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IRIS
La situation au
Moyen-Orient
Pascal Boniface
Pascal
Boniface par Christophe Mistretta / Agora Vox / 27 novembre 2006
Le Hezbollah se réarme
via la complicité de la Syrie. La Finul ferme les yeux car elle
prétend que son mandat ne lui impose que d’assurer la démilitarisation
du Sud du Liban jusqu’à la frontière israélienne (ce qui
n’est déjà pas une mince affaire). Israël viole l’espace
aérien au Sud Liban sous prétexte de faire des reconnaissances
et prises de vues aériennes de la zone. Les survols entraînent
des tensions importantes entre la France et Israël qui se
manifestent par des déclarations pour le moins inamicales de la
part de la ministre de la Défense française et provoque une
incompréhension totale des Israéliens, comme l’a déclaré
Olivier Rafowitz (ancien porte-parole de Tsahal) lors de la
convention nationale du CRIF le 19 novembre 2006.
Tout
nous laisse à penser qu’Israël ne renoncera jamais au droit
fondamental à se défendre de toute agression extérieure, et
comme le mouvement chiite refuse toujours de reconnaître l’Etat
hébreu, ne croyez-vous pas que la France, via son implication
dans la Finul, risque d’avoir à assumer en grande partie la
responsabilité d’une reprise des hostilités qui pourrait être
facilement provoquée par une attaque des "Fous de Dieu"
dirigée contre Israël ?
Permettez-moi de vous dire
que vous avez une façon pour le moins particulière de présenter
les choses, et que je ne pense pas que ce soit la France qui,
d’une façon ou d’une autre, menace Israël, ni que la
France ait des déclarations inamicales envers Israël.
Simplement, il me paraît normal, de la part de la ministre de
la Défense, que lorsque l’aviation israélienne semble
vouloir pilonner les soldats français de la Finul, elle réagisse.
Aucun responsable français n’a dit d’une manière ou
d’une autre qu’Israël jetait des fleurs aux terroristes,
comme l’a dit l’ambassadeur d’Israël à l’Onu.
Ceci étant, on est un peu
habitué à ce genre d’exercices, il y a toujours dans les
relations franco-israéliennes à la fois une très grande coopération
et puis une crise assez vive dès qu’il y a un désaccord à
propos d’ailleurs du conflit israélo-palestinien. Pour en
revenir à la Finul, chacun savait dès le départ que le mandat
de la résolution 1701 était extrêmement difficile à
appliquer, et que militairement, et surtout politiquement, il
serait très difficile de faire à la fois ou séparément le désarmement
du Hezbollah, qui n’entre pas dans les prérogatives de son
mandat, et en tout cas qu’elle n’a pas mission de faire ni
force de faire. Elle ne peut non plus empêcher le survol de
l’aviation israélienne parce que cela voudrait dire prendre
des mesures militaires, et on voit mal la Finul abattre des
avions israéliens, ou du moins il faudrait qu’il y ait une
procédure, et donc on voit bien qu’il y a une sorte de
rapport de force qui s’établit entre le Hezbollah d’un côté
et l’armée israélienne de l’autre, et je dirais cette
pauvre Finul, tout en étant renforcée, n’a pas le mandat,
n’a pas la volonté ou ne veut pas prendre le risque, et tout
ceci se mélange, à la fois de s’opposer directement au
Hezbollah et de s’opposer directement à l’armée israélienne.
Voilà un peu quelle est cette situation, qui semble durable
parce que l’on peut bien sûr dire que le réarmement du
Hezbollah oblige l’armée israélienne à multiplier ces
survols, et les survols israéliens conduisent le Hezbollah à
se réarmer chacun disant « voyez ce que fait l’autre », en
prenant à témoin l’opinion et en légitimant sa propre
action, qui est une violation juridique de la résolution 1701,
chacun donc justifiant ses propres actions par les actions de
l’autre partie.
Malheureusement
l’actualité du Liban se rappelle à nous d’une bien triste
manière (assassinat le 21 novembre 2006 du ministre Gemayel).
Pensez-vous qu’un attentat de type Drakar 1983 qui avait causé
la mort de plusieurs centaines de soldats, dont plus de
quatre-vingts parachutistes français, soit envisageable ?
Inenvisageable,
malheureusement non, et je crois que tout le monde l’envisage
en espérant l’éviter, et d’ailleurs il faut l’envisager
si l’on veut l’éviter. Si les responsables de la Finul ne
l’envisageaient pas, ils s’exposeraient à de graves problèmes.
On peut penser néanmoins que le contexte des relations - et là
je m’exprime au jour d’aujourd’hui, je ne sais pas quel
sera le contexte dans quelques mois ou quelques semaines,
malheureusement dans la région les situations se dégradent
vite -je ne pense pas qu’il soit dans l’intérêt du
Hezbollah ,et je ne parle pas de bonnes volontés, je parle
d’intérêts, il ne serait pas dans l’intérêt du Hezbollah
de refaire ce type d’opérations, parce que le Hezbollah
essaie quand même, d’une façon ou d’une autre, d’avoir
des relations avec les autres partenaires. Mais dans tous les
cas, un, on ne peut pas ne pas l’envisager, deux, il faut au
contraire l’envisager pour l’éviter et trois, ce que je
vous dis aujourd’hui, c’est que le risque est plus
improbable que probable, et il faudrait réévaluer cette évaluation,
si j’ose dire, très régulièrement.
Trouvez-vous
une cohérence au parcours politique de Shimon Peres qui, après
plus de quarante ans de présence au Parti travailliste, se
retrouve dans une énième coalition gouvernementale, sauf que
cette fois y figure en bonne place le représentant de l’extrême
droite Avidgor Lieberman. Est-il possible que, pour conserver une
parcelle de pouvoir, un Prix Nobel de la paix puisse renoncer à
toutes ses convictions pour s’associer à la droite la plus extrême
?
Il y a plusieurs questions
dans votre question, la première est sur l’homme Shimon Peres
qui est l’un des hommes politiques les plus contestés au sein
même de son propre pays, et on peut dire qu’il est vu avec
beaucoup de sympathie, de bienveillance en Europe, aux
Etats-Unis, ce qui n’est pas le cas de beaucoup d’hommes
politiques israéliens. Alors qu’en Israël il est vu avec
beaucoup de défiance, il est le symbole, comme vous l’avez
dit, de l’homme politique prêt à tout pour rester au
pouvoir, et c’est certainement parmi ses amis ou ses anciens
amis travaillistes qu’il y a les critiques les plus vives à
son égard. De nombreux travaillistes, pour ne pas parler du
Meretz, parti de gauche israélien, disent que Shimon Peres est
toujours à dire : « Je dois rester au pouvoir pour limiter les
dégâts », et il ne limite pas beaucoup les dégâts, mais
c’est toujours un peu pour dire : il vaut mieux que je sois
dedans plutôt que dehors, et cela, c’est le problème de
Shimon Peres. Il y a un autre problème plus important qui est
que Shimon Peres a quitté le Parti travailliste mais que le
Parti travailliste, lui, n’a pas quitté le gouvernement dans
lequel Avidgor Lieberman est entré. Effectivement, l’arrivée
d’un leader d’un parti d’extrême droite dans un
gouvernement démocratique pose problème, et on pourrait faire
une comparaison d’ailleurs, qui est quand même assez
frappante, entre l’absence de réaction de la communauté
internationale sur un homme dont les déclarations - certes, il
n’est pas président comme Ahmadinedjad, mais on ne peut pas
condamner les déclarations du président iranien comme je les
condamne, et ne pas condamner les déclarations de Lieberman. Si
l’on fait une comparaison entre les réactions suscitées par
l’arrivée au pouvoir en Autriche du parti d’extrême droite
et l’absence de réaction à l’arrivée au pouvoir de
l’extrême droite en Israël, dans une zone quand même également
sensible, je crois que là, il y a une source de réflexion.
Tsahal,
qui critique ouvertement ses dirigeants militaires et politiques
à l’issue de la dernière guerre du Liban, n’est-ce pas le
signe de la vitalité d’une démocratie où l’armée n’est
pas surnommée « la grande muette » ?
Oui, bien sûr, et il y a
une autre tradition militaire en Israël, les soldats citoyens
israéliens sont d’une autre nature des soldats citoyens français
issus de la conscription, du fait de l’état de guerre
permanent que vit l’Etat d’Israël depuis sa création et
des dangers aux frontières. Donc, il y a une autre tradition
que la tradition française, et je crois effectivement que des
militaires doivent s’exprimer, et que ce sont plutôt les
droits des militaires français qui ne sont pas assez
importants, plus que ceux des militaires israéliens qui le
seraient trop. Ce qui est peut-être plus inquiétant dans une période
où à deux ou trois occasions des responsables politiques ont
dit : « On n’a pas donné l’autorisation et les militaires
l’ont quand même fait pour les bombes à fragmentation » ;
cela pose un problème grave, parce que de deux choses l’une,
soit les responsables disent "ceux-là mentent et c’est
quand même un peu gênant", soit ils ne les contrôlent
pas pour des sujets essentiels (il s’agit quand même de la
conduite de la guerre, par rapport au respect du droit
international et des conventions de Genève, à propos du droit
humanitaire). Effectivement, il y a quand même une grande
tradition en Israël, que les généraux à la retraite
deviennent des responsables politiques, et d’ailleurs le
paradoxe qui a frappé de nombreux observateurs, c’est qu’au
moment où les trois principaux dirigeants israéliens (Premier
ministre, ministre de la Défense, ministre des Affaires étrangères)
sont des civils qui ont une très faible expérience militaire,
alors qu’on disait que cela allait changer et que l’armée
allait être sous le contrôle du politique, c’est l’inverse
qui s’est produit, et on a eu le sentiment, pendant la Guerre
du Liban, que c’était l’Etat-major qui dictait son agenda
aux politiques qui, n’ayant pas le « background » militaire
de leurs prédécesseurs, n’ont peut être pas usé de leur
autorité politique.
Est-il
concevable, pour vous, de voir dans la personne du président
Ahmadinedjad un fin stratège politique, car au-delà de ses
provocations verbales, il profite pleinement des engagements des
USA en Afghanistan et en Irak (enlisement, voire perspectives de
sortie de conflit peu évidentes à court terme malgré les morts
de GI et l’opinion publique américaine clairement hostile désormais
au maintien de ses troupes) ? Le président iranien pousse la
Russie à tenir un rôle de contrepoids politique à l’hégémonie
américaine en l’utilisant comme fournisseur pour construire sa
centrale nucléaire et en plus en ayant la subtilité
d’invoquer, comme argument décisif selon elle, l’équilibre
des forces au niveau régional, ainsi que le fait que la violation
du traité de non-prolifération par d’autres pays n’a pas
pour autant menacé la paix...
Il y a plusieurs questions
dans votre question : un, est-ce qu’Ahmadinedjad est un fin
stratège, je pense que l’on n’arrive pas par hasard à la tête
de l’Iran et que quelqu’un qui se fait élire à la tête
d’un grand pays comme l’Iran est forcément un grand stratège.
Cela vaut pour les autres dirigeants ; de la même façon
lorsque l’on présente le président Bush comme un grand «
benêt », je pense que l’on ne peut pas être élu président
d’un grand pays comme les Etats-Unis et être un « benêt ».
Je ne fais évidemment pas de parallèle entre le président
Bush et Ahmadinedjad, mais en tout cas je pense que le président
iranien est évidemment un stratège, et par ailleurs, je
constate que l’Iran a dans une histoire récente gagné deux
guerres que le pays n’a évidemment pas livrées, et qu’il
sort renforcé de la guerre d’Irak, il sort renforcé de la
guerre du Liban. Et donc dans un environnement qui n’était
pas évident initialement, Ahmadinedjad, tout en jouant la carte
de la provocation, et donc en radicalisant l’attention des
autres pays occidentaux vis-à-vis de son propre pays, qu’ils
soient européens ou américains, et donc au-delà de son propre
pays pour les opinions publiques arabes, occupe une position que
leurs propres pays ont abandonnée, qui est la contestation
radicale de la politique américaine et de l’Etat d’Israël.
Dans ce sens-là, on peut dire qu’il a élargi son influence,
et j’ai été très frappé, lors de son dernier voyage en
Indonésie (le plus grand pays musulman du monde, mais qui
n’est pas un pays chiite), de l’accueil qui lui a été réservé.
Il y avait beaucoup de chaleur, alors que lors du récent voyage
de Georges Bush, il a eu un accueil de la part de la population,
mais pas du gouvernement, nettement moins amène que pour
Ahmadinedjad, voilà donc un peu le problème. Depuis que l’Iran
a été classé dans l’axe du mal par le président Bush, les
radicaux se sont renforcés en Iran, et l’Iran s’est renforcé
sur la scène régionale, ce qui n’est pas une bonne nouvelle
pour nous deux : avoir un pays plus fort au sein duquel les
radicaux sont plus puissants n’est pas une bonne nouvelle pour
les occidentaux. Par rapport au problème nucléaire que vous évoquez,
l’Iran a menti dans le passé et n’a pas respecté ses
obligations ; pour l’instant il n’a pas encore franchi la
ligne jaune, mais chacun craint qu’il ne le fasse, en préparant
l’avenir à ce rapport de forces avec l’Iran sur le nucléaire.
Et évidemment, si l’on couple le programme nucléaire de l’Iran
et les déclarations d’Ahmadinedjad disant qu’Israël doit
être rayé de la carte, on peut comprendre l’inquiétude des
dirigeants israéliens et être inquiet pour tous ceux qui
estiment qu’Israël a le droit de vivre dans des frontières sûres
et reconnues. Est-ce qu’il passerait à l’action ? Honnêtement,
je ne le crois pas, parce qu’il y a la dissuasion que seraient
les deux cents armes nucléaires, et qu’à la moindre bombe
sur Israël, l’Iran serait vitrifié, et je ne crois pas que
cela soit dans les intentions de ce dernier. Il y a peut-être
des gens qui font des attentats suicides, mais les chefs d’Etat
ne font pas d’attentats suicides, ce n’est pas du même
registre, on ne peut pas faire de comparaison. Et donc
j’imagine que Téhéran essaie de trouver un équilibre des
forces et qu’Israël veut éviter le risque d’être dans une
position où l’Iran aurait la bombe, et c’est une source
d’inquiétude, parce que comment se sortir de ce cercle ? Moi,
je crains que tant qu’il n’y a pas de négociation globale
de la part des Etats-Unis avec l’Iran qui notamment garantisse
la sécurité du régime, on ne sorte pas de ce dilemme. On ne
peut pas demander à l’Iran de coopérer pour aider les Américains
à quitter l’Irak et d’arrêter leur programme nucléaire,
tout en les menaçant de renverser leur régime, et on serait à
la place des Iraniens, on n’accepterait pas cela. On peut
avoir des réserves sur leur régime et voir les réalités.
Donc, il faut que cette négociation soit globale, et le problème
c’est que, comme, pour Bush, Ahmadinedjad est le diable, on ne
discute pas avec le diable. C’est dommage, parce que Reagan
considérait que l’URSS était le mal, il négociait néanmoins
avec les dirigeants soviétiques, et donc il faudrait, quitte à
prendre une grande cuillère, accepter de discuter avec le
diable.
Est-il
correct de reconnaître la victoire de l’islam chiite sur
l’islam sunnite au sens politique du terme, car non seulement
l’Iran a su préserver sa Révolution islamique depuis près de
trente ans de toute tentation démocratique, mais de plus, le pays
arrive à endosser le leaderchip en Palestine et au Liban, en se
présentant comme l’ultime rempart contre Israël aux yeux de
l’opinion publique arabe...
Vous mettez le doigt sur
un sujet essentiel, c’est que l’Iran et le Hezbollah ont
occupé des espaces désertés qui étaient justement la plus
grande résistance à Israël et aux Etats-Unis, pays sur lequel
les pays arabes sont partagés parce qu’ils ont des intérêts
particuliers avec les Etats-Unis et ils estiment qu’ils se
sentent un peu impuissants par rapport au soutien inconditionnel
que les Américains accordent à Israël, ce qui ulcère littéralement
leurs populations. Donc, on a vu, lors de la Guerre du Liban,
des pays comme l’Egypte, pays modéré, où Nasrallah est
considéré comme un héros au pays de Nasser et comme le
nouveau Nasser, parce que, justement, il s’est opposé à Israël,
et là on touche du doigt l’essentiel qui était dans votre
question.
Du
point de vue du citoyen iranien, diriez-vous que sa situation
s’est améliorée ou détériorée, par rapport à la dictature
du Shah d’Iran ?
Je pense qu’en termes de
démocratie ce n’est pas mieux, enfin disons qu’il y a
d’autres avantages et d’autres inconvénients. Les Iraniens
votent, ils peuvent s’exprimer et sont plus contraints
socialement. Il y a certaines libertés qui n’existaient pas,
et d’autres en recul. D’un point de vue économique, je ne
sais pas si c’est le régime qui est en cause, c’est
certainement dû à l’époque, Ahmadinedjad se trouve face à
un défi, car il y a moins d’investissements en Iran, pour
l’instant l’Iran bénéficie d’un cours du baril de pétrole
assez élevé pour disposer de ressources. Est-ce que c’est
durable à long terme ? Le défi du président, c’est qu’il
s’est fait élire non pas sur le non à Israël ni sur le non
aux USA, mais il s’est fait élire sur un programme de justice
sociale. S’il n’a pas les moyens financiers, économiques,
de prendre des mesures, cela lui sera difficile. Pour
l’instant, les blocages économiques et politiques l’en empêchent
(l’argent des Iraniens fuit l’Iran et les investissements étrangers
ne parviennent pas), la situation est difficile et à terme,
c’est un danger pour lui et, beaucoup plus grave, pour le régime,
ou aussi grave pour le régime que les menaces extérieures qui
lui parviennent des autres pays.
Je
me rappelle qu’aux élections présidentielles de 2000 aux USA,
c’est sous la responsabilité du frère de Georges W. Bush, le
gouverneur de Floride Jeff Bush, qu’a eu lieu le recomptage des
voix qui s’est avéré décisif pour le résultat final !
C’est la chaîne de TV Fox News (où la famille Bush est représentée)
qui a, la première, annoncé la victoire finale du candidat républicain,
alors que le résultat officiel n’était pas encore connu, dans
le but de mettre l’opinion publique américaine devant un fait
accompli. N’est-on pas arrivé aux limites de notre modèle démocratique,
quand on s’aperçoit que la destinée du pays le plus puissant
du monde peut être totalement aux mains d’une seule et même
famille (vu que son père a été président avant lui, pourquoi
pas son frère, son fils ou son neveu) ? D’ailleurs ce n’est même
pas de la politique-fiction, car si jamais Mme la Sénatrice
Clinton était élue présidente des Etats-Unis dans deux ans,
serait-il possible, au regard de la constitution américaine, que
son mari, l’ancien président Bill Clinton, soit son vice-président
?
Je ne le pense pas, car
s’il arrivait malheur à Hillary, il serait lui-même président,
là c’est un point de droit qui demande des précisions, donc
je ne me prononcerai pas, mais à propos de ce que vous dites
sur la famille Bush, la différence par rapport aux dynasties,
c’est que les gens ont voté Bush. Ils sont libres de le
faire, et il n’y a pas de règle qui empêche un fils de se présenter,
à condition que les électeurs acceptent cela. Donc, on voit
que dans les meilleures républiques, il y a aussi des dynasties
(Kennedy, Bush), il y aura une dynastie d’un type différent
évidemment si madame remplace monsieur. Mais au-delà de cela,
on pourra toujours se demander, concernant les élections de
2000, ce qui se serait passé si Al Gore avait gagné, peut-être
peut-on penser que la guerre d’Irak n’aurait pas eu lieu. En
tous les cas, Al Gore a été battu, il a reconnu sa défaite et
on peut avoir un goût amer sur les conditions de la première
élection de Bush, surtout par rapport aux décisions qui ont été
prises, mais c’est comme cela ! Ce qui est plus inquiétant
peut-être encore que ses recomptages, c’est que la démocratie
c’est aussi cela, ça peut basculer d’un côté ou de
l’autre, pour quelques voix, même si là on se dit que ces
machines à voter défectueuses, dans la plus grande démocratie
et la plus riche du monde, c’est un peu bizarre. Justement,
puisque je parle de richesse, on voit le poids grandissant de
l’argent dans les élections américaines, et qui dit loi de
l’argent dit groupes d’intérêts, dont les intérêts sont
forcément partiaux, et on peut dire que moins un intérêt est
général, plus il s’organise pour financer une campagne pour
faire valoir ses points de vue ; il est plus facile pour les
fabricants d’armes de s’organiser que pour les victimes des
armes de le faire, pour prendre ce type d’exemple. Donc on
peut dénoncer le poids de plus en plus important de l’argent
dans une élection, et c’est un problème dans une démocratie.
J’aimerais
enfin vous faire réagir sur la déclaration du président du Vénézuela,
Hugo Chavez, à la tribune de l’Onu, sur les Etats-Unis...
Elle a coûté au Vénézuela
un siège de membre non permanent au Conseil de sécurité, qui
lui était, si ce n’est promis, en tout cas possible à
obtenir. C’était une bataille contre le Guatemala, là je
crois qu’il y a beaucoup de pays qui considéraient que le Vénézuela
pouvait prétendre à cette place et qui ont dit : on ne peut
pas prendre le risque d’élire un pays qui conteste aussi
ouvertement les Etats-Unis. Contester sa politique oui, mais
qu’un pays vienne jouer les trublions dans un organe qui est
censé faire de la gestion, c’est un risque trop grand, et
donc là, je pense que Chavez a dérapé, et on ne dit pas la même
chose à la tribune de l’Onu qu’à un meeting électoral.
Lorsqu’on est président d’un pays, on ne s’exprime pas
comme lorsqu’on est président d’un parti d’opposition. Ce
discours a dû faire plaisir à certains, et a coûté au Vénézuela
le poste non permanent au Conseil de sécurité des Nations
unies, et donc, outre ceux qui s’opposent aux Etats-Unis,
Georges Bush a dû accueillir ce discours avec satisfaction,
puisqu’il lui a permis d’empêcher l’accession du Vénézuela
pour deux ans au Conseil de sécurité.
Pascal Boniface
Directeur de l'IRIS
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