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IRIS
La guerre de Gaza et l'image d'Israël
Pascal Boniface
Pascal Boniface - Photo IRIS
Jeudi 2 avril 2009
Alors que les négociations en cours devraient déboucher sur la
constitution du gouvernement le plus à droite qu'ait jamais
connu l'Etat d'Israël (malgré la présence pathétique du Parti
Travailliste) de nombreux cadres et responsables de cet Etat
s'inquiètent de l'image de leur pays à l'étranger. Il a été
décidé de lancer une campagne de communication pour améliorer
l'image d'Israël en dehors de ses frontières: 2 millions de
dollars devraient être affectés à cette tâche. Il n'est pas
certain que cette somme suffise, surtout si un gouvernement
dirigé par Benyamin Nétanyahou avec le Parti religieux Shass et
le Parti ultra nationaliste laïc Israël Béitanou est au pouvoir
en Israël. Tout ceci est l'héritage de la guerre de Gaza. La
coalition du Parti Kadima et du Parti Travailliste a fait
l'erreur de lancer la guerre de Gaza pour faire taire les
critiques de la droite israélienne accusant le gouvernement
d'être impuissant face aux tirs de roquettes du Hamas sur les
villes du Sud israélien. Alors que le Premier ministre Olmert se
disait prêt à passer un accord avec les Palestiniens, il a
choisi la voie de l'affrontement militaire, envoyant ainsi un
double message contradictoire. Les électeurs israéliens se sont
dit que si une politique de force était nécessaire, il valait
mieux l'original que la photocopie et donc voter pour ceux qui
prônaient le plus durement l'usage de la force à l'usage des
Palestiniens. La coalition gouvernementale a fait la guerre de
Gaza pour éviter de donner un avantage électoral à la droite et
à l'extrême-droite israélienne, elle leur a en fait ouvert un
véritable boulevard.
Cette guerre a également fait des dégâts considérables dans les
opinions publiques. Bien sûr, dans les pays arabes où les
chaînes satellitaires comme Al Jazeera et Alarabia ont montré
des photos et des images révulsantes des destructions
israéliennes, mais également dans les pays occidentaux où
l'opinion publique a été ébranlée par le bombardement de
populations civiles dans cette prison à ciel ouvert qu'est Gaza.
L'image d'Israël va subir un nouveau contrecoup terrible alors
que les dégâts nés de la guerre du Liban sont encore vivaces.
C'est que le capital de sympathie qu'Israël avait dans le Monde
occidental a été particulièrement atteint. Tel Aviv peut
toujours compter sur le soutien des gouvernements européens et
américains, il n'en va pas de même dans les opinions.
Certes, il y a encore quatre Américains sur cinq qui rendent le
Hamas responsable du déclenchement du conflit. Mais les
reportages, même édulcorés par rapport à ce qu'ont pu voir les
téléspectateurs des chaînes arabes, ont montré les destructions
et sont venus introduire le doute dans une partie de l'opinion
américaine. De nombreuses manifestations ont eu lieu dans les
pays européens avec des campagnes de boycott, de protestation et
surtout des demandes de traduction en justice internationale des
responsables israéliens. Des manifestations culturelles et
sportives concernant Israël ont été boycottées, annulées, ou ont
été le théâtre d'incidents. Israël a même établi une liste d'une
dizaine de pays susceptibles de créer des problèmes judiciaires
aux représentants israéliens en raison de l'opération " Plomb
durci ". La Belgique est en tête de liste. L'Étau de la justice
internationale se resserre en effet autour des dirigeants
israéliens, les plaintes aux origines les plus diverses affluent
à l'encontre d'Israël. Si les médias occidentaux ont été
relativement discrets pour montrer les horreurs de la guerre,
des photos terrifiantes ont largement circulé sur Internet et
continueront de circuler longtemps. Cela conduit pour Israël à
faire le grand écart, ce qui ne sera pas tenable très longtemps.
Les gouvernements européens hésitant à terme entre le soutien à
Israël et l'hostilité, non seulement de l'opinion mondiale, mais
également de leur propre opinion publique.
Le virage à l'extrême-droite du nouveau gouvernement israélien
devrait conduire les gouvernements occidentaux à prendre quelque
distance avec Tel Aviv. La présence d'Avidgor Lieberman, aux
thèses ouvertement racistes, qui avait évoqué l'utilisation
d'armes nucléaires sur la Bande de Gaza devrait susciter
quelques remous. Quand on se rappelle des protestations des
gouvernements occidentaux suite aux propos d'Ahmadinejad de
rayer Israël de la carte, il sera difficile de traiter, comme si
de rien était, le nouveau gouvernement israélien. La
communication est un enjeu essentiel du pouvoir, mais la
meilleure politique de communication possible ne peut remplacer
une mauvaise politique. Si Israël veut améliorer son image, ce
n'est pas tant par des grandes campagnes de publicité qu'il
pourra le faire, mais simplement en changeant de politique et en
acceptant une paix que Palestiniens et Arabes lui offrent depuis
déjà longtemps.
Pascal Boniface, directeur de l'IRIS Tous les droits des auteurs des Œuvres
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Publié le 11 avril 2009 avec l'aimable autorisation de l'IRIS.
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