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Chronique
Le beurre et
l'argent du beur
Philippe Randa
Philippe Randa
Jeudi 8 octobre 2009
On connaissait les ravages de l’argent dans le sport. De même,
ceux du dopage, surtout les plus célèbres « à l’insu du plein
gré » des intéressés. On a maintenant droit aux scandales
sportifs liés au sexe et à la religion. Bingo ! Tout arrive et
en un seul match… annulé !
La joyeuse équipe de football du Paris Foot Gay (PFG) devait
rencontrer chez eux celle du très susceptible Créteil Bébel. Une
rencontre de coupe organisée par la Commission Football Loisirs
(CFL).
Tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes de
la balle aux pieds quand, patatras, un message lapidaire
parvient aux gays footballeurs de Paname : « Désolé, mais
par rapport au nom de votre équipe et conformément aux principes
de notre équipe, qui est une équipe de musulmans pratiquants,
nous ne pouvons jouer contre vous, nos convictions sont de loin
plus importantes qu’un simple match de foot, encore une fois
excusez-nous de vous avoir prévenu si tard. »
On imagine le tollé déclenché par ce « lapin sportif »,
considéré comme un véritable affront sexuel. Les commentaires
furieux fusent tous azimuts… « C’est surréaliste » pour
le président de l’association Paris Foot Gay, Pascal Brèthes,
qui dénonce aussitôt un acte d’« homophobie ordinaire
». Homophobie, sans doute, mais ordinaire, c’est moins certain.
« Le football n’a ni couleur, ni religion», martèle
pour sa part le président de la CFL, Jacques Stouvenel qui juge
que la situation n’est « pas acceptable. »
Mais la menace d’une éventuelle exclusion à venir de l’équipe
cristolienne – déjà écartée l’an dernier d’une autre fédération
sportive par la CFL – n’émeut pas plus que cela son président
Zahir Belgharbi qui indique au Figaro : « On acceptera cette
décision. Mais c’est selon moi une manière pour la CFL d’exister
(…) On n’est pas homophobes. Chacun vit sa sexualité, sa
religion…, comme il l’entend. Mais nous ne soutenons simplement
pas la cause du PFG. »
Une simple rencontre sportive dégénère donc en conflit de mœurs
et de convictions religieuses, mais à qui la faute, finalement ?
Voilà presque trente ans, François Mitterrand tenait sa promesse
électorale en faisant abolir toutes les lois homophobes de la
République Française. Dix-huit ans plus tard, le Pacte Civil de
Solidarité (PACS), soit une forme d’union civile, était instauré
afin de permettre aux Français à sexualité différente d’accéder
aux mêmes droits que ceux de la majorité de leurs concitoyens.
Fort bien, mais n’y a-t-il pas quelques contradictions
évidentes, ensuite, a revendiquer haut et fort une sexualité «
différente » et à brandir celle-ci comme un étendard des plus
provocateurs ?
Les musulmans ont beau jeu alors de dénoncer deux poids deux
mesures, ce dont ne se gêne d’ailleurs pas Zahir Belgharbi : «
Nous avons nos convictions (sur l’homosexualité),
n’a-t-on pas le droit de les affirmer ? »
Citant les débats récurrents sur le voile islamique et la
construction de mosquées, il assène : « Je constate souvent
que nous ne sommes pas dans la même catégorie de Français, nous
n’avons pas les mêmes droits. »
Deux poids, deux mesures, voilà un nouveau casse-tête en
perspective pour Xavier Bertrand. Frédéric Mitterrand, ministre
de la culture, étant violemment attaqué par Marine Le Pen pour
des passages de son livre La Mauvaise vie dans lequel il «
décrit par le menu la manière dont il effectue du tourisme
sexuel », le secrétaire général de l’UMP a pris sa défense
en arguant que « se servir de la vie privée des gens pour en
faire des attaques politiques ou politiciennes, cela me rappelle
les pires heures de l’histoire. »
Sans doute, mais on lui rétorquera alors qu’il faudrait pour
cela ne pas complaisamment étaler cette vie privée, que ce soit
dans un livre ou sur les pelouses des stades.
À moins, bien sûr qu’on ne projette de confier prochainement à
Roman Polanski un remake du Dernier tango à Paris en
exigeant tout à la fois le beurre et l’argent du beur…
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