Opinion
L'Amérique
soutient Al-Qaïda, mais le régime reste
"soudé",
selon des experts occidentaux
Pierre
Khalaf
Section du
Jabhat an-Nusra à Damas (extrait d’une
vidéo du groupe)
Lundi 17 décembre
2012
L'administration américaine est
impliquée jusqu'au cou dans le soutien
aux groupes affiliés à Al-Qaïda, qui
combattent l'Etat laïc syrien et son
armée nationale, bâtie sur la doctrine
de la lutte contre Israël, le terrorisme
et la violence communautaire.
Les stratégies américaines dans la
région du Mashreq arabe sont
principalement motivées par l'hostilité
à toute tendance libératrice arabe,
visant à jeter les fondements de
l'indépendance nationale et engagée dans
la lutte contre l'hégémonie sioniste.
Dans le front complexe et varié mis en
place par les Américains, Al-Qaïda et
ses ramifications semblent s'être
transformées en outil de division et de
terrorisme soutenu par l'Occident. Son
but est de détruire le tissu social des
peuples arabes en répandant la violence
et la terreur, couplées d'une culture de
discorde confessionnelle, en
transformant une contradiction virtuelle
et illusoire en contradiction
principale.
Les positions exprimées dernièrement par
différents groupes de l'opposition
syrienne, y compris lors de la
conférence dite des "Amis de la Syrie",
à Marrakech, montrent clairement
qu'Al-Qaïda n'est pas un simple détail
du paysage syrien. Les condamnations de
la décision américaine d'inscrire le
Front al-Nosra sur la liste des
organisations terroristes prouvent
l'existence de liens organiques entre
Al-Qaïda et la plupart des vitrines
politiques de l'intérieur et de
l'extérieur de la Syrie. Ce schéma
rappelle étrangement la politique
américaine en Afghanistan, lorsqu'elle
avait ouvertement et directement soutenu
le réseau Al-Qaïda. Aujourd'hui,
l'administration US mise sur un
compromis avec cette organisation avant
le retrait de ses troupes de ce pays,
bien que les expériences proches et
lointaines prouvent qu'Al-Qaïda possède
son propre agenda et que les accords
avec elle ne sont pas garantis. Surtout
qu'elle sait très bien exploiter à son
avantage les équilibres internationaux
et régionaux pour servir son plan
terroriste mondial.
La réédition de cette expérience
illustre à quel point l'Occident
s'emploie à instrumentaliser la violence
communautaire pour combattre les forces
de la résistance et de la libération
dans le monde arabo-musulman. Dans le
même temps, les peuples de la région
tombent une nouvelle fois dans le piège
des divisions communautaires, ce qui
transforme en priorité la lutte contre
ce climat culturel et médiatique
sectaire.
Une grande responsabilité incombe à la
République islamique d'Iran et au
Hezbollah libanais et aux mouvements de
la résistance palestinienne pour faire
face à ce danger et il ne fait aucun
doute que dès lors que ce fléau est
éradiqué, la région toute entière sera
au seuil d'une renaissance, basée sur
l'indépendance nationale et la
libération de l'hégémonie impérialiste.
Une armée "forte" de "toutes les
confessions"
Pendant ce temps, des "experts" cités
par les agences de presse
internationales, dont l'AFP, ont démenti
dimanche toutes les informations sur la
chute imminente du régime syrien. Un
"régime soudé autour de Bachar al-Assad
et qui semble tenir bon et démentir pour
le moment les prédictions occidentales
sur sa chute imminente", estiment ces
experts. Pour ces experts, il faut plus
que ces coups de butoir pour que le
régime tombe. "Il ne pourra tomber que
par un coup d'Etat, une intervention
étrangère ou un renforcement massif du
soutien logistique aux rebelles par des
pays étrangers", assure Barah Mikaïl,
chercheur à l'institut de géopolitique
espagnol FRIDE.
Selon ce spécialiste du Moyen-Orient, il
y a certes "des déclarations
diplomatiques fortes, mais il ne faut
pas les surestimer, car le régime
conserve la structure militaire et
institutionnelle, même s'il se fait
parfois surprendre", comme lors du
récent attentat durant lequel le
ministre de l'Intérieur a été blessé.
Plusieurs responsables ont déjà sonné le
glas du régime. Le secrétaire général de
l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, a estimé
que le régime "se rapprochait de
l'effondrement" et Paris a appelé à
"faire partir Bachar al-Assad le plus
rapidement possible".
Washington a jugé le régime "de plus en
plus désespéré". Le vice-ministre russe
des Affaires étrangères en charge du
dossier syrien, Mikhaïl Bogdanov, est
allé dans le même sens, avant que son
pays ne fasse marche arrière.
Pour Rami Abdel Rahmane, directeur de
l'Observatoire syrien des droits de
l'Homme (OSDH), plusieurs hypothèses
expliquent cette avalanche.
"Soit il y a le début d'un consensus
international pour mettre fin au régime,
soit des pays occidentaux sont en
contact avec un groupe important et
influent dans l'armée qui pourrait se
retourner contre Assad, soit ils
accentuent les pressions afin de pousser
Assad vers la sortie pour éviter un
effritement total de l'Etat",
explique-t-il.
Mais pour cet observateur, dont
l'organisation dispose d'un important
réseau de militants sur le terrain,
"l'armée reste très forte, elle est
toujours capable de protéger une large
portion du territoire allant de Damas au
littoral".
Certes, l'appareil militaro-sécuritaire,
longtemps omniprésent, s'est nettement
érodé et la multiplication des attentats
à Damas démontre que la Sécurité est
moins fiable qu'auparavant.
"C'est certain que les rebelles ont
avancé et se montrent audacieux, mais
pour le moment, l'armée garde
globalement sa cohésion et défend les
grandes villes", note un expert
militaire occidental à Beyrouth. "Malgré
les désertions et les morts, elle compte
encore 200000 hommes, de toutes les
confessions, et n'a pas engagé toutes
ses unités dans les combats. Elle se
conduit comme un véritable corps, avec
une mission", ajoute-il. "Elle se
sentait mal à l'aise au début de la
contestation quand on lui demandait de
tirer sur des civils. Mais aujourd'hui,
elle n'a plus d'états d'âme face à des
hommes armés", assure-t-il.
Selon un spécialiste, qui ne veut pas
être identifié car il retourne
régulièrement en Syrie, les déclarations
diplomatiques "prouvent que les
négociations ont véritablement commencé
entre les Etats-Unis et la Russie pour
trouver une solution à la crise. Il
s'agit d'exercer une pression
psychologique pour obliger le régime à
envisager des compromis douloureux".
Mais ces annonces peuvent être
contre-productives, car si la chute du
régime n'intervient pas dans les
semaines à venir, "il pourra prétendre
qu'il est assez fort pour ne pas céder".
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