Opinion
La Palestine à
l'ONU : clarification politique en
France
Pascal Boniface
Pascal
Boniface - Photo IRIS
Mercredi 21
septembre 2011
La perspective d'un
vote sur l'adhésion de l'État
palestinien à l'ONU est venue diviser la
classe politique française. Deux
pétitions de parlementaires (députés
sénateurs, parlementaires européens)
circulent, l'une refusant l'adhésion de
l'État palestinien à l'ONU, l'autre au
contraire la soutenant. De façon que
seuls les néophytes jugeront paradoxale,
les deux sont bipartisanes. Mais ce
bipartisme cache mal la ligne de clivage
qui agite la société française dans sa
relation au conflit du Proche-Orient. En
fait sur ce sujet, seul le parti
communiste et les écologistes ont une
position claire et unique : ils sont
favorables à la création d'un État
palestinien.
Une soixantaine de parlementaires ont
signé en faveur de l'adhésion de la
Palestine à l'ONU : principalement des
communistes, des verts, des socialistes
et quelques UMP.
120 parlementaires ont signé la pétition
opposée : principalement des élus UMP,
avec quelques socialistes.
Cette pétition a été initiée par Claude
Goasguen, président du Groupe d'amitiés
France Israël avec le soutien de
Jean-Marie Le Guen (PS). Il n'est pas
interdit de penser qu'il a relayé une
proposition du CRIF dont il est très
proche.
La lettre ouverte qui l’accompagne
reprend en tous les cas l'argumentation
des autorités israéliennes. Les
signataires se disent favorables bien
sûr à la création de l'État palestinien,
mais ils appellent « Israéliens et
Palestiniens à reprendre sans plus
tarder, le chemin des pourparlers et les
exhorte à s'abstenir de toute démarche
unilatérale. » Ils s'opposent à une «
stratégie de contournement des
négociations visant à imposer la
reconnaissance unilatérale d'un État
palestinien ».
Cette dénonciation de l'unilatéralisme
palestinien serait comique si elle
n'était pas tragique. Chacun sait en
effet qu'Israël a depuis fort longtemps
montré son attachement au
multilatéralisme. Si les Palestiniens se
décident à recourir à ce vote à l'ONU,
c'est bel et bien parce que les
négociations bilatérales n'ont mené à
rien. Récemment encore, un ministre
israélien disait que les négociations
pouvaient durer 100 ans. Il faut
vraiment être aveugle pour ne pas voir
que l'actuel gouvernement israélien veut
faire semblant de négocier pour ne
déboucher sur aucun résultat.
Faisant toujours preuve d'un humour
involontaire, ou d'une bonne capacité de
restitution d'arguments fournis clés en
main, nos signataires disent que « cette
adhésion pourrait susciter des attentes
au sein de la population palestinienne
que la réalité du terrain ne saurait
combler. » Extraordinaire argument !
Puisque donc les Israéliens ne veulent
céder sur rien, il ne faut pas susciter
d'espoir chez les Palestiniens car, nous
dit-on, la « frustration générée par ces
attentes déçues pourrait alors
rapidement déboucher sur un nouveau
cycle de violence ». On le voit, la
solution est que les Palestiniens
n'aient aucune attente par rapport à
leur avenir, sinon ils seront déçus et
ils deviendront violents. Nos
signataires, sans bien sûr en être
conscients, rendent un hommage indirect
au général de Gaulle qui, en 1967,
mettait en garde contre les effets de
l'occupation israélienne qui allait
déboucher sur une violence que les
Israéliens ne manqueraient pas de
qualifier de terrorisme.
Plus fort encore, nos signataires
reprennent la formule selon laquelle les
négociations impliquent de part et
d'autre des « concessions douloureuses
». C'est du Netanyahou dans le texte,
qui lui-même reprend une formule de
Sharon. Cela signifie en clair que par
rapport aux frontières de 1967, les
Israéliens devront faire des concessions
en rendant les territoires, les
Palestiniens en feront d'autres en
acceptant de ne recevoir qu’une partie
des territoires conquis en 1967.
Poussant toujours plus loin les ressorts
comiques, nos signataires disent que
cette « manœuvre politique » (des
Palestiniens) viole les accords conclus
entre Israël et l'Autorité
palestinienne, qu'il s'agisse des
résolutions 242, 338, des accords
d'Oslo, de la feuille de route qui
rejette toute démarche unilatérale.
Chacun sait qu'Israël a respecté
scrupuleusement depuis l'origine,
l'ensemble de ces textes et que les
Palestiniens les ont constamment foulés
aux pieds. Bref, la paix surviendra
lorsque les Palestiniens cesseront
d’occuper Israël !
Il est relativement grave de voir des
élus français signer une pétition qui
est une reprise des argumentaires du
gouvernement israélien. Il est encore
plus gênant que des élus socialistes,
pour des raisons qui semblent plus
relever d'un opportunisme que de
convictions politiques, en viennent à se
désolidariser de la position prise par
leur parti, qui reconnaît la nécessité
de la création d'un État palestinien.
Mais ils sont ultra-minoritaires, ce qui
n’aurait pas été le cas il y a dix ans.
Cette pétition signée seulement par 10%
des parlementaires montre plutôt
l’isolement de l’actuel gouvernement
israélien.
Au moins les masques tombent. La
démarche de l'Autorité palestinienne à
terme est non seulement une
clarification des positions au niveau
international, mais elle éclaire
également le paysage national.
Le 22 juin 2010, lors d’une réunion de
solidarité autour de Gilad Shalit
organisée par le CRIF, Éric Raoult
(signataire de la pétition) déclarait
avoir quitté une réunion de son parti
politique sur l’avenir des retraites
pour venir au meeting de soutien. Il a
dit : « Israël c’est plus important que
les retraites ! » Pour les signataires
socialistes de cette pétition, est-ce
qu’ils se disent qu’Israël est plus
important que le PS ?
Le plus savoureux est que Nicolas
Sarkozy, peu susceptible d’être taxé
d’animosité à l’égard d’Israël, vient,
dans son discours à l’ONU du 21
septembre, de mettre en lumière le
danger du veto et de proposer un statut
d’observateur pour la Palestine.
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Publié le 22 septembre 2011 avec
l'aimable autorisation de l'IRIS.
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