IRIS
Proche-Orient :
cessons d'être fatalistes, les lignes bougent !
Pascal Boniface
Pascal Boniface - Photo IRIS
Lundi 24 août 2009
Beaucoup estiment que le conflit israélo-palestinien ne sera
jamais résolu : l’impossibilité des protagonistes à se mettre
d’accord sur les bases d’un règlement équitable, la supériorité
militaire d’Israël puissance occupante, le soutien, quasi
inconditionnel sous George Bush, de l’hyperpuissance américaine,
la timidité ou l’impuissance volontaire de la communauté
internationale, tout concourt au blocage de la situation.
Pourtant, quelques éléments pourraient, à l’avenir, faire bouger
les lignes.
La clé essentielle se trouve à Washington. Les conclusions
qu’avait tirées George Bush des attentats du 11-Septembre
l’avaient conduit à se rapprocher encore plus d’Israël. Cette
période post-11-Septembre semble révolue. Obama a compris qu’un
soutien jugé inconditionnel à Israël, lié à la perpétuation du
conflit israélo-palestinien, est néfaste pour l’image des
Etats-Unis dans le monde, principalement dans le monde musulman
et, qu’à terme, pourrait être un facteur d’affaiblissement des
Etats-Unis. Ce qui reste inconnu, c’est la marge de manœuvre
qu’aura ou que se donnera Obama face à Israël.
Mais d’autres facteurs, auxquels on pense moins, vont avoir un
impact sur le conflit israélo-palestinien.
Israël a sans conteste la supériorité militaire, son armée ne
peut être vaincue par aucune autre de la région mais les
évolutions technologiques paradoxalement peuvent jouer contre
Israël. La guerre du Golfe de 1990-1991 avait déjà montré que la
possession des territoires occupés ne constituait plus une
profondeur stratégique susceptible de protéger Israël puisque
des missiles irakiens avaient atteint le territoire israélien.
Dans la guerre du Liban en 2006, puis pendant la guerre de Gaza
en 2009, on a vu que des roquettes même rudimentaires pouvaient
atteindre le territoire israélien. Comment ne pas penser qu’à
l’avenir, avec des moyens rudimentaires, le Hamas ou d’autres
mouvements armés à Gaza ou ailleurs ne seront pas en mesure de
frapper plus loin et plus fortement au cœur d’Israël ? A l’heure
des guerres asymétriques, la puissance militaire n’est plus le
gage de la sécurité.
Un monde multipolaire moins favorable au soutien
américain à Israël La multipolarisation du monde ne
joue pas en faveur d’Israël. Les Etats-Unis réalisent que leur
suprématie n’est plus assurée. Ils doivent composer avec
d’autres puissances moins favorables à Israël. L’émergence sur
la scène internationale de pays comme l’Afrique du Sud et le
Brésil viendra changer les termes du débat sur la question
palestinienne. L’islam du Sud-Est a également son importance :
la Malaisie, l’Indonésie et d’autres pays émergents sont
pro-Palestiniens non seulement parce qu’ils sont musulmans mais
également parce qu’ils sont héritiers du non-alignement et du
droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Contrairement aux pays
arabes, ils sont moins dépendants stratégiquement des Etats-Unis
et peuvent davantage faire valoir leur point de vue.
Les attentats du 11-Septembre et l’assimilation du terrorisme
au monde musulman avaient facilité la tâche d’Israël auprès des
opinions occidentales. Ebranlée par la guerre du Liban en 1982
et par la répression de l’Intifada à la fin des années 1980,
l’image d’Israël avait été restaurée et la vague des attentats
suicides en Israël en 2002-2003 avaient créé dans une large
partie de l’opinion occidentale le sentiment d’une menace
commune. La guerre du Liban et celle de Gaza, ainsi qu’une
réflexion moins sommaire sur les causes du terrorisme sont venus
effacer cela.
La cause palestinienne n’a pas qu’un appui communautaire dans
de nombreux pays européens. On peut voir un mouvement de
solidarité, notamment dans la jeunesse, comparable avec ce qui
avait été le cas pour les Vietnamiens à la fin des années 1960
et au début des années 1970.
La prise en compte médiatique du sort
des Palestiniens
En termes médiatiques, le moment unipolaire est également
terminé : le monde arabe a ses chaînes satellitaires qui
fournissent une autre histoire du conflit israélo-palestinien,
montrant des images qu’on ne voyait pas auparavant. Des journaux
occidentaux, y compris les journaux américains après la guerre
de Gaza, ont rendu compte des souffrances des Palestiniens. Le
terme a même été employé dans son discours du Caire par le
président Obama, terme qui était absent du discours officiel
américain auparavant. Internet est également un puissant moyen
de circulation de l’information qui bénéficie à ceux qui
apparaissent comme des victimes.
Le récit du conflit a également changé. L’époque où les
grandes productions d’Hollywood assimilaient musulmans et arabes
à des terroristes, auxquels une punition musclée était réservée,
est terminée. On peut voir désormais des films comme « Amerrika »
ou « Le Temps qu’il reste » qui offrent un autre récit du
conflit israélo-palestinien, où le sort des Palestiniens est
pris en compte. Cela devrait se développer et toucher les
opinions. La bataille de l’opinion devient difficile pour
Israël, y compris dans le monde occidental.
Tous ces facteurs vont contribuer à faire bouger les rapports
de force en faveur des partisans d’une paix équitable au
Proche-Orient, dans l’intérêt des deux peuples
Pascal Boniface, directeur de l'IRIS
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Publié le 25 août 2009 avec l'aimable autorisation de l'IRIS.
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