Tous les citoyens sont égaux, sauf ceux qui sont plus égaux
que d'autres, c'est connu.
Imaginez le nec plus ultra de la citoyenneté française :
être né hors de France, être venu clandestinement dans notre
beau pays, avoir été traqué par les hordes policières dont
les exploits, assurent certains, sont pour le moins dignes
des chasses du comte Zaroff et– tout vient à qui s’obstine –
avoir été naturalisé plus ou moins rapidement par la gauche
ou par la droite… Devenir donc français, pays autoproclamé
des Droits de l’homme et de la Couverture maladie
universelle, comme nul étranger n’est censé l’ignorer.
À part quelques nostalgiques des heures sombres de l’époque
de nos grands-parents, d’aigris franchouillards peu
partageurs et de supporters haineux de parties de balles au
pied, cette excellente « chance pour la France » comme
aurait dit monsieur Stasi voilà trente ans, désormais
officiellement chez lui chez nous, est un formidable exemple
pour toutes les bonnes consciences de notre belle
démocratie.
Mais pas la famille Alaouchiche qui a prénommé Islam un de
ses enfants. Faut quand même être… enfin, oui, ce qu’on
pense, hein ! pour faire une telle chose.
Du coup, leur fiston de neuf ans, pré-sélectionné pour
participer au jeu télévisé « In ze boîte », est retoqué pour
cause de prénom religieusement incorrect : « Se
prénommer Islam pour un garçon, c’est comme porter un voile
pour une fille », a expliqué la jeune femme responsable
du casting d’Angel productions qui a même ajouté : « Il
faut que vous compreniez que le nom de votre enfant fait
référence à une religion que les Français n’aiment pas
beaucoup. Cela pourrait choquer.»
Aussitôt contactées, les associations professionnelles de
lutte contre le racisme freinent des quatre fers : pour la
Halde et le MRAP, sans preuve, pas de plainte qui tienne la
route, ce sera la parole d’Angel productions contre celle de
Mme Alaouchiche… C’est nouveau, ça, cette obligation de
preuves dans une affaire de discrimination ; on ne se
souvient pas qu’il en est toujours fallu, jusque-là…
Ultime recours de la famille Alaouchiche, celui d’aller
chercher de l’aide auprès de la très médiatique association
SOS Racisme. Ce fut un coup de massue : « Il faut
reconnaître qu’en France, Islam est un prénom difficile à
porter », lui a-t-on expliqué.
« On m’a même conseillé de conduire mon fils chez un psy
! », s’étrangle maman Alaouchiche.
Des braves gens, tous !
La leçon est explicite… Ne pas jeter sa religion comme un
kleenex nauséabond en même temps qu’on vous remet un kit de
nouveaux papiers d’identité, quelle dangereuse faute de
goût, la preuve !
Car si tout le monde, aujourd’hui, aime à rappeler à tout
bout de champ ses origines extra-territoriales ou celles de
ses parents, il ne fait pas bon revendiquer ses convictions
religieuses.
Chrétien, cela vous a un petit air ringard qui la fout mal
dans les dîners people…
Orthodoxe, c’est plus « fun » ; malheureusement, la majorité
des gens ne savent plus très bien à quoi cela correspond et
vous passez facilement pour un excentrique.
Bouddhiste, à la rigueur, comme le vote Sarkozy de l’année
dernière, c’est tendance, mais pour combien de temps ? Cela
risque de passer de mode, comme pour l’État de grâce
présidentiel…
Juif, évidemment, ça interdit automatiquement toute
critique, mais il faut en être, ce qui n’est pas donné à
tout le monde, les conversions sont rares, difficiles et, on
ne sait jamais, l’antisémitisme étant tapis à tous les coins
de nos rues, à en croire les uns plutôt que les autres,
c’est quant même risqué…
Enfin moins, tout de même, que de se revendiquer
scientologue, à moins d’être riche et célèbre, mais n’est
pas Tom Cruise ou John Travolta qui veut.
Et encore moins, semble-t-il, qu’être musulman et que cela
se sache. Il ne fait pas bon prier Allah depuis un certain
11 septembre 2001. Les Afghans en savent quelque chose, les
Irakiens aussi… et le « vilain petit canard » des
Alaouchiche aussi, désormais !