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Blog René Naba
Face
à son destin, George Bush au Moyen-orient en janvier 2008
René Naba
Paris le, 4 janvier 2008
Face à son destin, George Bush retourne le 8 janvier au
Moyen-orient pour négocier sa place dans l’Histoire, en tentant
d’impulser une nouvelle dynamique de Paix israélo-palestinienne,
alors que le compte à rebours de son départ du pouvoir a commencé
avec les primaires électorales de l’Iowa le 3 janvier dernier.
Sur le terrain de ses forfaits où il n’était plus revenu
depuis le lancement de la feuille de route, il y a cinq ans, le Président
américain va prendre la mesure de ses échecs et des ses désillusions.
Conjurer le sort, en somme, pour que ce gâchis ne le catapulte
dans l’Histoire comme le pire président des Etats-Unis.
Cinq ans après le lancement de la feuille de route, dans la
foulée de l’invasion américaine de l’Afghanistan, en 2001 et
des préparatifs visant à l’invasion américaine de l’Irak,
en 2003, le «Grand Moyen-orient», le projet phare de
l’administration néo-conservatrice, est un champ de ruines:
-L’Irak s’est mu en cimetière de la puissance américaine
et l’Iran, par effet d’aubaine, en puissance régionale de
fait, devenant du coup le «Nouveau Ennemi Public Numéro Un» de
la diplomatie américaine susceptible donc d’une offensive
militaire.
-Son supplétif Kurde, la cible de l’aviation de son meilleur
allié musulman, la Turquie,
-Le Liban, le point de fixation traumatologique du mythe de
l’invincibilité militaire israélienne, le lieu de
carbonisation du fer de lance de l’axe saoudo-américain,
l’ancien premier ministre sunnite Rafic Hariri,
-L’Etat palestinien, la pilule dorée magique de la
diplomatie occidentale, réduit à sa portion congrue
cisjordanienne,
-Gaza, promu en Hamasland, fief du nouveau radicalisme
palestinien,
-Alors que ses partenaires de la zone, Noury Al-Malki (Irak),
Mahmoud Abbas (Palestine), Fouad Siniora (Liban) et Ehud Olmert
(Israël) sont maintenus sous perfusion permanente et les
autocrates arabes, le Roi Abdallah d’Arabie saoudite, le président
égyptien Hosni Moubarak, le colonel Mouammar Kadhafi de Libye, le
président tunisien Zineddine Ben Ali, notamment confortés dans
leurs postes.
L’autre volet de la politique américaine, à l’autre extrémité
de l’arc de crise, en Afghanistan, «la Guerre contre le
terrorisme» bat aussi de l’aile avec la persistance de la guérilla
taliban, contre le Président Hamid Karzaî ironiquement dénommé
«Le Maire de Kaboul», dans une illustration caricaturale de sa
zone de compétence et surtout l’assassinat de Benazir Bhutto,
le plus cinglant désaveu de la politique américaine à l’égard
de l’Islam asiatique depuis les attentats anti-américains du 11
septembre 2001.
Au terme d’un arrangement conclu entre le président
pakistanais Pervez Mucharraf et les Etats-Unis, Benazir Bhutto, héritière
de la plus puissante dynastie politique pakistanaise, devait
servir de caution démocratique à une junte militaire,
tortionnaire de son père Zulficar Ali Bhutto, mort par pendaison.
L’assassinat de l’enfant chérie des Américains six
semaines après son retour d’exil à Rawalpindi même, siège de
l’Etat-Major pakistanais et des services de renseignement, dont
la redoutable ISI (Inter Services Intelligence), qui fut, de
surcroît, l’ancienne capitale du Pakistan à l’époque où
Zulficar Ali Bhutto exerçait ses responsabilités de chef du
gouvernement, a conféré un retentissement supplémentaire à ce
désastre majeur de la diplomatie américaine d’une ampleur
comparable à l’assassinat de l’ancien président égyptien
Anoir el Sadate (1981), voire du chef afghan le commandant Massoud
Shah, quelques jours avant les attentats de septembre 2001, ou même
du Président éphémère du Liban Bachir Gemayel (1982) dans la
foulée du siège de Beyrouth par l’armée israélienne ou de
l’ancien premier ministre libanais Rafic Hariri (2005).
En Israël et en Palestine, au-delà de ses interlocuteurs désignés,
Ehud Olmert et Mahmoud Abbas, et à contre-courant de ses alliés
électoraux, les conseillers de l’ombre, notamment le vice-président
Dick Cheney et la cohorte du christianisme sioniste, George Bush
va s’employer à purger ses fantômes, l’expression
synecdoquetique de l’impasse américaine: Ariel Sharon et Yasser
Arafat, l’ancien premier ministre israélien, son partenaire
activiste dans la politique de force unilatéraliste, qu’un coma
biologique a propulsé symboliquement dans un coma politique, et,
le chef du Mouvement National Palestinien qu’un confinement
hideux a magnifié dans la mort.
Ariel Sharon, point de déroutement de la politique israélienne
qu’aucun dirigeant occidental n’a plus jamais mentionné
publiquement dans son discours officiel deux ans après le début
de son coma et Yasser Arafat, point de recueillement de la mémoire
palestinienne,
Dans un geste qui apparaît comme un brutal sursaut d’un
sommeil dogmatique, George Bush a relancé le 27 Novembre 2007 les
pourparlers de paix à Annapolis (Maryland), au siège de l’Académie
navale américaine, incitant ses amis --les généreux donateurs
arabes déconsidérés et ses alliés occidentaux déconfis dans
la mésaventure irakienne--, à débloquer 7,5 milliards de
dollars (sept milliards et cinq cents millions de dollars) à la
Palestine, Cette somme excède de deux milliards de dollars la
requête initiale palestinienne.
Mais cette générosité inhabituelle, jamais vu dans les
annales diplomatiques internationales s’agissant d‘une demande
arabe, est destinée en priorité à maintenir à flot une autorité
palestinienne exsangue ayant donc vocation à souscrire au nouvel
arrangement américain en préparation, mais en en butte à une sérieuse
concurrence de son rival idéologique le Hamas, qu‘il importe
pour les Occidentaux et leurs alliés régionaux, de vaincre non
par les armes, mais par une apparence d’abondance, la forme
sournoise de la prévarication par l’assistanat.
Nul n’a été dupe. Nul n’est dupe de cet élan de générosité
dont le principal bénéficiaire en sera Israël, la puissance
occupante, dont le quadrillage militaire contrôle l’espace aérien,
terrestre et maritime du Bantoustan palestinien, de même que son
espace douanier et marchand, le déplacement de sa population et
de ses responsables politiques, sa main d’oeuvre, ses
exportations, son ravitaillement hydroélectrique et alimentaire,
en somme tout l’espace vital de la Palestine (1) avec la
complicité des Occidentaux et la passivité des régimes arabes
alliés de l‘Amérique.
Une semaine après la conférence des pays donateurs de Paris,
le gouvernement israélien a ordonné, le 24 Décembre, la veille
de la fête de Noël, la construction de 750 logements complémentaires
dans les territoires palestiniens occupés. Une mesure
manifestement illégale qui grignote de surcroît un peu plus le
futur Etat croupion palestinien que les Occidentaux veulent édifier
en guise de solde de tout compte sur une superficie représentant
20 pour cent de la totalité du territoire de l’ancienne
Palestine du Mandat britannique.
Quatre cent cinquante barrages (450) et cent trente cinq
colonies sauvages (135) ont été illégalement développées dans
les territoires palestiniens par les autorités d’occupation
israélienne, gangrenant l’espace vital palestinien, étranglant
son économie, asphyxiant sa population et rompant sa continuité
territoriale, sans compter le nouveau « Mur de Brandebourg»
construit autour de Jérusalem, déclaré lui aussi illégal par
la Cour de Justice Internationale.
Mais nul au sein de la communauté des pays occidentaux ne
s’est hasardé, --ou n’a osé--, sinon à condamner à tout le
moins à commenter cette mesure qui signe manifestement l’arrêt
de mort de la conférence d’Annapolis.
Nul, pas plus George Bush, que Nicolas Sarkozy, le successeur
de Tony Blair dans sa fonction de compagnon d’infortune du président
américain, le nouveau petit génie de la diplomatie
internationale, vacancier de luxe en croisière sur le Nil, trop
bercé par les susurrements de sa nouvelle Dame de cœur pour dénoncer
cette atteinte manifeste au Droit International, contraire au
processus de Paix et à l’Esprit d’Annapolis (2).
1- cf à ce propos les deux plus récents ouvrages sur
la question :
-«Israël confronté à son passé» de Sébastien Boussois,
Editions de l’Harmattan-Décembre 2007.
-«Comment Israël expulsa les Palestiniens (1947-1949), les révélations
des Nouveaux Historiens», Les Editions de l’Atelier-Novembre
2007- de Dominique Vidal, Historien et Journaliste du Monde
diplomatique, et Sebastien Boussois, politologue, Directeur de la
collection «Reportages» aux Editions du Cygne.
2- Rendons justice à M. Nicolas Sarkozy: le président français
a mentionné la question générale des colonies sauvages israéliennes,
d’une manière incidente, au cours d’une conférence de presse
qui a suivi la fin de son somptueux séjour privé en Egypte, le
30 décembre 2007, une semaine après la décision israélienne.
En réponse à une question d’un journaliste qui mettait en
question la fiabilité de la diplomatique française dans les pays
arabes du fait de sa partialité pro-israélienne, Nicolas Sarkozy
a commencé par prononcer les premiers termes du mot «colonie»
avant de se rétracter pour mentionner les « implantations, comme
un obstacle à la paix ». La nuance est révélatrice: une
colonie renvoie au colonialisme et au fait qu’Israël est une «puissance
occupante» ce qu’il est effectivement au regard du Droit
International, mais que ne se résout pas à admettre M. Sarkozy,
alors qu’une implantation suggère plutôt une opération de
chirurgie esthétique, à l’exemple d’une implantation
mammaire, comme pour atténuer la caractère hideux de la
colonisation rampante du secteur arabe de Jérusalem et de la
Cisjordanie, une opération qui s’apparente par son ampleur à
de la spoliation.
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Publié le 4 janvier 2008 avec l'aimable autorisation de René
Naba
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