|
Palestine
Contre les putschistes de Ramallah
Soutien à la résistance du Peuple palestinien
Pierre-Yves Salingue
Photo CPI
Le 17 juin 2007
Les récents développements de la situation à
Gaza et en Cisjordanie interpellent une nouvelle fois toutes les
forces qui se revendiquent de la solidarité avec le Peuple
palestinien.
Dénonçant une " tentative de coup d'état " par le
Hamas à Gaza, Mahmoud Abbas a prononcé la dissolution du "
gouvernement d'union nationale " constitué après l'accord
de la Mecque, décrété l'état d'urgence et désigné Salam
Fayyad comme nouveau Premier ministre à la place de Ismail
Haniyeh. Compte tenu de l'état d'urgence décrété, le nouveau
Premier ministre n'aura pas besoin de solliciter l'investiture du
Conseil législatif, échappant ainsi à l'éventuelle sanction
d'un parlement déjà affaibli par l'arrestation de plus de la
moitié des élus Hamas de Cisjordanie, cependant que ceux élus
à Gaza ne peuvent venir siéger à Ramallah !
Dans les heures qui ont suivi, le gouvernement des Etats-Unis, la
Communauté européenne et le gouvernement israélien ont fait
part de leur satisfaction et annoncé un renforcement de leur
soutien à Abbas : un gouvernement sans le Hamas autorise la levée
du blocus, le rétablissement des aides, la restitution des fonds
illégalement confisqués etc.
La Ligue arabe a suivi de près, après quelques hésitations témoignant
des inquiétudes de certains dirigeants arabes à se compromettre
chaque fois davantage en s'alignant trop explicitement sur leurs
maîtres impérialistes.
Quelles que soient les apparences et quelles que soient les
exactions réellement commises à Gaza, il faut rétablir la vérité
: Les putschistes ne sont pas ceux que les médias aux ordres ont
accusé d'avoir " livré Gaza aux pillards " mais ceux
qui ont, depuis la signature des accords d'Oslo, livré la
Palestine toute entière à la colonisation sioniste.
Mahmoud Abbas, " grand architecte " de la trahison
d'Oslo était sans nul doute le plus qualifié pour être le grand
chambellan de cette révolution de palais destinée à donner aux
gouvernements impérialistes et à l'Etat sioniste le gouvernement
palestinien qu'ils appelaient de leurs vœux. Salam Fayyad, dont
le passé de haut-fonctionnaire du FMI et de la Banque Mondiale
garantit le sens du respect des exigences économiques et financières
de l'ordre impérialiste, n'a aucun poids politique en Palestine
(2,4% des suffrages lors des dernières élections du Conseil législatif),
il ne bénéficie du support d'aucune organisation et ne représente
donc aucun danger pour les petits barons du Fatah, supplétifs de
l'état colonial et disposés à se contenter d'une place
subalterne dans le projet impérialiste pour le Moyen-Orient.
Quant au nouveau ministre de l'intérieur, Abdel Razaq Yehiyeh, il
s'était déjà rendu célèbre quand il occupait la même
fonction dans le premier gouvernement d'Abbas, en déclarant en
septembre 2002 que " Tous les actes de résistance caractérisés
par de la violence tels le recours à des armes et même à des
pierres (...) sont nuisibles " Le putsch, dont le principe
avait été décidé dès les lendemains de la victoire électorale
du Hamas en janvier 2006, a été envisagé et repoussé à
plusieurs reprises.
Faute de pouvoir passer à l'acte rapidement, compte tenu de la
volatilité de la situation régionale, suite notamment à
l'agression israélienne contre le peuple libanais, Abbas et la
direction du Fatah ont systématiquement refusé au Hamas le droit
d'exercer le mandat qu'il avait reçu des électeurs de Gaza et de
Cisjordanie.
Le conflit en résultant avec le Hamas s'est progressivement
focalisé sur la question du contrôle des forces de sécurité,
Abbas et le Fatah refusant au Hamas d'exercer ses prérogatives de
parti majoritaire dans ce domaine particulièrement sensible
compte tenu du rôle protecteur des intérêts israéliens confiés
à l'Autorité palestinienne.
Cette décision était aussi destinée à provoquer une réaction
violente de la part du Hamas et à trouver ainsi l'alibi dont
Abbas et la direction du Fatah étaient privés du fait de la trêve
respectée par le Hamas dans les attaques contre Israël.
Du gouvernement fantôme mis en place par Abbas à sa menace de
recourir à un référendum instrumentalisant le document des
prisonniers en mai 2006, de la provocation à la grève contre le
nouveau gouvernement, en refusant de payer les salaires des
fonctionnaires de l'Autorité alors que les caisses de la Présidence
étaient pleines, aux interminables négociations relatives à un
gouvernement d'unité, - d'abord refusé par le Fatah puis posé
comme une condition de partage des pouvoirs - les émules
palestiniens de Pinochet ont cherché à gagner du temps pour
augmenter leurs chances de succès dans une confrontation qui
s'annonçait difficile, notamment à Gaza.
Depuis plus d'un an les informations ont filtré, confirmant la décision
prise d'éliminer l'obstacle issu du vote démocratique de janvier
2006 : aide financière exceptionnelle de 75 millions de dollars
du gouvernement des Etats-Unis et fournitures d'armes avec
l'accord des Israéliens pour le renforcement de la garde présidentielle
d'Abbas, entraînement de ces mêmes forces à Jéricho et en
Egypte etc.
Il faut bien entendu dénoncer la farce démocratique consistant
à présenter comme légitime un Premier ministre ayant obtenu
2,4% aux élections, quand celui choisi par le parti qui avait
obtenu 43% ne l'était pas !
A ceux qui parlent de " coup de force du Hamas " à
Gaza, il faut rappeler ce que tout observateur impartial de la
situation à Gaza sait et qui a été maintes fois expliqué par
les journalistes et commentateurs qui ne prennent pas leurs
informations auprès du Mossad ou de l'ambassade des USA en Israël
: L'initiative du terrorisme inter-palestinien et de la violence
à Gaza appartient au fasciste maffieux Dahalan qui a tout fait
pour créer une situation de chaos susceptible de justifier une
intervention répressive brutale. Or, malgré son échec à Gaza,
c'est Dahalan que Mahmoud Abbas a choisi pour l'accompagner dans
sa rencontre le 16 juin avec le Consul général des Etats-Unis,
pour y prendre ses consignes et recevoir les félicitations du
gouvernement des Etats-Unis et c'est ce même Dahalan qui déclarait
dimanche 17 juin à des responsables jordaniens qu'un plan de
reconquête de Gaza et d'élimination des forces du Hamas était
à l'ordre du jour.
Dans le même temps Barak, nouveau ministre de la défense israélien
et premier artisan avant Sharon de la répression de la deuxième
Intifada, passait commande à l'Etat-major de l'armée israélienne
de plans d'attaque massive contre Gaza.
Il faut donc refuser toute symétrie et tout renvoi dos à dos
entre d'une part le camp de ceux qui ont depuis longtemps brisé
l'unité du Peuple palestinien, notamment en signant la reddition
d'Oslo, ceux qui ont vendu la Palestine pour quelques avantages
financiers et de prestige, ceux qui sont toujours prêts à brader
ce qui reste d'une Palestine colonisée, dépecée et martyrisée
pendant qu'ils " négociaient " avec leurs comparses
sionistes et ceux qui, quels que soient leurs défauts, leurs
erreurs et leurs contradictions ont reçu en janvier 2006 l'appui
de la majorité de la population parce qu'ils incarnaient la
poursuite de la résistance et le refus de la corruption et de la
collaboration avec l'occupant israélien.
S'agissant du Hamas, les prochaines semaines seront décisives.
Soit ses dirigeants prennent conscience de l'erreur consistant à
croire et à entretenir l'illusion qu'il est possible de gouverner
dans l'intérêt de la population palestinienne dans le cadre du
dispositif d'Oslo, créé pour briser l'unité de la cause
palestinienne et liquider la question nationale et pour protéger
les avantages et privilèges de ceux qui ont renoncé à incarner
cette lutte et ses objectifs. Soit ils s'obstinent à penser
qu'ils peuvent utiliser ce dispositif et y faire la démonstration
de leurs aptitudes à gouverner et à simultanément défendre les
objectifs de libération.
Dans le premier cas, le Hamas fera le choix de quitter et de dénoncer
l'Autorité et d'en revenir à l'action politique de résistance,
avec l'objectif de contribuer à la reconstruction d'un mouvement
de libération rendue nécessaire par la faillite de l'OLP dominée
par le Fatah d'Arafat et d'Abbas.
Dans le deuxième cas, il sera à son tour victime des
contradictions de cette stratégie calamiteuse pour le mouvement
national palestinien et, à l'image de ce qui est arrivé au Fatah
et à l'OLP, il abandonnera les objectifs de libération nationale
et se retrouvera à quémander l'autorisation de s'asseoir à la
table du maître, à l'encontre des intérêts véritables du
Peuple palestinien.
Aujourd'hui la pièce n'est pas jouée mais il faut bien constater
l'existence de signes inquiétants.
Dans une récente interviewe au Figaro (15 juin 2007) Haniyeh a déclaré
: " …notre programme est clair. Nous souhaitons la création
d'un état dans les frontières de 67, c'est à dire à Gaza et en
Cisjordanie avec Jérusalem Est pour capitale. L'OLP reste en
charge des négociations. Nous nous engageons à respecter tous
les accords passés, signés par l'Autorité palestinienne…
"
Dans le même temps Kahled Mechaal déclarait depuis Damas que
Abbas était légitime, comme le Fatah et comme le Hamas, qu'il
fallait reprendre le dialogue inter-palestinien sous supervision
arabe, qu'il n'y avait pas de crise réelle entre le Fatah et le
Hamas etc.
On saura rapidement s'il ne s'agit que de propos tactiques visant
à surmonter les dangers d'isolement pesant aujourd'hui sur le
Hamas, ou si on voit là s'affirmer la possible adaptation
opportuniste d'une organisation qui se réfère en définitive
d'abord à l'idéologie des Frères Musulmans et qui ferait
le choix de prioriser sa survie, pour poursuivre un combat plus
important pour elle que la libération de la Palestine, celui de
son islamisation qui ne saurait se réaliser qu'à long terme et
suivant des modalités bien différentes ce celles d'une lutte de
libération nationale.
De ce point de vue il est assez tragique de constater, une fois
encore, l'absence totale d'une claire alternative permettant aux
militants palestiniens de gauche de disputer aux courants
islamiques l'expression populaire de la résistance à l'offensive
impérialiste et aux plans sionistes.
Dans un communiqué daté du 14 juin, le FPLP en appelait à
la fin des combats inter-palestiniens, à " un dialogue
national total " et pointait la responsabilité dans les évènements
de l'accord de La Mecque, au seul motif qu'il consolidait "
le dualisme " Fatah/ Hamas sans donner leur place aux autres
forces politiques palestiniennes… On n'y trouve aucune dénonciation
du rôle d'agent de l'impérialisme joué par Abbas, ni dénonciation
des responsabilités particulières de la direction du Fatah dans
" l'effondrement des valeurs et des principes ",
ni énoncé de la faillite inévitable de toute recherche d'une
solution ne brisant pas le cadre des accords d'Oslo.
On y chercherait en vain l'affirmation de l'impossibilité d'une
" unité nationale " entre forces qui veulent résister
et forces qui veulent liquider toute résistance populaire etc.
Pour autant, pour les forces qui veulent soutenir le Peuple
palestinien, il convient de ne pas chercher d'alibi à l'inaction
dans l'absence d'alternative claire au cours politique
catastrophique suivi par les forces principales du mouvement
national palestinien.
S'il faut bien entendu dénoncer les responsabilités premières
de l'impérialisme et de l'Etat sioniste dans la situation
actuelle du Peuple palestinien, s'il n'est pas faux de dire que
les affrontements inter-palestiniens sont une conséquence directe
de l'occupation coloniale, on ne peut en rester là et encore
moins se contenter de " condamner la violence suicidaire
inter palestinienne " ( !) comme le fait un communiqué de l'AFPS
publié le 15 juin. Le courant politique, regroupé autour d'Abbas
et de Dahalan et qui dirige le Fatah, n'est pas un courant avec
lequel celles et ceux qui soutiennent la résistance du Peuple
palestinien ont seulement " des divergences " : c'est un
courant avec lequel nous devons rompre tout lien et que nous
devons combattre sans concession. On ne peut pas se mobiliser aux
côtés d'un peuple qui lutte pour ses droits et, dans le même
temps, aider à propager la parole de celles et ceux qui liquident
ces droits.
Dans le coup de force d'hier comme dans ceux à venir
prochainement, il faudra choisir son camp.
|