Opinion
Syrie: Des dangers d’une lecture
occidentaliste des soulèvements dans le
Monde arabe
René
Naba
René Naba
Lundi 3 octobre 2011
Loin de moi toute polémique, mais
gardons nous d’une lecture
occidentaliste des soulèvements
populaires dans le Monde arabe.
Si la critique est nécessaire pour le
bon fonctionnement de la démocratie, une
pédagogie politique des peuples commande
que la critique porte sur tous les
aspects du problème, dont une lecture
fractale pointera immanquablement les
tortuosités du discours dominant
occidental.
Primo: Au delà des vives critiques
fondées sur les tares du pouvoir syrien,
la déstabilisation de la Syrie vise à
compenser le basculement de l’Egypte
dans le camp de la contestation arabe et
à rompre la continuité stratégique entre
les diverses composantes de l’axe de la
résistance à l’hégémonie
israélo-américaine en coupant les voies
de ravitaillement du Hezbollah au sud
Liban.
L’effet secondaire est de détourner
l’attention sur la phagocytose de la
Palestine par Israël avec la complicité
des états occidentaux. Israël et la
Syrie ne partagent pas le même intérêt.
L’Etat hébreu cherche à constituer une
ceinture d’états vassaux sur son
pourtour, la Syrie à se dégager du nœud
coulant glissé autour de son cou pour la
forcer à la reddition.
Deuxio: La Syrie et l’Irak
constituaient les deux seuls états du
Monde arabe animés d’une idéologie
laïque. L’Irak a été démantelé par les
Américains avec pour conséquence la
constitution ‘une enclave autonome pro
israélienne dans le Kurdistan irakien,
le schéma qui a préludé au démembrement
du Soudan avec la constitution d’une
enclave pro israélienne au sud soudan,
sur le parcours du Nil. Il sera par la
suite plus aisé de dénoncer
l’intolérance des pays arabes du fait de
leur intégrisme présumé.
Tertio: La libre détermination des
peuples est un droit sacré inaliénable.
Cela doit s’appliquer en Syrie, comme en
Palestine. Cautionner, en juillet à
Paris, avec Bernard Henri Lévy, le fer
de lance de la campagne médiatique pro
israélienne en Europe, une conférence de
l’opposition syrienne, discrédite les
participants et jette un voile de
suspicion sur leurs objectifs, au même
titre que l’alliance du parti islamiste
«Al-Tharir» au nord Liban avec le chef
de file des milices chrétiennes
libanaises Samir Geagea, le plus solide
allié des Israéliens au Liban .
Quarto: La succession dynastique doit
être prohibée. Mais ce principe doit
s’appliquer sans exception à Bachar Al-Assad,
certes, mais aussi à Saad Hariri, qui a
succédé à son père Rafic Hariri, sans la
moindre préparation, à la tête d’un pays
situé à l’épicentre du Moyen orient. A
Ali Bongo dont la France a truqué les
élections pou favoriser a propulsion à
la tête de l’état gabonais. A Amine
Gemayel, élu à l’ombre des blindés
israéliens en remplacement de son frère
assassiné Bachir, lui même élu à l’ombre
des blindés israéliens. A Nicolas
Sarkozy qui a veillé à propulser son
fils Jean à la tête de l’EPAD (Hauts de
Seine). A Hosni Moubarak qui se
préparait à passer la main à son fils
Jamal, avec la bénédiction des
occidentaux dont Sarkozy saluera le
courage de son départ, sans le moindre
mot pour la courageuse lutte du peuple
palestinien.
Cinquo: Faire le procès de la perte
du Golan au régime syrien est un
argument d’une indigence pitoyable, un
procès de mauvaise foi. La disproportion
des forces est patente entre Israël,
première puissance nucléaire du tiers
monde, de surcroît inconditionnellement
soutenue par les Etats-Unis, la première
puissance militaire de l’époque
contemporaine, face à un pays, la Syrie,
qui fait l’objet de tentatives
répétitives de déstabilisation
particulièrement de la part de ses
frères arabes (le coup d’état du colonel
Salim Hatoum, en Syrie, financé par
l’Arabie saoudite, est intervenu en
1966, en pleine phase de détournement
des eaux du Jourdain par Israël et la
révolte de Hamas en 1982 est intervenue
en 1982, à cinq mois de l’invasion
israélienne du Liban, une opération
destinée à propulser les frères Gemayel
à la magistrature suprême libanaise.
Sexto: Se placer sous l’égide la
Turquie relève d’une tragique
méconnaissance des réalités régionales
lorsque l’on sait que la Turquie a été
le principal allié stratégique d’Israël
pendant un demi siècle, tétanisant le
monde arabe par une alliance de revers
avec l’état hébreu.
In fine, le dignitaire religieux
syrien qui s’étonne des infiltrations
d’armes devrait lire un plus assidument
la presse libanaise pour recenser le
démantèlement, en deux mois, de quatre
réseaux de contrebande d’armes du Liban
via la Syrie, par mer ou par terre, par
des réseaux des milice chrétiennes, ou
des partisans du parti Al Mostaqbal, le
parti de Saad Hariri.
Gageons que si la Syrie souscrivait à
un règlement de paix avec Israël, dans
des conditions avilissantes pour elle,
elle retrouverait grâce aux yeux des
occidentaux, particulièrement de Nicolas
Sarkozy en voie de carbonisation et de
Barack Obama, en voie de pantinisation.
© René Naba
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