IRIS
Diplomatie, Sarkozy
sur la défensive
Pascal Boniface
Pascal Boniface - Photo IRIS
Jeudi 26 août 2010
C’est un Nicolas Sarkozy sur la défensive qui a prononcé le
traditionnel discours annuel de politique étrangère devant la
Conférence des Ambassadeurs. Le Quai d’Orsay est en effet en
crise. Il y a deux mois, deux anciens ministres des Affaires
étrangères de bords politiques différents, Alain Jupé et Hubert
Védrine, publiaient ensemble un article critiquant la diminution
des moyens du Ministère des Affaires étrangères qui vient
limiter les capacités d’influence de la France. La veille de
l’ouverture de la Conférence des Ambassadeurs, ce sont trois
anciens secrétaires généraux du Ministère qui ont signé
conjointement un texte allant dans le même sens. Le ministre
Bernard Kouchner est pour sa part donné partant depuis plusieurs
mois.
Nicolas Sarkozy est par ailleurs sous le feu des critiques
pour sa politique à l’égard des Roms, et les déclarations de
responsables gouvernementaux liant immigration et insécurité.
L’ONU, la Commission européenne, le Pape, ont condamné cette
position, très critiquée par ailleurs dans la presse
internationale. On comprendra dès lors que Nicolas Sarkozy,
contrairement à l’habitude, n’ait fait aucune référence aux
Droits de l’homme dans son discours, alors qu’il a souvent
répété qu’il en ferait l’axe majeur de sa diplomatie.
Il est également sur la défensive sur l’Afghanistan, où le
débat commence à s’ouvrir en France sur la pertinence d’une
présence militaire dans une guerre qui semble sans fin. Nicolas
Sarkozy a fustigé les commentaires catastrophistes et réaffirmé
que la France restera en Afghanistan aussi longtemps que
nécessaire.
Il a commencé son discours par une référence à la lutte
contre le terrorisme, qui reste selon lui une priorité majeure.
Sur le Proche-Orient et l’Iran, il a réaffirmé les principes
traditionnels de la France : l’Iran a le droit au nucléaire
civil, mais tout doit être fait pour qu’il renonce à
l’enrichissement ; une paix au Proche-Orient est possible et est
dans l’intérêt des deux peuples.
Mais comment donner l’impression d’être en mouvement
lorsqu’on est en difficulté sur la scène mondiale, et que les
difficultés en politique intérieure s’amoncellent ? Comment
montrer que la France et son président ont toujours un rôle
moteur dans le monde ? Sarkozy l’a fait sur l’Europe en disant
que l’idée d’un gouvernement économique européen, autrefois
tabou sauf pour la France, est devenue désormais une réalité. Il
a mis en avant le rôle de la France dans la sortie de crise qui
avait agité la zone euro il y a un an.
C’est à travers le G20 que Nicolas Sarkozy peut espérer
récupérer le plus de bénéfices politiques. Le 12 novembre, la
France prendra la présidence du G20. Nicolas Sarkozy a répété
que cet organisme était une création française. Il veut lui
donner un nouveau souffle alors que la tentation peut être forte
chez certains, le plus gros de la crise passé, de revenir aux
comportements traditionnels qui risquent tout simplement de
permettre les conditions de l’éclatement d’une nouvelle crise.
Nicolas Sarkozy propose de réformer le système monétaire
international afin de mettre fin à l’instabilité des changes,
qui fait peser une trop grande menace sur la croissance
mondiale. Il propose de commencer par un séminaire entre les
meilleurs spécialistes de la question, qui pourrait se tenir en
Chine, reconnaissant à la fois l’émergence de ce pays et
l’appelant à avoir un comportement responsable. Il met
ouvertement en cause le rôle du dollar en déclarant qu’un
« système monétaire international dominé par une seule monnaie
n’est pas en adéquation avec un monde devenu multipolaire. »
Le deuxième chantier est celui de la volatilité des prix des
matières premières, facteur d’instabilité économique mais
également stratégique, comme on l’a vu avec les émeutes de la
faim il y a quelques temps. Le troisième concerne la réforme de
la gouvernance mondiale, dont le G20 deviendrait le principal
forum pour les questions économiques et financières, en se
dotant d’une structure plus permanente et qui pourrait réfléchir
à la création d’une taxe sur les transactions financières.
En conclusion, et en s’écartant de la version écrite de ses
discours, Nicolas Sarkozy déclare que : « Le rôle de la
France est d’apporter de nouvelles idées et ce dont le monde a
le plus besoin, ce sont des idées nouvelles. » Nicolas
Sarkozy veut faire preuve de volontarisme et obtenir un bénéfice
politique en montrant que la France et son président peuvent
encore jouer un rôle pilote. Les idées de réformisme du système
international sont en fait des positions traditionnelles
françaises, de De Gaulle à Mitterrand. En se les réappropriant,
et en y ajoutant son propre dynamisme, Nicolas Sarkozy espère
que l’horizon international lui apportera une éclaircie
politique qui lui est nécessaire, tant sur le plan interne
qu’international.
Pascal Boniface, Directeur de l'IRIS
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Publié le 27 août 2010 avec l'aimable autorisation de l'IRIS.
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