiopie, Israël a financé la
construction de dizaines de projets pour
l’exploitation des eaux du Nil Bleu.
L’accès d’Israël au périmètre du bassin
du Nil, via le sud Soudan avec le
concours français et américain, s’est
doublé de la mise en route de la
construction d’un Canal reliant la Mer
Rouge à la Mer Méditerranée, depuis
Eilat.
Disposant de deux
voies de navigation, l’un pour l’aller,
l’autre pour le retour, le canal
israélien, contrairement à l’Egyptien
concurrencera fortement le Canal de Suez
et entrainera une perte de 50 pour cent
des recettes égyptiennes de 8 milliards
de dollars par an à 4 milliards. D’un
cout de 14 milliards de dollars, il sera
financé par un prêt de trois banques
américaines, à faible taux d’intérêt
(1%) sur trente ans. 150.000 ouvriers
majoritairement d’Asie, principalement
de Corée du Sud, participeront aux
travaux de construction qui dureront
trois ans. Plus long de 50 mètres que
son rival égyptien, le canal israélien
pourra absorber les plus grands bateaux
du monde (longueur 300 mètres, largeur
110 mètres). Sur fond de guerre de
religion de l’Islam wahhabite contre la
dissidence musulmane, sous couvert de
«Printemps arabe», (Syrie, Mord Mali),
un tel projet pourrait constituer, à
n’en pas douter, sinon un Casus Belli, à
tout le moins un désastre économique
majeur pour l’Egypte et entrainer sinon
une rupture des relations diplomatiques,
à tout le moins une glaciation durable
des rapports entre les deux pays.
Israël proposerait
à la Jordanie d’aménager des sites
touristiques sur la voie d’eau afin de
neutraliser une éventuelle réaction de
la part du deuxième pays arabe
signataire d’un traité de paix avec
Israël. Sur les berges du canal
israélien seront aménagées des sites
touristiques avec hôtels de luxe, lieux
de distraction en vue d’en faire un
gigantesque complexe touristique dont le
périmètre sera placé sous haute
surveillance électronique avec détection
Laser. Le Qatar avait auparavant proposé
à l’Egypte de lui louer le Canal de Suez
pour cinquante ans pour la somme de
cinquante milliards de dollars afin de
renflouer l’économie égyptienne, à
charge pour le Qatar d’assurer la
sécurité de la navigation, notamment la
péninsule de Sinaï des attaques
terroristes et de rassurer ainsi les
israéliens.
La protection du
Canal et de la Péninsule du Sinaï devait
être assurée par des compagnies
militaires privées. La principauté avait
fait la même offre à la Russie de leur
louer leur base de Syrie et de les
placer sous la protection de l’Armée
Libre de Syrie, en échange de
l’infléchissement de leur position
dans le conflit de Syrie. Le Qatar se
proposait de déployer Black Water, les
mercenaires américains qui se sont
illustrés en Irak, pour cette tâche. En
fait l’Egypte perdrait sa souveraineté.
L’idée en a été soufflée par les israélo
américains et viserait à empêcher
l’Egypte de déployer des troupes
supplémentaires, notamment une aviation
dans le Sinaï. Mais le projet
battait de l’aile car depuis la 2 me
attaque israélienne contre Gaza
(Novembre 2012) et le rôle joué par
l’Egypte, les Américains étaient
satisfaits du rôle de prestataire de
service du président égyptien Mohamad
Morsi. Youssef Al-Qaradawi, le
prédicateur médiatique, avait d’ailleurs
menacé l’Egypte de lui couper une aide
de 20 milliards de dollars promise en
cas de mise en échec de Morsi par le
protestataire anti constitution.
Nasser avait les
yeux rivés sur Tel Aviv, le néo
islamisme djihadiste pétrolier rêve d’un
califat, alors qu’Israël doté du feu
nucléaire, d’un dôme d’acier anti
missiles, de cinq sous-marins fournis
par l’Allemagne, de deux plateformes
opérationnelles au cœur du Monde arabe,
au sud Soudan, sur le parcours du bassin
du Nil, au Kurdistan irakien, à la
charnière du monde arabo-turco-iranien,
a parachevé la phagocytose de la
Palestine transformée en lambeaux,
entreprenant une colonisation des terres
d’une superficie vingt fois supérieures
à son territoire originel, réussissant à
détourner partiellement les quotas
hydraulique du Nil au bénéfice de ses
alliés, démarche ultime avant l’estocade
finale la construction d’un canal rival
au Canal de Suez et la reconnaissance
d’Israël comme «Etat Juif», verrouillant
toute revendication future des
Palestiniens à un hypothétique «Droit au
retour» sur la terre de leurs ancêtres.
Nasser avait les
yeux rivés sur Tel Aviv, quand ses
successeurs, les islamistes revanchards
destituaient sa statue en Libye, que
Youssef Al Qaradawi, le prédicateur de
l’Otan, implorait les Américains de
bombarder la Syrie, tournant le dos à
leur histoire nationale à la quête d’un
passé mythique, sans doute
problématique, alors que les combattants
palestiniens de Syrie prenaient en otage
des Casques Bleus de l’Onu à la
frontière syro israélienne, plutôt que
de se lancer dans un combat visant la
libération de leur terre natale que le
Hamas, bénéficiaire de l’hospitalité
active de la Syrie pendant seize ans,
s’alliait avec Al Qaida pour s’emparer
du contrôle de camp Yarmouk dans la
banlieue de Damas pour en faire un
vivier de combattants anti-régime
baasiste, troquant une alliance
stratégique pour une nouvelle alliance
sur une base sectaire, le sunnisme
wahhabite, et son alignement sur les
pétromonarchies, les vassaux des
Etats-Unis.
Indice d’une
défragmentation mentale absolue, sans
pareille dans les annales des relations
internationales, dont les vassaux
wahhabites de l’Amérique, l’Arabie
saoudite et le Qatar, en portent
la très lourde responsabilité.
Tous droits réservés © René Naba • 2013
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