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Politique
Boula-Matari
Hortefeux
Philippe Randa
Philippe Randa
Vendredi 11 septembre 2009
On reparle encore de faire interdire l’album BD Tintin au
Congo. Bienvenu Mbutu Mondondo, Belge d’origine congolaise,
dénonce depuis des années son « caractère raciste et
xénophobe » et intente une nouvelle procédure, soutenu par
le Conseil représentatif des associations noires (Cran) dont le
directeur Patrick Lozès – bien qu’opposé à une interdiction –
exige de l’État « qu’il s’exprime sur cette question au nom
des valeurs d’égalité de la République ». Rien de moins.
Et à défaut d’interdiction, il demande à Moulinsart, société qui
gère les droits d’Hergé, qu’on ajoute un préambule « afin
d’expliquer aux plus jeunes son contexte historique » et «
pour rappeler, notamment à l’intention du jeune public, que cet
album est à lire avec la distance nécessaire à toute caricature
»… un peu comme pour Mein Kampf d’Adolf Hitler, en
vente en France depuis 1934, mais assorti, depuis un arrêt du 11
juillet 1979, d’un texte de huit pages mettant en garde le
lecteur sur son contenu.
Hergé-Adolf Hitler, sinon même combat, en tout cas même place
réservée donc dans l’enfer de toute bibliothèque suspecte.
La discrimination raciale est pour certains bien pire que la
grippe cochonne H1N1. Logique, tout à chacun ne risque-t-il pas
de tomber dans une de ses innombrables chausse-trappes ? Celle
de l’humour n’étant pas la moins dangereuse.
L’actuel Ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux vient d’en
faire les frais. Depuis le campus de l’UMP samedi dernier, il
essuie les tirs croisés de ses adversaires politiques qui
exigent ni plus ni moins que sa démission.
Pris tout sourire en photo avec Amine Benalia-Brouch, jeune
militant UMP d’origine fort peu gauloise, on l’entend dire : «
Il en faut toujours un. Quand il y en a un ça va. C’est
quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes. »
Paroles aussitôt dénoncées comme d’un « racisme banal, bête
et méchant » qui ont émus Benoît Hamon et Martine Aubry,
successivement première secrétaire et porte-parole du PS,
Jean-Luc Mélenchon du Parti de gauche et Olivier Besancenot du
NPA.
En revanche, toute cette brochette si mal intentionnées à son
encontre, ne se sont pas émus de la défense de l’intéressé qui
se justifie en indiquant qu’il faisait référence non aux Arabes,
mais… aux Auvergnats.
Étant lui-même de cette origine, il ne peut donc y avoir
racisme. CQFD. À moins, bien sûr, que la discrimination envers
un Auvergnat ne puise bénéficier pour certains obsédés de la
discrimination de la même compassion. On ne voit pourtant pas
pourquoi l’humour, fut-il drôle ou non selon affinités, serait
odieux dans un cas ethnique et pas dans l’autre.
En tout cas, s’il y en a qui se réjouit des soucis du Ministre
de l’Intérieur, c’est bien l’ancien préfet Paul Girot de
Langlade, accusé d’avoir tenu des propos racistes lors d’un
contrôle à un aéroport. Mis à la retraite justement par Brice
Hortefeux, il fait ses gorges chaudes de l’affaire et demande,
fort logiquement, que ce dernier soit soumis à la même sanction.
« Comme ça, on s’ra deux et comme il habite à côté de chez
moi, on pourra faire du bridge. »
À moins qu’on exige bientôt que Boula-Matari Hortefeux(1) arbore
dans ses déplacements publics une pancarte « pour rappeler,
notamment à l’intention du jeune et moins jeune public, que son
humour est à écouter avec la distance nécessaire à toute
caricature »…
Note
(1) Dans
Tintin au congo, Tintin est
appelé deux fois « Boula-Matari » (briseur de rocher), surnom
donné par les indigènes en signe de déférence et de respect à
l’explorateur anglais Sir Henry Morton Stanley.
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