Opinion
Obama en Israël :
saisira-t-il l'occasion d'entrer dans
l'Histoire ?
Pascal
Boniface
© Pascal
Boniface
Mercredi 20 mars
2013 Ce 20 mars
Barack Obama doit entamer un voyage en
Israël et dans les Territoires
palestiniens. Est-ce l'occasion de
relancer un processus de paix qui est au
point mort et ne mérite même plus son
nom ? Il n’y a en effet plus aucun
processus en cours, la paix semble bien
lointaine et la seule chose qui
progresse est la colonisation
israélienne des Territoires
Palestiniens.
Barack Obama avait fait de la
réconciliation entre les États-Unis et
le monde musulman une priorité
stratégique après sa première élection
en 2008. Le discours qu'il avait
prononcé au Caire le 4 juin 2009 avait
suscité d'immenses espoirs. Tout en
rappelant l'alliance stratégique entre
les États-Unis et Israël, il évoquait la
nécessité de mettre fin au conflit et
parler des souffrances des Palestiniens.
Cet espoir est vite retombé. Alors que
le président américain avait exigé de
Benyamin Netanyahou de cesser la
colonisation des Territoires
palestiniens, celui-ci n'en a tenu aucun
compte. Fort du soutien du Congrès
américain, c'est lui qui a gagné le bras
de fer contre Barack Obama. Situation
pour le moins paradoxale puisque Israël
dépend largement des États-Unis pour sa
sécurité.
Entre le protecteur et le protégé, c’est
le protégé qui a imposé son point de
vue. Au cours de la campagne électorale
de 2012, Netanyahou s'est même engagé en
faveur de Mitt Romney, le challenger de
Barack Obama, comme s’il n’en avait rien
à craindre. Si sa victoire a été moins
nette que prévue, Netanyahou a par la
suite remporté les élections
israéliennes de janvier qui ont marqué
un glissement supplémentaire du corps
électoral israélien en faveur des
faucons.
Au cours de son premier mandat, Barack
Obama ne s'était pas rendu en Israël.
Certains estiment que ce fut une erreur
et qu'il aurait mieux fait de s'y rendre
pour tenir un langage de fermeté aux
dirigeants israéliens. Mais si Barack
Obama n'a pas voulu livrer bataille
contre Netanyahou, c’est bien qu'il
craignait que cela compromette sa
réélection.
George Bush père a forcé la main aux
dirigeants israéliens en 1991 en les
menaçant de ne plus garantir les crédits
à l’État israélien s’il poursuivait la
colonisation. Le Premier ministre
israélien de l'époque Yitzhak Shamir
avait voulu livrer bataille contre lui.
Les électeurs israéliens craignant une
rupture avec les États-Unis l'avaient
désavoué et Shamir avait perdu les
élections. Malgré la victoire dans la
guerre du Golfe et la fin de la Guerre
froide, George Bush père avait également
été battu en 1992. Beaucoup ont attribué
sa défaite à son opposition à Israël.
L'explication venait plutôt de la
dégradation de la situation économique,
mais cela a créé un effet de dissuasion
sur les dirigeants américains.
Malgré l'opposition de l’AIPAC (American
Israeli Public Affairs Committee), le
principal lobby pro israélien, 70% des
Juifs américains ont voté pour Obama.
Selon les sondages, 10% seulement ont
tenu compte de la relation entre Israël
et les États-Unis dans la détermination
de leur vote. Par ailleurs, Obama a
normalement les mains plus libres au
cours de son second mandat. Il pourrait
donc chercher à rentrer dans l'Histoire
et à mériter vraiment son prix Nobel de
la Paix reçu en 2009. S'il s'oppose
réellement aux lobbys des colons
israéliens et qu'il affirme nettement
que la poursuite du soutien américain à
Israël dépendra de l'avancée réelle des
négociations en direction d’une paix
juste et véritable, il créera un choc
dans la société israélienne.
Celle-ci privilégie pour le moment le
statu quo parce que cela lui parait être
sans risque. Israël n’est pénalisé en
rien pour la poursuite de l’occupation.
Aucune pression et encore moins aucune
sanction n’est exercée contre le
gouvernement israélien.
"Si la poursuite de l’occupation est
sans conséquence pourquoi prendre le
risque de changer ?" se disent la
majorité des Israéliens. Netanyahou
compte sur une politique du fait
accompli, pense que le temps joue pour
Israël et que plus tard surviendra la
création d’un État palestinien, plus ce
dernier sera réduit au minimum.
Obama est conscient que le soutien
inconditionnel accordé par les
États-Unis à Israël est une cause
d’impopularité et dessert l’intérêt
national américain. Pour l’heure,
Netanyahou exerce à son égard un effet
de dissuasion, et Obama n’en exerce
aucun à l’égard de Netanyahou.
Malgré cela, 33% des Israéliens
seulement estiment qu’Obama a une
attitude favorable à Israël et 17%
éprouvent même de la haine à son égard,
lui reprochant de pencher du côté arabe.
Les conseillers d’Obama estiment qu’il
ne faut pas espérer un changement de cap
de ce voyage principalement destiné à
préparer le terrain en établissant un
bon climat pour les négociations. Mais
si rien de concret ne survient,
l’Autorité palestinienne sera de nouveau
affaiblie et le Hamas renforcé.
Tous les droits
des auteurs des Œuvres protégées
reproduites et communiquées sur ce site,
sont réservés.
Publié le 20 mars 2013 avec l'aimable
autorisation de l'IRIS.
Le sommaire de Pascal Boniface
Les dernières mises à jour
|