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Chronique
Les comptes
redoutables de la Cour du même nom
Philippe Randa
Philippe Randa
Jeudi 17 décembre 2009
« À aucun moment, la réforme de l’État et de la fonction
publique n’a été prise à bras-le-corps depuis vingt-cinq ans (…)
Je ne veux pas vous proposer une politique de sacrifices où tout
le monde est perdant. Je veux vous proposer une politique
d’efforts où tout le monde est gagnant. »
C’est beau, c’est ambitieux, c’est généreux. Comme du Nicolas
Sarkozy. D’ailleurs, « c’était » du Nicolas Sarkozy, le 19
septembre 2007, à Nantes. Il promettait ce jour-là, devant un
auditoire de l’Institut Régional d’Administration.
Tout le monde gagnant ? N’exagérons pas. Surtout pas après la
sortie, ce mois-ci, du rapport de la Cour des Comptes intitulé «
Les effectifs de l’État 1980-2008. Un état des lieux. »
Philippe Seguin, Premier président de ladite Cour, très
contrarié, ne mâche pas ses mots : « L’État a été très loin
d’être exemplaire (...) parce que sa progression en apparence
modérée masque son incapacité à s’adapter aux réformes de
l’action publique qu’il a lui-même décidées (…) L’État aurait dû
pourtant réduire sensiblement ses effectifs du fait de la
décentralisation et de la montée en puissance des opérateurs
public. »
L’enthousiasme de l’électeur sarkozyste est quelque peu mis à
mal ? Les nerfs du contribuables français excités ? Le simple
observateur de la vie politique quelque peu estomaqué d’une
telle distorsion entre promesse politique et réalité quotidienne
?
Philippe Seguin enfonce le clou : « (de plus) La progression
modérée des emplois de l’État n’est (…) qu’optique, puisque ses
missions sont désormais accomplies par d’autres structures, mais
à ses frais. Les effectifs s’ajustent très peu à la baisse de la
demande ou des besoins, mais sont au contraire très réactifs aux
nouvelles sollicitations. C’est comme un yo-yo qui ne cesserait
de monter et ne descendrait jamais. »
Un exemple ? L’agriculture, puisqu’on en parle ces jours-ci.
Enfin, plus exactement du revenu des producteurs : de 12
milliards d’euros en 2008, celui de la « ferme France » tombe à
8 milliards en 2009, soit -34 % de revenu agricole.
« Un producteur de lait moyen (200 000 litres) gagne 700
euros de revenu par mois » (www.confederationpaysanne.fr).
Ainsi, on lit dans les colonnes du Monde (16 décembre), «
les effectifs du ministère de l’agriculture et de ses opérateurs
ont doublé, alors que le poids de l’agriculture dans l’emploi et
la richesse nationale était divisé par deux. »(1)
Certes, tout le monde n’est pas forcément concerné plus que cela
par la condition des paysans, considérés par les héraults
moderne de l’écologie avant tout, voire uniquement, comme des
salauds de pollueurs, qui plus est serial-chasseurs pour nombre
d’entre eux.
Alors, autre exemple qui interpellera davantage le
citoyen-citadin : la police, dont les effectifs ont progressé de
20 % entre 1989 et 2006. Logique quand on apprend que nous avons
un policier pour environ 250 habitants en France, contre un pour
303 en Italie et un pour 380 au Royaume-Uni.
Et le président de la Cour des comptes de marteler : « Plus
que le nombre de policiers, c’est bien la manière d’affecter, de
gérer et d’organiser les missions des policiers qui est
aujourd’hui déterminante. »
Sans soute, puisque désormais, en France, on ne dit plus : «
Quand on a besoin des flics, ils ne sont jamais là », mais
« « Quand on a besoin des flics, il suffit de se mettre
derrière son volant et ils accourent. »
Bon, ce rapport étant à notre disposition à quelques jours de
Noël, tout le monde a autre chose en tête. Heureusement !
Imaginez qu’il ait été publié en février, la veille de la date
limite de paiement de l’impôt sur le revenu par tiers
provisionnel ? Cela aurait été à l’évidence d’un goût des plus
douteux…
Note
(1) Le nombre d’agriculteurs est passé de 1
267 000 à 660 000 agriculteurs entre 1979 et 2006... alors que
le nombre de fonctionnaires a progressé de 20 %, faisant ainsi
apparaître un ratio de 1 agent pour 43 en 1979 à 1 agent pour
16, 5 en 2006.
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