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RIA Novosti
La
partition de l'Irak proposée par les États-Unis
Piotr Gontcharov
Photo RIA Novosti
10 octobre 2007
Le règlement du problème irakien proposé par les sénateurs
américains évoque le scénario bosniaque. Le fait est que le Sénat
américain a approuvé, fin septembre, une résolution préconisant
la division de l'Irak en trois entités selon les indices
religieux et ethnique.
La résolution propose de créer trois enclaves en Irak :
chiite dans le Sud, sunnite au centre et kurde dans le Nord avec
la capitale Bagdad pour centre fédéral. Bagdad se bornera à
assurer la sécurité aux frontières extérieures de la fédération
irakienne et à gérer les recettes pétrolières. La capitale
transmet la majeure partie des compétences administratives et étatiques
aux entités fédérales.
A première vue, l'idée est bonne, d'autant plus que le projet
de nouvelle constitution de l'Irak qui sera soumise au référendum
prévu pour le 15 octobre, stipule le principe de la Fédération.
Bien plus, comme l'a fait savoir récemment le journal irakien
Al-Sabah, selon les résultats d'un sondage d'opinion réalisé
par le Centre irakien de développement du dialogue international,
la majorité des Irakiens ont l'intention d'approuver le projet de
nouvelle constitution lors de la prochaine consultation populaire.
Mais, malgré cela, les parlementaires américains restent les
otages de leurs illusions sur le problème irakien. Dans la
situation actuelle en Irak, les objections relatives à la création
d'une fédération sont nombreuses, et les Etats-Unis devraient en
tenir compte.
Par exemple, la récente approbation de la résolution du sénat
américain par le président irakien Jalal Talabani (Kurde) est
plus susceptible d'accroître la tension dans le pays que de
conduire à la concorde, car le premier ministre du pays Nouri
al-Maliki, chiite, qui a plus de pouvoirs que Jalal Talabani,
s'est prononcé catégoriquement contre la résolution.
Le parlement irakien y est également hostile. Bien plus,
plusieurs partis sunnites et, l'essentiel, chiites se sont opposés
à l'idée de la fédération. En fait, la fédéralisation n'a été
approuvée que par les Kurdes qui vivent dans les régions Nord où
sont concentrées les principales réserves de pétrole.
Le plan de séparation du Sud chiite du centre sunnite de
l'Irak est également contestable. La Maison Blanche aurait dû,
semble-t-il, tirer les leçons du problème balkanique du point de
vue de la compatibilité ou, au contraire, de l'incompatibilité
confessionnelle. Il est évident que l'équilibre établi entre
les différentes confessions dans n'importe quel pays est une
structure tellement fragile qu'une solution imprudente suffit pour
qu'elle soit interprétée comme une atteinte aux intérêts d'une
partie au détriment de l'autre. Il est peu probable que les
sunnites, maîtres d'hier du pays, qui seront privés des ports
maritimes dans le Sud et du pétrole dans le Nord du pays
acceptent cette clause de la résolution américaine, bien qu'elle
prévoie le versement de 20% des recettes provenant des ventes de
pétrole au budget fédéral de l'Irak.
En ce qui concerne le Sud chiite de l'Irak, tant la Maison
Blanche que ses alliés dans le golfe Persique considèrent avec
circonspection l'Iran chiite. Washington, de même que Riyad,
Amman, Koweït, etc., ainsi que Bagdad, craignent que le Sud de
l'Irak ne se transforme, dans certaines circonstances, en
protectorat de l'Iran. Les spéculations ne manquent pas à ce
sujet, de même qu'à propos des plans de partition de l'Irak élaborés
par les Etats-Unis.
Enfin, aucun Etat voisin de l'Irak, notamment les pays du
Golfe, n'a soutenu l'idée de la fédéralisation. On comprend
maintenant pourquoi, si l'idée est bonne, elle représente un
danger, du moins, en ce moment. En effet, il suffit de soulever le
problème de l'autonomie kurde au sein de la fédération
irakienne pour que ses répercussions atteignent les régions où
vivent traditionnellement les Kurdes en Turquie, en Syrie et en
Iran. Il est déjà évident que, si ce plan est mis en oeuvre,
ces Etats seront entraînés dans des situations désagréables.
Heureusement, la résolution adoptée par les sénateurs américains
n'est pas contraignante. Non seulement pour l'Irak, mais aussi
pour l'administration américaine. C'est un amendement au projet
de loi sur la politique militaire des Etats-Unis, et rien ne
garantit que l'administration l'accepte. Si elle donne son aval,
on peut être certain qu'une croix sera mise sur le plan du général
David Petraeus de retrait de 30.000 soldats américain d'Irak
d'ici l'été 2008.
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur.
© 2007 RIA
Novosti
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