Depuis lors, en accord là encore avec un de ses engagements, l’ancien commando a quitté (la mort dans l’âme et les yeux embués) ses fonctions de chef des armées, véritable attribut de la puissance dans ce pays de tradition martiale, remettant au général P. Kyani, l’un de ses proches – concept malgré tout des plus volatiles au Pakistan… – les rênes de cette puissante institution. Une décision en phase avec les demandes de l’opposition, par nature hostile à cette confusion / confiscation des pouvoirs civils et militaires, et satisfaisant sans l’ombre d’un doute une opinion majoritairement acquise au principe du retour à un exercice plus démocratique du pouvoir.
Déjà (enfin ?) se profilent les prochaines élections législatives ; le 8 janvier donc, dans tout juste trois semaines, ce scrutin attendu par des dizaines de millions de votants devrait finalement avoir lieu ; à moins que l’on assiste à un nouvel événement dramatique (attentat ; loi martiale ; boycott ; etc.) qui en retarde le cours, hypothèse à ne pas complètement écarter. A travers les 4 provinces (Punjab, NWFP, Sindh, Baloutchistan), 10 000 candidats se soumettront au suffrage des électeurs ; un scrutin que d’aucuns hésitent à qualifier, avant même son déroulement, de « libre et juste », comme le voudrait pourtant le Président. En effet, la presse demeure largement sous contrôle et est « invitée » à demeurer prudente sur sa lecture des décisions gouvernementales ou présidentielles ; des craintes de fraude émanent de différents responsables de partis politiques nationaux et provinciaux, et l’organisation de réunions / meetings politiques – un exercice traditionnellement prisé et suivi – demeure un exercice contingenté quand il n’est pas encore tout bonnement interdit. Bref, -- et l’on passera sous silence la partialité du gouvernement intérimaire en place, la mise au pas de la Cour Suprême, désormais apurée de tout élément contestataire, l’intimidation exercée par l’armée et les services --, un cadre général qui ne fleure pas l’équité ni le respect des chances de chacun…
Le week-end dernier, le premier (depuis fort longtemps…) sondage d’opinion publié dans la presse pakistanaise laissait clairement entrevoir l’étroite légitimité populaire du Président Musharraf et la lassitude générale de ses administrés : pas moins de 67% des sondés l’invitent (2 mois à peine après sa réélection…) à remettre de lui-même sa démission, 70% dénoncent le caractère éminemment partisan de l’imposition de l’état d’urgence ; il sont près de 3 sur 4 à déplorer les conditions agressives dans lesquelles les avocats, les juges ont été traités par les forces de l’ordre ou encore à voir du plus mauvais œil la censure s’imposer sans grand discernement sur les médias télévisuels.
Dans ce panel des plus criants, reflet assez conforme des sentiments qu’inspire au peuple pakistanais la confuse situation politique actuelle, encore un mot des dispositions de l’électorat à quelques semaines du scrutin : en effet, 6 personnes interrogées sur 10 jugent défavorablement une possible cohabitation au lendemain du scrutin entre le Président Musharraf et sa possible 1ere Ministre Benazir Bhutto. Selon l’opinion, le script de ce « deal » est programmé et arrangé depuis Washington et apparaît à court terme des plus improbables, tant l’estime et la confiance entre ces deux personnalités ne vont pas de soi (euphémisme).
Les sondés sont d’une égale proportion à estimer qu’au-delà de leurs divergences historiques, une alliance entre les deux derniers 1ers ministres civils démocratiquement élus, Madame B. Bhutto (PPP) et Monsieur Nawaz Sharif (PML-N), fers de lance de la contestation de l’autoritarisme du Président Musharraf, ferait plus de sens. Certes ; de là pourtant à penser que ceux deux formations politiques plus rivales qu’alliées naturelles offrent une plus grande capacité à œuvrer efficacement dans une démarche commune, il y a malheureusement bien loin.
Trop en tous cas pour y concentrer l’essentiel des espoirs d’une nation lassée par huit années de gestion militaire. Dès avant même que les électeurs puissent se diriger vers les isoloirs, les scénarios divers vont bon train à Islamabad, Karachi et Peshawar : et si, fort de son possible « succès » (entendez l’obtention des 2/3 des sièges dans la future assemblée nationale), l’opposition décidait d’engager une procédure « d’impeachment » contre le Président ?
De son côté, le clan présidentiel (parti du PML-Q ; alliés du MQM ; armée) se plait à croire (rêver serait plus juste) en un éventuel succès législatif du même ordre (2/3 des sièges), résultat qui lui permettrait notamment d’avaliser dans le droit, a postereri, diverses décisions prises lors de ce discutable épisode d’état d’urgence.
Alors que les principaux partis politiques ont in fine décidé de prendre part aux élections du 8 janvier (pour « éviter de laisser le champ libre au clan présidentiel », d’après B. Bhutto), que la communauté internationale ne cesse d’inviter les autorités pakistanaises à garantir la tenue d’un scrutin libre et honnête, pris comme toujours entre deux feux, entre deux destins, le citoyen observe, juge, attend. Sans toutefois se faire beaucoup d’illusions.