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IRIS
Agression contre la librairie Résistances
: pourquoi le silence ?
Pascal Boniface
Pascal Boniface - Photo IRIS
Mercredi 8 juillet 2009
Olivia Zemor et Nicolas Shahshahani
animent la librairie Résistances dans le 17e
arrondissement de Paris. Celle-ci a fait l’objet, vendredi
dernier, d’une attaque violente par un groupe de cinq personnes,
qui ont bousculé clients et employés et commis d’importants
dégâts matériels sur des milliers de livres et du matériel
informatique.
Le Parisien en a rendu compte dans son édition de samedi, dans
les pages « Paris »,
et à ma connaissance, le reste de la presse n’en a guère fait
état. Toujours à ma connaissance aucune autorité politique ne
s’est déplacée ou n’a manifesté sa solidarité envers les
victimes. J’ai de nombreux désaccords avec Olivia Zemor
et Nicolas Shahshahani. Ceux-ci m’ont, dans le passé, attaqué
d’une manière que j’estimais non fair-play ; c’est pour cela que
je suis d’autant mieux placé pour exprimer mon indignation à la
fois par rapport à l’attaque qu’ils ont subie, et l’absence de
réactions qu’elle a suscitée.
J’ai connu Olivia Zemor et Nicolas Shahshahani en 2002, nous
avions des relations cordiales. Ils m’ont proposé de participer
en 2004 à la liste Euro-Palestine, qu’ils lançaient pour les
élections européennes. Quels que soient les reproches que l’on
puisse faire à la façon dont est traité le conflit
israélo-palestinien par les responsables politiques et les
médias, en faire un sujet unique d’une liste électorale me
paraissait constituer un enfermement et une réduction de
l’horizon politique. J’ai donc décliné leur invitation.
A partir de là, Olivia Zemor et Nicolas Shahshahani se sont mis
à me vilipender, mettant en avant la composition du Conseil
d’administration de l’IRIS et indiquant, entre autres
gracieusetés, que j’étais prisonnier du lobby
militaro-industriel français. Par la suite, j’ai invité à faire
une conférence à l’IRIS, Nissim Zvili, ambassadeur d’Israël en
France, et là les critiques ont fusé, mettant en avant que, par
peur, je cédais au lobby pro-israélien.
Bref, Olivia Zemor et Nicolas Shahshahani ont un peu tendance
à penser que ceux qui ne sont pas avec eux sont contre eux et, à
mon sens, n’ont pas un sens du dialogue très développé.
Cela relève du débat public à leur égard, d’une critique
politique que j’ai d’ailleurs exercée, certainement pas d’une
action violente ayant pour objet de les interdire d’activités ou
de les décourager.
Une librairie plusieurs fois attaquée
Ce n’est pas la première fois que leur librairie fait l’objet
d’une attaque. Celle-ci serait apparemment du fait de la Ligue
de défense juive, autorisée en France, mais interdite aux
Etats-Unis [Sur son site, la LDJ nie toute responsabilité dans
cet incident, ndlr]. Cette même organisation qui se serait
livrée à une attaque dans le hall de l’hôtel de ville d’Ivry,
dont la municipalité s’était rendue coupable d’avoir fait de
Marwan Barghouti un citoyen d’honneur de la ville.
Il faut bien sûr employer le conditionnel, mais
malheureusement on peut craindre que l’enquête ne permette pas
d’identifier les responsables. Tous les moyens seront-ils mis en
oeuvre pour le savoir ? Seront-ils arrêtés et jugés ?
Comment expliquer que la Tribu Ka ait été dissoute pour avoir
fait preuve de démonstration de force et tenu des propos
inacceptables, sans avoir toutefois employé la violence physique
tandis que la Ligue de défense ne l’est pas ?
Imaginons que le hall de la mairie du 16e
arrondissement fasse l’objet du même type d’action que celle
d’Ivry, est-ce que les auteurs pourraient encore courir
librement ? Si une librairie pro-israélienne avait fait l’objet
d’une attaque comparable à celle de la librairie Résistances,
est-ce que les autorités et la presse auraient fait preuve du
même silence ? Que répondre à ceux, nombreux mêmes s’ils n’ont
pas accès aux médias, qui posent cette question ?
Notons qu’il s’agit d’une agression antisémite, qui n’est
toutefois pas traitée comme les autres agressions de ce genre.
Comment expliquer cela ?
Comment expliquer que les « Voltairiens maccarthistes » de
service, toujours prompts à proclamer la liberté d’expression
lorsqu’il s’agit de défendre des gens qui ont critiqué l’Islam
ou les musulmans, mais reprenant les méthodes de McCarthy dans
d’autres circonstances, fassent preuve d’un tel silence
assourdissant aujourd’hui ?
Les responsables politiques ou la presse se taisent-ils parce
qu’ils ne veulent pas jeter d’huile sur le feu sur un sujet
sensible et éviter de créer des tensions dites
inter-communautaires ? C’est exactement l’inverse qui va se
produire. L’absence d’informations crée nécessairement la
rumeur, et dans ce cas des rumeurs malsaines. Ce silence de la
presse et des autorités va alimenter les préjugés antisémites,
non les combattre.
En ne traitant pas des éléments comparables de la même façon, on
n’apaise pas les tensions, on crée un sentiment de double
standard qui peut nourrir les pires fantasmes, sur lesquels les
théories du complot vont connaître un nouvel essor.
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Publié le 8 juillet 2009 avec l'aimable autorisation de l'IRIS.
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