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CADTM
Copenhague, la
grande arrestation
Pauline Imbach
Photo: Bastamag
Samedi 26 décembre 2009
Si les peuples du Sud, les militant-e-s et les ONG n’attendaient
rien des négociations de Copenhague, sachant que le compromis
final serait largement en dessous des enjeux, ils ne
s’attendaient pas à une telle forme de répression, à un tel
rapport de force institutionnel contre toutes celles et ceux qui
avaient décidé de contester ce sommet en défendant un autre
message : le système capitaliste est responsable des crises
environnementales, il faut sortir de ce système pour sauver la
planète. A Copenhague, tout porteur de ce message était suspect
et pouvait faire l’objet de répression.
Des militant-e-s traqué-e-s, des ONG bâillonnées
La ville s’est transformée le temps du sommet en une immense
souricière, où tout était mis à disposition pour traquer,
arrêter, mettre la pression sur des manifestant-e-s venu-e-s du
monde entier. A Copenhague, manifester n’était plus un droit
mais un délit. Ce qui s’est déroulé n’est que l’expression d’une
répression autoritaire. Celle-ci a pris à la fois un visage
violent lorsque la police matraquait ou gazait les
manifestant-e-s, mais également un visage « routinier » avec une
répression systématique qui s’est installée dans le quotidien de
chacun-e. Ce qui s’est joué ici est une stratégie de non-droit,
avec comme toile de fond barrages de police, contrôles
d’identité, fouilles (avec parfois confiscation de banderoles,
haut-parleurs et autre attirail du joyeux militant) et
arrestation « préventive ». A Copenhague, il fallait empêcher la
contestation de masse de s’exprimer pour masquer les échecs du
système actuel, aujourd’hui flagrants, et largement reconnus
au-delà des clivages politiques classiques.
La première manifestation a été la grande arrestation, plus de
900 « sauvages » ont été transférés dans des cages, après avoir
passé plusieurs heures assis, menottes dans le dos, dans un
froid terrible. Les jours qui ont suivi ont offert le même
spectacle, dans lequel la démocratie n’avait pas eu de rôle…
Certains slogans rappelaient son existence comme un souvenir
lointain de salle de classe, une leçon lénifiante qui nous a
empêchés de nous révolter depuis longtemps. On se raccroche à ce
qu’on peut, à Copenhague il n’y avait plus rien. La police
danoise a interpellé plus de 1 700 personnes dans les premiers
jours du sommet !
Cette répression ne s’est pas uniquement exercée dans la rue sur
les manifestant-e-s. Les mouvements sociaux ont également été
dégagés des négociations. Mercredi 16 décembre, de nombreuses
ONG se sont vu refuser leurs accréditations. Selon l’AFP, le
nombre de badges donnés aux ONG, déjà réduit de 7 000 à 1 000
entre lundi et mercredi, a été encore réduit à 300 jeudi 17
décembre. Cette décision, qui relèverait de « mesures de
sécurité », va à l’encontre de l’article 6 de la Convention
Cadre des Nations unies qui demande aux États parties de
« promouvoir et faciliter la participation du public dans la
lutte contre le changement climatique ».
Reclaim power ! Les pays du Sud ont leur mot à dire
Ces « mesures de sécurité » répondaient, entre autres, à
l’action « Reclaim power » du 16 décembre. Différents blocs
d’affinités envisageaient de converger à l’intérieur du Bella
Center, où se tenaient les négociations, pour y organiser une
assemblée des peuples. Projet en effet extrêmement dangereux,
nécessitant des mesures de sécurité privant les trois quarts des
ONG de leurs droits. L’ensemble des militant-e-s du green
block se sont fait arrêter, certains ont été expulsés du
Danemark, alors que les manifestant-e-s du blue block,
après avoir été encadré-e-s tout au long de la manifestation
légale par des fourgons et violemment bloqué-e-s aux grilles par
une armée de policiers, ont tenu devant le Bella Center une
assemblée des peuples dénonçant la responsabilité des pays
riches et appelant à un véritable accord contraignant pour la
justice climatique. Comme l’a rappelé le président vénézuélien
Hugo Chavez, dans un discours à l’ouverture du sommet, « les
500 millions de personnes les plus riches, qui représentent 7%
de la population mondiale, sont responsables de 50% des
émissions mondiales, alors que les 50% des plus pauvres ne sont
responsables que de 7% des émissions » |1|
.
Pendant ce temps, les personnes accréditées qui se trouvaient à
l’intérieur du Bella Center ont organisé une manifestation
dénonçant le « blabla » ambiant et les fausses négociations dont
les pays du Sud ont été exclus. Selon les Amis de la Terre,
« Les ONG exigent que les pays riches assument leurs
responsabilités, en réduisant radicalement leurs émissions et en
remboursant leur dette écologique, avec un transfert massif
d’argent public. (...) Les pays pauvres (...) n’ont pas été
invités à certaines réunions du sommet de Copenhague. Le
principe ‘un pays égale une voix’ n’a pas été respecté. Que les
pays pauvres et les ONG ne puissent pas s’exprimer
démocratiquement constitue une violation flagrante des principes
des Nations unies » |2|
. Dans un même temps deux activistes ont interrompu la réunion
des ministres en revenant sur ces mêmes enjeux, ils ont quitté
la salle, embarqué manu militari par la police, mais sous les
ovations des représentants des pays du Sud.
Le sommet de Copenhague est un échec : rien de nouveau sous la
neige, tout le monde le savait avant de partir. L’accord final,
non contraignant, visant l’objectif général de ne pas dépasser
deux degrés est une nouvelle farce cynique des dirigeants des
pays riches. Malgré la répression, la contestation a bel et bien
été entendue, et l’échec criant du système capitaliste, les
inégalités qu’il engendre en termes, entre autres, de justice
climatique, sont apparus de manière très claire. La
criminalisation des mouvements sociaux et des militant-e-s
montre une fois de plus que les peuples sont bâillonnés et qu’il
est tant qu’ils agissent ensemble car ils ne peuvent pas s’en
remettre à leurs dirigeants.
Notes:
|1|
http://www.marianne2.fr/Chavez-Si-l...
|2|
http://www.europe-solidaire.org/spi...
Dossier
écologie
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