IRIS
Netanyahou-Obama : des visions opposées du
Proche-Orient
Pascal Boniface
Pascal Boniface - Photo IRIS
Lundi 18 avril 2009 Le partenariat
stratégique entre les Etats-Unis et Israël ne ressemble à aucun
autre. D’habitude, lorsqu’une grande puissance apporte sa
protection et des garanties stratégiques - sans parler de l’aide
financière massive - à un pays plus faible, ce dernier est censé
satisfaire les exigences de son protecteur. Les rapports entre
Israël et les Etats-Unis ne suivent pas cette règle générale.
Quand il
y a un désaccord entre les Etats-Unis et Israël, la plupart du
temps, ce sont les Américains qui renoncent à leur position
initiale et non Israël. Ce petit Etat semble être plus fort dans
leurs relations bilatérales que son partenaire « hyper
puissant ».
Une seule « relation spéciale » : avec Israël
Un expert
britannique a même écrit après la guerre d’Irak que la
« relation spéciale », devise de la diplomatie anglaise, n’était
plus d’actualité, le Royaume-Uni ayant perdu toute possibilité
d’influencer les décisions stratégiques américaines.
Cette
capacité appartient désormais uniquement à Israël. Les raisons
profondes de cette tendance générale sont d’ordre historique et
politique. Mais celle-ci n’avait jamais été aussi forte que sous
la présidence de George W. Bush, notamment à l’image de la
guerre de Gaza à la toute fin de son second mandat et de cette
anecdote révélatrice.
Le
Premier ministre Ehud Olmert essaye de joindre le président
américain par téléphone. L’équipe de George W. Bush répond qu’il
est injoignable puisqu’il est en train d’adresser un discours
officiel. Olmert se met alors en colère et Bush interrompt son
discours pour venir lui parler. Olmert lui demande de changer
immédiatement le vote américain au Conseil de sécurité des
Nations unies concernant Gaza. Bush accepte sur le champ.
Les tensions entre les deux pays se creusent
Mais les
choses peuvent changer dans un futur proche. Les tensions entre
les deux pays se creusent et Obama ne semble pas prêt à accepter
d’obéir systématiquement aux exigences d’Israël. En fait, les
agendas diplomatiques respectifs des Etats-Unis et d’Israël sont
assez différents, voire même opposés dans une certaine mesure.
Par ailleurs, le fait que le gouvernement actuel d’Israël soit
le plus à droite de l’histoire du pays n’arrange pas les choses.
La
priorité stratégique d’Obama est d’apaiser les rapports entre
les Etats-Unis et le monde musulman. Mais pour cela, il sait
qu’il faut plus que des discours sympathiques sur le dialogue
entre les civilisations, l’éloge du caractère pacifique de
l’islam et des sourires adressés aux Arabes.
Si un
réel progrès sur le conflit israélo-palestinien, avec des
apports directs et pas seulement des perspectives vagues à long
terme, n’est pas atteint, sa crédibilité et sa popularité - à
son apogée actuellement - vont progressivement disparaître.
Un grand bond en arrière au Proche-Orient
Même si
le précédent gouvernement israélien n’a pris aucune mesure
particulière dans le sens d’une solution durable, c’est la
première fois depuis 16 ans qu’il y a au pouvoir un gouvernement
qui renie le principe même d’un Etat palestinien. Il s’agit d’un
grand bond en arrière.
Un autre
différend entre les deux pays concerne l’Iran. Le gouvernement
israélien, en partie en le pensant réellement, en partie par
choix tactique - afin de créer un sujet central autre que le
dossier palestinien - présente le programme nucléaire iranien
comme la principale menace contre la sécurité mondiale et essaye
de faire accepter l’idée selon laquelle une guerre pour empêcher
l’Iran de fabriquer des armes nucléaires serait moins nuisible
que si celui-ci y parvenait.
Israël
fait donc pression pour une intervention militaire afin de
détruire les capacités nucléaires iraniennes. Mais Obama n’y
accorde que peu de crédit, pour quatre raisons :
Tout
d’abord, il sait qu’il ne peut pas se permettre de lancer une
nouvelle guerre dans cette région, qui s’ajouterait à celles en
Afghanistan et en Irak.
Il
sait aussi qu’une telle opération aurait des effets secondaires
stratégiques catastrophiques, compte tenu de la récente guerre
de Gaza, de l’absence de solution en vue en Irak et en
Afghanistan et de la situation de plus en plus préoccupante au
Pakistan.
Troisièmement,
il pense que l’Iran peut plus facilement accepter d’arrêter son
programme nucléaire à travers des négociations et en obtenant
des compensations que par un bombardement militaire.
Enfin,
dernier élément, et non des moindres, il a besoin de l’attitude
conciliante de Téhéran pour pouvoir obtenir des solutions
satisfaisantes en Irak et en Afghanistan.
Par conséquent, un fossé est en train de se creuser entre les
priorités stratégiques des Etats-Unis et d’Israël et si l’Etat
hébreu pense que ses points de vue vont l’emporter encore une
fois, rien n’est moins sûr.
Pascal Boniface, directeur de l'IRIS.
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Publié le 19 mai 2009 avec l'aimable autorisation de l'IRIS.
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