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Le Quotidien d'Oran
Test historique pour
les Frères musulmans
Oualid Ammar
Mardi 8 février 2011
Depuis quelques semaines, les états-majors politiques,
militaires et médiatiques occidentaux pistent, de
l'Atlantique à l'Euphrate, l'onde de choc de la « révolution
du jasmin ». La plus grosse réplique qu'ils subissent,
eux-mêmes, actuellement est celle de l'entrée en scène des
Frères musulmans en Egypte. Ciel ! Encore, les islamistes,
s'est-on exclamé à Washington, Paris ou Londres. Pendant
plus de trente ans cet Occident, allié d'Israël, et chantre
de la démocratie a applaudi ou fermé les yeux sur la
répression par le régime Moubarak de ce courant politique
ancré dans la société égyptienne depuis le début du 20ème
siècle.
D'ailleurs, les Américains avaient fricoté avec ce courant
pour essayer, alors, de freiner l'avancée du mouvement
nationaliste nassérien. Cette collaboration n'a semble-t-il
pas duré car les Frères musulmans ont ensuite recentré leur
combat sur la cause palestinienne, devenant de fait l'ennemi
de Tel-Aviv et de son allié stratégique, Washington.
Ils se sont heurtés aux régimes de Sadate, puis de Moubarak
lesquels ont finalement bien travaillé en servant de rempart
avancé au bunker israélien. Les senteurs du jasmin tunisien
ont à présent balayé la place Tharir ainsi que la
représentation israélienne dans la capitale égyptienne.
Elles ont mis les Frères musulmans, officiellement
interdits, en position d'interlocuteur du régime. Ce n'était
pas arrivé depuis un demi-siècle. Ils négocient pied à pied.
Le projet de créer un comité comprenant le pouvoir en place
et des opposants pour préparer des réformes
constitutionnelles est insuffisant, a déclaré Mohamed Mursi,
haut responsable des Frères musulmans, lors d'une conférence
de presse dimanche au Caire.
Pour le moment, les Américains ne sont pas frontalement
hostiles à leur émergence sur le terrain officiel. Le
président Barack Obama, tout en précisant que « certaines
tendances de leur idéologie sont anti-américaines », a
estimé que les Frères musulmans ne sont qu'une des factions
égyptiennes, certes bien organisés, mais sans un soutien
majoritaire dans le pays. Tout en essayant de minimiser le
rôle et l'influence des partisans contemporains de Hassan El
Banna, la Maison Blanche fait implicitement pression sur
Tel-Aviv. Le régime sioniste fait la loi dans la région et
tente, de plus en plus souvent, des échappées très mal
perçues à Washington. Que ce soit vis-à-vis de la question
palestinienne que du dossier iranien. L'Administration
américaine ne semble pas admettre qu'un vieil allié lui
force la main. D'où cette sortie de Hillary Clinton : « Les
Etats-Unis refusent de préjuger de l'avenir des Frères
musulmans ».
Même si cette phrase est à double sens, c'est aux Frères
musulmans de jouer. D'abord, en n'effrayant pas les
Américains et par extension l'Occident. C'est-à-dire en
évitant d'être cet éléphant qui foncerait sur un magasin de
porcelaine. Sans abandonner le soutien à la cause
palestinienne, dans le cadre de la transition démocratique,
ils pourraient être cette locomotive qui œuvre à construire
avec les autres forces politiques égyptiennes une société
fondée sur le respect des règles de l'Etat de droit
(justice, police, presse), de la représentation politique, y
compris des minorités ethniques ou religieuses, et une libre
participation à la décision politique. Ils feraient la
démonstration que la démocratie s'adapte parfaitement à
l'Islam. C'est peut-être le moment, après avoir renoncé à la
voie armée pour accéder au pouvoir, pour la nouvelle
génération des Frères musulmans de s'inspirer des trois
fameux manifestes qu'ils ont adoptés dans les années 90
pendant que l'Algérie vivait sa « tragédie nationale ». L'un
sur « l'indispensable démocratie » ; l'autre sur les droits
des minorités, notamment de « nos frères et compatriotes
coptes » ; et le troisième sur « le statut de la femme »,
ces textes réveillés par le jasmin tunisien peuvent être
portés à présent par les clameurs déterminées des gens du
Nil pour contribuer à donner naissance à une dynamique
politique inédite dans ce pays pivot qu'est l'Egypte. Le
test est historique.
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