RIA Novosti
Pakistan:
entre dictature et chaos
Piotr Gontcharov
Photo RIA Novosti
8 novembre 2007
Le président Pervez Musharraf a proclamé l'état d'urgence en
agissant par anticipation. Les opposants au chef de l'Etat ne lui
ont en fait pas laissé le choix: ou bien une dictature, ou bien
une démocratie fragile caricaturale et aux conséquences imprévisibles.
Pervez Musharraf n'a pas péché contre la vérité en déclarant,
dans son message à la nation, que "la menace pour la démocratie
s'accroît si l'on ne prend pas de mesures opportunes".
D'autant plus que ses arguments en faveur de ces mesures ne
doivent susciter aucun doute, le système de direction de l'Etat
étant paralysé à cause des conflits juridiques et du regain
d'activité des islamistes radicaux. La situation est aggravée
par les lourdes pertes essuyées par les troupes au cours des récents
affrontements contre les islamistes radicaux.
Tout ce que dit Pervez Musharraf est vrai. Premièrement, la
Cour suprême fait traîner en longueur la validation de sa
victoire remportée lors de l'élection présidentielle du 6
octobre. Le procès de la contestation des résultats de l'élection
a été intenté par la Cour elle-même. Elle tente d'établir si
la réélection de Pervez Musharraf est juridiquement légitime,
car il cumule ses fonctions de président avec celles de chef d'état-major
des troupes terrestres (en fait commandant en chef). En réalité,
on est en présence d'une casuistique juridique. D'après la
constitution, le mandat de Pervez Musharraf (y compris celui de
commandant en chef des troupes terrestres) expire le 15 novembre,
de même que le délai du travail des deux chambres du parlement
et des assemblées de provinces. Mais la Cour suprême a reporté
les audiences au 12 novembre, or il est peu probable que les juges
puissent rendre leur verdict définitif en trois jours.
Concernant l'autre problème - renforcement des positions des
islamistes dans le pays - il suffit de rappeler la prise de la
Mosquée rouge en juillet par ces derniers. Cela témoigne, une
fois de plus, du renforcement des positions de l'alliance des
groupements religieux extrémistes qui se prononcent pour
l'introduction de la loi de la charia dans le pays.
Les tendances séparatistes s'accentuent dans les régions
limitrophes de l'Afghanistan traditionnellement instables et au
Waziristân du Sud. Les autorités pakistanaises ont été
contraintes de lancer une opération de grande envergure en y
envoyant 2.500 militaires, des hélicoptères et du matériel de
guerre.
La menace du radicalisme islamique est évidente. Les actes
terroristes commis dans le pays ont fait plus de 800 morts rien
que ces derniers mois. Que doit faire le président Pervez
Musharraf, garant de la sécurité de l'Etat et de ses principes
laïques, dans cette situation?
Dans l'ensemble, le régime laïque de Pervez Musharraf arrange
la communauté internationale, en particulier parce qu'il garantit
l'inaccessibilité des armes nucléaires aux radicaux islamistes
et exclut ainsi l'accès éventuel des terroristes internationaux
à ces armes. C'est en fait ce que soulignent tous les experts
chaque fois qu'il y a une déstabilisation, même insignifiante,
de la situation au Pakistan.
Enfin, le maintien du pouvoir de Pervez Musharraf est une sorte
de gage de stabilité relative dans la région, ce qui intéresse
beaucoup l'Inde, la Chine, l'Afghanistan, l'Iran, les Etats d'Asie
centrale, la Russie, etc.
Mais le président saura-t-il rester au pouvoir? Cela dépend
beaucoup de la position de Washington. En effet, les Etats-Unis
permettront-t-il à l'ancienne première ministre Benazir Bhutto,
qui dirige le Parti du peuple pakistanais (PPP), la force
politique la plus influente du pays, et à l'élite militaire
nationale de faire front contre Pervez Musharraf, en l'amenant à
démissionner de son plein gré? C'est une variante peu probable.
L'histoire témoigne qu'il n'existe pas de force dans le pays,
mise à part l'armée, capable d'assurer la stabilité et de
conserver le Pakistan en tant qu'Etat.
Pervez Musharraf n'a pas transigé avec sa conscience en déclarant
que l'état d'urgence était dans l'intérêt de la souveraineté
du Pakistan. Par conséquent, dans le cas où le chef actuel de l'Etat
serait remplacé (sous la pression des forces islamistes ou
d'autres forces d'opposition) par un président civil, un nouveau
coup d'Etat militaire serait inévitable et il serait de nouveau
dans l'intérêt du Pakistan. Faut-il vraiment remplacer le président-général
par un général-président?
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur.
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Novosti
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